Vacarme 77 / Cahier

une politique de la phrase entretien avec Ivan Segré

une politique de la phrase

Intuitivement, on reconnaît encore facilement en quoi consiste une position réactionnaire : figer les identités, exclure l’altérité et la contradiction, et donc condamner d’avance toute possibilité de transformation. Mais tout se brouille quand il s’agit de concevoir sa position opposée, c’est-à-dire une position progressiste, tant trop de crimes furent commis au nom du progrès. La force d’Ivan Segré est d’en rappeler la vertu inaugurale et inentamée : justement prendre en compte la possibilité d’une transformation radicale de soi comme du monde par un refus radical de tout fantasme d’identité conceptuelle ou politique, et donc par un refus radical de toute norme intangible comme de toute xénophobie. Autrement dit, le camp du progressisme fait exploser tous les camps idéologiques comme tout ce qui tend à structurer la théorie comme la pratique en stratégies de domination. L’audace de Segré est alors d’exercer cette vertu dans les questions les plus brûlantes où les identités semblent les plus figées : celles du judaïsme, de l’antisémitisme et du sionisme. Qui a dit que seule la vérité était révolutionnaire ?

Quel a été votre parcours intellectuel ?

J’ai fait des études de lettres et de philosophie, puis j’ai un peu enseigné. J’ai commencé à m’intéresser de près aux études juives à l’âge de 25 ans. À 28 ans — j’en ai aujourd’hui 42 — je suis parti étudier le Talmud à Jérusalem. Rentrer de plein pied dans le Talmud suppose un fort investissement, d’abord parce qu’il faut intégrer les lieux d’étude qui sont essentiellement ceux de l’orthodoxie religieuse, aujourd’hui principalement situés en Israël, ensuite parce que c’est un immense corpus, d’une densité peu commune. J’ai étudié une bonne dizaine d’années le Talmud en France et en Israël. Parallèlement, j’ai fait une thèse de doctorat, entre 2005 et 2007, sur un sujet politique sensible : l’apparition d’un « nouvel antisémitisme ». Mon hypothèse de travail était que la question de l’antisémitisme est l’objet d’une instrumentation idéologique réactionnaire. Et en effet, ma recherche, « La réaction philosémite à l’épreuve de l’histoire juive », a été très compliquée à mener d’un point de vue institutionnel, parce qu’elle était apparemment très dérangeante. J’ai donc cherché un espace institutionnel où malgré d’éventuels désaccords idéologiques, je ne serais jugé que sur la rigueur intellectuelle de mon travail. C’est sur cette base que j’ai rencontré Daniel Bensaïd, qui est devenu mon directeur de recherche. Comme le site Lundi matin aujourd’hui, Daniel Bensaïd m’a offert une sorte d’asile politique, où je puisse m’exprimer. Après son décès, ça a été beaucoup plus compliqué. La thèse de doctorat terminée, je suis reparti vivre en Israël. Puis je suis revenu vivre en France il y a trois ans, tout en allant régulièrement en Israël. J’ai un peu un pied ici, un pied là-bas. Et dans mon travail, je continue à mêler les études juives et la philosophie, la psychanalyse, la politique ou l’histoire.

« Je peux répéter une phrase plusieurs fois, y revenir : il y a une signification qu’on n’apercevait pas tant qu’on était prisonnier de catégories préconçues. »

« l’empreinte de la lettre » : Talmud et philosophie politique

Votre écriture procède par répétitions de citations, de manière quasiment paraphrastique, ce que Badiou appelle travailler à « l’échelle de la phrase » [1]. Est-ce une caractéristique de l’écriture talmudique ?

L’attention à la lettre est l’un des traits qui caractérise l’étude juive. Mais en réalité, on est toujours dans une dialectique de la lettre et de l’esprit : l’attention à la lettre a pour enjeu de saisir l’esprit. J’ai été marqué, très jeune, par un film de Jacques Rivette, L’amour fou. C’est une mise en abyme, un film dont le sujet est un documentaire sur la préparation d’une représentation d’Andromaque, où alternent des scènes de vie, des répétitions et des interviews. Il y a un passage où le metteur en scène remet en cause la lecture d’Andromaque par Roland Barthes dans Sur Racine, et il la remet en cause sur la base d’un seul vers de la tragédie. Selon Barthes, Hermione aime le pouvoir plutôt qu’elle n’aime Pyrrhus. Le metteur en scène, dans le film de Rivette, lui oppose un vers d’Hermione : « À qui même en secret je m’étais destinée, avant qu’on eût conclu ce fatal hyménée ». Ce qui structure son amour, ce n’est donc ni la position de pouvoir, ni la loi patriarcale qui l’a destinée à Pyrrhus, mais un affect subjectif, singulier, l’amour. À partir de ce seul vers, le metteur en scène démonte toute l’analyse structurale de Roland Barthes. Cet exemple montre que « l’échelle de la phrase », l’attention à la lettre, n’est pas propre à l’étude juive même si elle en est caractéristique. C’est aussi bien la caractéristique du travail du metteur en scène dans le film de Rivette, comme c’est la caractéristique de mon travail de lecture, de déchiffrement des textes.

Quel est le gain d’un travail d’analyse « à l’échelle de la phrase » ?

On a trop souvent tendance à avoir des sortes de grilles de lecture qui commencent par identifier des camps et assignent à chacun d’entre eux des positions. Ce qui m’intéresse, en travaillant les textes, c’est de faire exploser ces lignes, et pas seulement de les « bouger ». Par exemple, j’ai fait apparaître dans La réaction philosémite que les auteurs des Territoires perdus de la République [2], qui se présentent comme des activistes de la lutte contre l’antisémitisme, véhiculaient eux-mêmes des préjugés quasiment antisémites. Certains auteurs mettaient par exemple sur le même plan la persécution d’un élève juif et le fait que certains élèves s’absentent systématiquement le samedi. Un autre exemple de contradiction, c’est le fait que Finkielkraut ait salué le courage d’Oriana Fallacci dans La rage et l’orgueil, puis qu’épluchant les derniers textes de celle-ci, je découvre, au beau milieu de diatribes racistes contre les Arabes, des propos négationnistes contre les Juifs. Cette approche très littérale des textes m’intéresse parce qu’elle permet de faire apparaître d’autres clivages que ceux qui s’imposent au premier regard, et des clivages finalement plus décisifs. En l’occurrence, cela m’a permis de montrer qu’un certain discours, prétendument favorable aux Juifs, reposait en fait sur des présupposés réactionnaires et des orientations xénophobes qui finissaient par avoir les Juifs en ligne de mire. Voilà pourquoi je peux répéter une phrase plusieurs fois, y revenir : il y a une signification qu’on n’apercevait pas tant qu’on était prisonnier de catégories préconçues ou préétablies. Dans une certaine mesure, c’est proche de l’attention flottante en psychanalyse et cela rejoint le film de Rivette : il faut avoir l’oreille pour entendre que, dans ce vers-là, se joue le retournement de tout.

le nom juif, ouvriers et bourgeois et la mémoire d’Auschwitz

Qu’est-ce que le nom juif ? Et quel sens donnez-vous aux noms « bourgeois » et « ouvrier » dans vos textes ?

Dans Le manteau de Spinoza, je pars d’une affirmation de Jean-Claude Milner : le retour du nom juif, dit-il dans un livre sur Mai 68, aurait pour corollaire la disparition du nom ouvrier. C’est cette opposition entre nom juif et nom ouvrier qui m’a paru être typiquement réactionnaire, et c’est ce que j’ai tâché de déconstruire. Pour ce faire, je me sers des catégories progressiste/réactionnaire, théoricien ouvrier/théoricien bourgeois. Évidemment joue ici un certain attrait pour l’histoire du mouvement ouvrier. Mais il y a aussi le sens littéral des mots, et le bourgeois, c’est celui qui occupe, ou vise à occuper la place du centre, la place du commandement. Être bourgeois, c’est se placer. Être ouvrier, c’est œuvrer. Les bourgeois se placent, les ouvriers œuvrent. Voilà l’idée.

Disons que toute tradition est divisée entre une orientation progressiste (ou ouvrière) et une orientation réactionnaire (ou bourgeoise). Mon propos consiste à réintroduire cette division au sein du judaïsme. Je dirais que l’acte fondamental d’une orientation progressiste, c’est de repérer le point de division et de le traiter en dehors des normes établies. Le discours réactionnaire, lui, va considérer que le point de vue adverse doit être récusé au titre de l’hérésie, de l’illégalité. Pour dire les choses d’un bloc, le primat de l’identité sur la contradiction est le versant réactionnaire, le primat de la contradiction sur l’identité est le versant progressiste. Et pour ce qui concerne le judaïsme, je montre comment le Talmud (IIe-VIe siècle) est construit sur le primat de la contradiction, tandis que le processus de codification du Talmud, qui s’est imposé au Moyen Âge, fait triompher le primat de l’identité.

Qu’est-ce que la réaction philosémite ?

La réaction philosémite est un discours qui instrumentalise le nom juif à des fins réactionnaires. Dans mon livre, je montre par exemple comment Emmanuel Brenner, alias Georges Bensoussan, a utilisé dans Les territoires perdus de la République un sondage sur l’enseignement de la Shoah dans les écoles : il expliquait, chiffres à l’appui, que les enfants d’origine maghrébine y seraient plus hostiles que les autres. Je ne prétends pas savoir ce qui se passe dans les collèges et lycées des banlieues. Mais, en analysant ce sondage, donc revenant au document sur lequel s’appuie l’auteur, j’ai pu m’apercevoir que cette hostilité n’était absolument pas une caractéristique des élèves d’origine maghrébine, bien au contraire, puisqu’on obtenait des résultats bien plus pertinents en matière d’analyse de l’antisémitisme, ou de résistance à l’enseignement de la Shoah, en utilisant les catégories droite-gauche : les élèves de droite avaient plus de réticences à suivre une leçon d’histoire sur la Shoah que les élèves de gauche, et l’écart était plus significatif qu’entre les élèves d’origine maghrébine et les autres. Voilà ce qui, après analyse, ressortait du sondage cité, ou plus exactement manipulé dans Les territoires perdus de la République.

« La réaction philosémite est une opération idéologique qui vise à re-légitimer au nom d’Auschwitz un discours qui avait été frappé d’interdit du fait d’Auschwitz. »

La question de la Shoah, du souvenir d’Auschwitz, est une question décisive, parce que le travail de mémoire a posé un interdit sur les discours, les passions xénophobes. Prendre acte du fait que l’antisémitisme nazi a conduit aux chambres à gaz, cela interdit le discours nationaliste aux relents xénophobes. Et c’est pourquoi le nom juif occupe une position stratégique : est-ce que « juif », cela nomme l’étranger, ou bien est-ce qu’avec l’État d’Israël, cela nomme une idéologie nationaliste, identitaire ? La mémoire de la Shoah et la lutte contre l’antisémitisme ont été investies par un discours de droite aux accents xénophobes. Ce fut là la fonction centrale d’Alain Finkielkraut, notamment en tant que victime par héritage du génocide nazi. La réaction philosémite est donc une opération idéologique qui vise à re-légitimer au nom d’Auschwitz un discours qui avait été frappé d’interdit du fait d’Auschwitz.

Sur un autre versant idéologique, on trouve Soral et Dieudonné, qui fonctionnent en miroir, comme une sorte de double tragi-comique de Finkielkraut. J’ai été voir en décembre 2013 le spectacle de Dieudonné, Le Mur. Dans ce spectacle, il rappelle que Jessie Owens, le coureur noir américain qui a gagné les jeux olympiques de Berlin en 1936, déclara, quand il revint aux États-Unis, qu’il avait été mieux traité en Allemagne nazie qu’il n’était traité dans son propre pays, les États-Unis. En Allemagne, il n’y avait pas de places réservées pour lui à l’arrière des bus. Ce témoignage d’Owens est précieux, explosif. Mais aussitôt, Dieudonné conclut : la manière dont l’Amérique des Rothschild et des Juifs traitait les Noirs était pire que la manière dont les Allemands traitaient les juifs. C’est ainsi qu’il désamorce le témoignage d’Owens : il innocente le suprématisme blanc pour pointer les Juifs. Et donc en incriminant les Juifs, il innocente l’Amérique ségrégationniste par une opération typiquement xénophobe, en l’occurrence antisémite.

Quel aurait été un usage progressiste du témoignage d’Owens ?

L’usage progressiste aurait été fidèle à l’esprit d’Owens : les États-Unis qui seront les artisans de la victoire contre l’Allemagne nazie sont tout aussi racistes qu’elle. Par ailleurs, jusqu’en 1941, dans les sondages, la population « étrangère » la plus mal vue aux États-Unis était celle des Juifs et non des Allemands. L’Amérique a fermé sa porte aux Juifs tout au long des années 1930. L’entrée en guerre des États-Unis n’est pas due à une volonté de combattre la politique antisémite des nazis. Et durant la guerre, c’est l’assassinat de prisonniers de guerre américains par les SS qui suscitait l’émoi de la démocratie américaine, pas l’antisémitisme nazi. Quand Finkielkraut écrit que la démocratie américaine est « l’inversion d’Auschwitz », c’est donc une réécriture de l’histoire à la gloire des vainqueurs, non l’expression d’une mémoire juive.

Mais cet usage progressiste de la mémoire d’Auschwitz ne suppose-t-il pas justement de nier — comme le dit Milner — la spécificité juive ? En faire une leçon pour l’humanité n’implique-t-il pas de nier les spécificités de tels ou tels crimes ?

Qu’est-ce qu’un phénomène spécifique, singulier ? C’est un phénomène qui a certaines caractéristiques qui ne se retrouvent pas ailleurs. Le caractère commun à l’Amérique ségrégationniste et à l’Allemagne nazie, c’est le ressort xénophobe. Sur cette base, on en tire une leçon pour l’humanité : la xénophobie vient du pire, et mène au pire. Mais on peut aussi en tant qu’historien s’intéresser à la singularité de l’antisémitisme nazi à l’intérieur de la multiplicité historique des formes de génocide. L’esclavagisme raciste, qui a fait plus de victimes que le nazisme, visait à exploiter une force de travail. Dans les chambres à gaz, ce n’est pas l’exploitation de la force de travail qui est visée, c’est l’extermination : on est dans une logique qui contredit la logique d’exploitation, et même toute raison utilitaire. On utilise ses forces logistiques et militaires pour détruire les Juifs alors qu’on pourrait les utiliser pour combattre les armées ennemies. Réfléchir à cette singularité ne suppose pas d’amoindrir les autres génocides, ou la traite des Noirs, et ne rend pas moins sensible aux autres formes de xénophobie. Lorsque Laurence Rossignol dit que le voile islamique est un instrument d’oppression et qu’elle compare les femmes qui le portent par conviction aux « nègres qui étaient heureux d’être esclaves », elle expose le fond xénophobe de son prétendu féminisme. Ce n’est pas le féminisme qui l’a rendue raciste, elle l’était au départ, et c’est ainsi qu’elle est devenue une féministe raciste. De même, si des gens font un usage raciste de la singularité d’Auschwitz, c’est parce qu’ils étaient racistes au départ, et non parce que l’idée d’une singularité d’Auschwitz les aurait rendus racistes.

Vous parlez de personnes « racistes au départ », alors que votre travail sur la réaction philosémite consiste au contraire à montrer que cela n’appartient pas aux individus, mais que c’est un fait social structurant.

Le racisme est principalement un fait social structurant. Mais il y a donc aussi les individus structurés — par exemple Laurence Rossignol. Comment analyser son propos ? Elle appartient à un gouvernement dit de gauche bien qu’il n’ait plus guère d’attache avec la gauche, et son féminisme a valeur de symptôme : « l’ennemi » est le musulman maghrébin, dont la femme est voilée. La gauche de gouvernement réarticule aujourd’hui le féminisme à partir de catégories xénophobes, pour cibler une population perçue comme étrangère. Qu’elle fasse alors une sorte de lapsus au sujet des « nègres », c’est la logique même de son propos qui l’impose. C’est une façon de dire à demi-mots : « Oui, mon propos sur les femmes voilées s’inscrit dans une tradition raciste, qui plonge notamment ses racines dans l’Amérique ségrégationniste ».

Israël et la lutte contre l’antisémitisme

Bernard-Henri Lévy, dans les premières pages de l’Esprit du judaïsme, définit l’antisémitisme actuel selon trois critères : le négationnisme, la concurrence des victimes et la critique d’Israël. Le seul antisémitisme qui vaudrait la peine d’être combattu serait celui qui relève de la critique d’Israël. Qu’en pensez-vous ?

Dans l’émission de Répliques du 10 octobre 2015 [3], Patrick Weil dit à plusieurs reprises : « moi en tant que juif ». Le présentateur, Alain Finkielkraut, finit par lui dire « N’insistez pas trop ». L’intellectuel compulsif, comme je l’appelle dans un livre, qui ne cesse de dire que l’antisémitisme est aujourd’hui arabo-musulman, craint donc que les auditeurs de France Culture soient gênés d’entendre un invité répéter plusieurs fois qu’il est juif. Il existe un antisémitisme traditionnel, qui est l’expression d’une sorte d’invariance xénophobe, parce que le Juif est une figure de l’étranger. La xénophobie n’est pas le propre de la France, ni des blancs, mais l’impérialisme occidental a fortement marqué la question.

Cela étant dit, venons-en au rapport entre l’antisémitisme et la critique d’Israël. Quand l’accusation d’antisémitisme est instrumentalisée pour justifier une politique d’oppression des Palestiniens, on a affaire à un procédé idéologique particulièrement détestable. Mais d’un autre côté, il est clair que sous couvert de critiquer l’État d’Israël, se répandent des discours qui sont structurés par un antisémitisme parfois virulent. Il faut savoir, à chaque fois, distinguer.

À l’échelle du monde arabo-musulman, il y a des questions géopolitiques déterminantes comme celle de l’alliance des pétromonarchies du golfe avec les démocraties occidentales. Dire que le ressort de cette alliance, c’est la défense d’Israël, c’est de l’antisémitisme, ou si on préfère de la judéophobie. Parce que le ressort de cette alliance, c’est évidemment le pétrole. C’est la conclusion de toute analyse minimalement matérialiste. Que l’État d’Israël soit basé sur un substrat identitaire, nationaliste et en un sens colonial, c’est évident. Mais il convient aussitôt de se demander si d’autres États n’ont pas historiquement le même substrat. Les États des continents américains et australiens sont tous, historiquement, des États coloniaux. Ont-ils la même illégitimité qu’Israël ? On est en droit de tenir un discours radical sur l’illégitimité des États institués, du fait de leur histoire coloniale, mais cela devient problématique quand un seul État est visé, et toujours le même : Israël. C’est l’indice d’une opération xénophobe : on occulte les véritables causes des problèmes, en l’occurrence, pour ce qui est du monde arabe, la question du pétrole, des régimes réactionnaires, de l’impérialisme occidental, et on fait du « Juif » la source de tous les maux.

Mais encore une fois, cela ne signifie pas qu’il n’y a pas aussi une instrumentalisation de l’accusation d’antisémitisme, afin de tenter de vous disqualifier. Lorsque j’ai publié la Réaction philosémite, il y a eu un petit billet dans Actualités juives, signé par un universitaire de Strasbourg, qui présentait mon livre comme « un nouveau protocole des sages de Sion » ! C’est grossier, mais efficace auprès de gens qui n’iront pas vérifier par eux-mêmes. Et en la matière, le moins scrupuleux, c’est Alain Finkielkraut, qui lors d’une émission de radio a qualifié le film documentaire Route 181 coréalisé par Eyal Sivan et Michel Khleifi d’« appel au meurtre des Juifs », la raison étant qu’à ses yeux, être favorable à un État commun israélo-palestinien, c’est être antisémite.

« On est en droit de tenir un discours radical sur l’illégitimité des États institués, du fait de leur histoire coloniale, mais cela devient problématique quand un seul État est visé, et toujours le même : Israël. »

Sur la question des rapports entre antisémitisme et critique d’Israël, il faut donc à chaque fois analyser l’argumentation : est-ce une critique progressiste de la politique d’Israël, voire de l’État d’Israël, ou une argumentation dont le ressort est une antipathie prononcée à l’endroit des « Juifs » et du nom « Israël » ? Il y a une plaisanterie palestinienne que raconte Rony Brauman dans La discorde, un livre d’entretiens avec Finkielkraut. « Deux palestiniens se lamentent sur l’impuissance du monde à changer leur situation. L’un d’eux pense que c’est parce que ce sont des Juifs qui les oppriment, et que personne n’ose les en empêcher. L’autre lui rétorque que si ce n’étaient pas des Juifs, tout le monde s’en ficherait ». Je trouve cette histoire extraordinaire parce qu’elle résume tout en deux mots : elle montre la disproportion entre le caractère circonscrit du problème israélo-palestinien et son impact en Occident, du fait que les Juifs y jouent le rôle des oppresseurs. Et elle montre aussi que les Palestiniens, parce qu’ils sont aux prises avec la réalité de l’oppression, ne sont au fond les dupes de personne.

Il y a aussi quelque chose qui se joue depuis le camp des défenseurs d’Israël. Paradoxalement, pour beaucoup d’entre eux, il ne s’agit pas d’une défense des Juifs ou d’Israël, mais d’une défense de l’Occident et des valeurs occidentales, américaines. C’est une des raisons pour lesquelles tant de personnes se concentrent sur Israël comme métonymie d’une politique américaine, avec ce que cela peut concentrer d’antisémitisme.

Il y a une double assimilation d’Israël à l’Occident. D’une part, il y a ceux qui s’opposent à un impérialisme régional d’Israël en tant que prolongement de l’impérialisme occidental. D’autre part, il y a ceux qui, en défense d’Israël, tiennent le même discours, car cela leur permet de s’adosser à une puissance idéologique très forte : la défense de l’Occident. Ils savent bien que s’ils tenaient le discours de l’irréductibilité d’Israël à l’Occident, ce serait beaucoup moins efficace que de dire : « Israël est le rempart de l’Occident contre une horde de barbares ». Chacun a intérêt à mettre de côté les singularités historiques d’Israël pour des raisons différentes. Mais il n’en reste pas moins qu’Israël n’a pas l’importance de l’Arabie Saoudite en termes d’enjeux économiques et géostratégiques, et conséquemment, les métonymies de la politique américaine dans cette région, ce sont davantage les pétromonarchies du Golfe. Encore une fois, c’est une analyse matérialiste minimale.

Quelle est votre position sur Israël et la Palestine ?

Je suis partisan d’un État commun israélo-palestinien, fondé sur l’égalité de tous, Juifs, Arabes et autres, et couvrant la totalité de la Palestine historique, du Golan au Sinaï, du Jourdain à la mer.

Et la revendication palestinienne de son propre État ?

Même dans l’optique de ceux qui pensent que la solution la meilleure est la création d’un État palestinien aux côtés d’un État israélien, la revendication d’un État commun est une excellente manière de faire pression, voire levier, sur l’appareil d’État israélien : c’est de crainte de voir se concrétiser la possibilité d’un État commun qu’il sera contraint d’admettre un État palestinien. En termes tactiques, il y a donc convergence plutôt que contradiction entre les deux options. Maintenant, en termes stratégiques, si j’examine en tant que telle la seconde option, celle d’un État palestinien aux côtés de l’État d’Israël, je dirais que la question est de savoir si c’est un passage nécessaire pour construire cet avenir politique commun. L’avenir, selon moi, c’est une organisation politique commune, et si la question des modalités de la transition est ouverte, la finalité, c’est bien de construire des logiques sociales qui ne soient plus nationalistes, mais progressistes, et donc en l’occurrence basées sur des solidarités judéo-arabes. Il faut sortir de la logique identitaire, confessionnelle ou nationaliste, politiquement désastreuse, parce que réactionnaire. C’est pourquoi j’ai consacré un livre au film israélo-palestinien Route 181 d’Eyal Sivan et Michel Khleifi, livre que j’ai appelé, en hommage à Alain Finkielkraut : L’intellectuel compulsif.

« Derrière la stigmatisation d’une minorité quelle qu’elle soit, on a toujours un ressort qui est, en dernière analyse, xénophobe. »

universalisme et luttes minoritaires

Que faire quand des minorités revendiquent une place singulière dans les rapports sociaux ? Peut-il y avoir un sujet universel qui est porteur d’émancipation pour tous ? Dans Judaïsme et Révolution, vous travaillez cette question à partir d’une formule de Paul (Galates 3:28) : « Il n’y a plus ni juif ni grec, ni esclave ni maître, ni masculin ni féminin ».

J’aborde la question à partir de beaucoup d’autres textes. Mais puisque vous y faites allusion, je reprends en quelques mots ma lecture de la formule de Paul. Contrairement à ce qu’on croit d’abord entendre, il n’y a pas analogie entre les rapports homme/femme, maître/esclave, juif/grec : l’homme n’est pas à la femme ce qu’est le maître à l’esclave et le juif au grec. Car Paul écrit : « ni esclave ni maître, ni homme ni femme ». Il met donc « homme » en regard d’« esclave ». Et « juif » et « grec » ne relèvent pas d’un rapport de domination d’une ethnie sur l’autre (des Juifs sur les Grecs ou des Grecs sur les Juifs). Il n’y a pas analogie, mais il y a bien en revanche l’égalité de « tous » rendue possible par la double négation : ni, ni. Et l’étonnant, c’est bien sûr ni homme, ni femme. La différence sexuelle peut s’entendre de façon biologique, en considérant le vivant, ou bien de façon lacanienne, en considérant des positions dans le discours. Mais quoi qu’il en soit, il y a bien « homme » et « femme » plutôt que « ni homme ni femme ». En affirmant ni homme ni femme, Paul introduit donc une autre dimension, où il n’est plus question de l’amour entre deux corps sexués, mais d’autre chose, que j’appelle la question du 3, ou du tiers, c’est-à-dire la question du collectif. Disons que la question du collectif commence lorsqu’il y a trois corps parlant. L’amour sexué existe à deux. C’est « la scène du Deux », comme l’appelle Alain Badiou. Lorsque Paul dit « il n’y a ni homme ni femme », il veut dire que se joue ici quelque chose qui relève du trois, du collectif et non plus du deux, de l’amour.

Mais rabattre la division masculin/féminin sur la seule relation amoureuse pose problème parce que historiquement et socialement, s’y jouent bien d’autres choses que la question de l’amour.  

S’y joue aussi la question de deux classes. L’amour, c’est la figure positive du deux. La question que vous soulevez n’est pas, en définitive, la question des deux sexes, c’est la question des deux classes. Dans Judaïsme et révolution, je m’appuie également sur Théorie du sujet de Badiou, où il a cette formule : « Tout se soutient du réel, mais le réel qui est le nôtre, à son tour, ne se soutient que de ceci : — il y a deux sexes ; — il y a deux classes. » Qu’il y ait deux sexes (qu’on entende cette dualité comme structurée par la biologie ou par tout autre chose), cela pose la question de l’amour ; qu’il y ait deux classes, pose celle de la politique. Si la différence sexuelle intervient dans le collectif, qui commence à trois, il y a donc un problème, parce que la question du deux intervient dans le collectif principalement sous la forme d’une division entre dominant et dominé, donc sous forme négative, néfaste. Dans une société de classes, la différence sexuelle risque fortement d’être prise dans les rets de l’antagonisme de classes, d’être structurée ainsi. Et bien sûr, parmi les « dominés », on trouvera aussi toute sorte de minorités, raciales, sexuelles, etc. et toutes sont, en dernière analyse, des constructions sociales. À ce sujet, je ne crois pas que la question des minorités sexuelles soit très différente de la question des minorités ethniques, religieuses, ou autre. Derrière la stigmatisation d’une minorité quelle qu’elle soit, on a toujours un ressort qui est, en dernière analyse, xénophobe. Je reviens à la formule de Paul : « ni homme ni femme, ni esclave ni maître, ni juif ni grec », cela oriente vers un collectif qui n’est plus traversé par une division de classe, qu’elle soit sexuelle (homme/femme), sociale (maître/esclave) ou ethnique (juif/grec). Mais cela ne veut pas dire que la différence sexuelle a nécessairement pour corrélat une différence de classe. Lorsque la différence sexuelle est prise dans un rapport de dominant à dominé, on n’est plus dans la question des deux sexes, mais dans la question des deux classes.

Spinoza que vous citez souvent exclut les femmes de la démocratie, alors même qu’il évoque dans son argumentation les questions liées à l’éducation et à ce qu’on pourrait appeler la construction sociale du genre. Y a-t-il un usage progressiste de Spinoza à cet égard ?

À propos de Spinoza et de la femme, dans L’Éthique, il y a un passage sur la question de l’amour entre un homme et une femme, où il dit que l’essentiel, c’est d’aimer la liberté intérieure de l’autre. Ce qui suppose que la femme ait une liberté intérieure, une même force d’âme que l’homme. Mais il n’a pas cette position dans le Traité politique, où il exclut en effet les femmes de la démocratie. Comme vous savez, dans le Traité politique, Spinoza examine chacune des trois formes d’imperium recensées par la tradition philosophique : la monarchie, soit le gouvernement d’un seul ; l’aristocratie, soit le gouvernement de quelques-uns ; enfin la démocratie, soit le gouvernement de tous. Mais il meurt avant d’achever son Traité. Des quelques paragraphes qui concernent la démocratie, on apprend tout de même que c’est l’imperium de tous, sauf des femmes, des esclaves et des étrangers. Et la dernière phrase du Traité est relative à la domination de la femme par l’homme, que Spinoza juge naturelle et nécessaire à la paix civile ! On est donc très loin de l’enseignement de son Éthique, où l’amour d’un homme et d’une femme est bâti sur « la liberté intérieure » de l’autre, sa « force d’âme ». Comment expliquer cette contradiction ? La différence, selon moi, tient au fait que L’Éthique est hors imperium, ce qui n’est pas le cas du Traité politique, qui est un traité de l’imperium, ce que j’appelle dans Judaïsme et révolution un « traité de la baguette ». Autrement dit, dès lors qu’on conçoit la politique sous la forme d’une domination instituée, d’un pouvoir de la « baguette », l’idéal démocratique est un leurre, parce qu’il y aura toujours une différence entre ceux qui auront vocation à tenir la « baguette » et ceux qui auront vocation à obéir. Et c’est pourquoi, d’emblée, la démocratie de Spinoza est fondée sur la domination de l’homme sur la femme.

« Au sein des identités musulmanes, gays, ou autres, ce qui m’intéressera,c’est la division entre orientation progressiste et orientation réactionnaire. »

Et il n’y a donc pas que les femmes qui sont exclues, il y a aussi les étrangers et les esclaves. C’est pourquoi, à Negri, à Lordon, à d’autres, qui veulent voir dans la démocratie de Spinoza le sommet de sa conception politique, j’objecte le fait de l’exclusion des femmes, des esclaves et des étrangers. Bien sûr, il est tentant d’interpréter la troisième et dernière forme d’imperium, la démocratie, comme celle qui réalise l’immanence du collectif et constitue chez Spinoza le point de jonction entre l’éthique et la politique. Mais dans la partie sur l’aristocratie, Spinoza affirme que si le pouvoir des meilleurs ne se corrompait pas en un pouvoir des plus riches, ce serait le système de gouvernement qu’il faudrait préférer. L’interprétation démocratique me paraît donc intenable. C’est pourquoi je préfère pour ma part distinguer entre l’éthique de Spinoza, hors imperium, et sa politique, du moins celle qu’il expose dans son traité de l’imperium. On retrouve un même clivage chez Maïmonide : il y a d’un côté son Guide des égarés, que je mettrais en regard de L’Éthique de Spinoza, de l’autre sa codification du Talmud, que je mettrais en regard du Traité politique. La position de Frédéric Lordon dans son livre Imperium (La Fabrique, 2015) est que ce n’est pas tant un clivage qu’un ordre des choses : il y a une nécessité de l’imperium, une nécessité de la domination politique, parce que, explique-t-il, « sous la loi des grands nombres du social, la capture est une fatalité ». Il y a le petit nombre de l’éthique et le grand nombre de la politique. Je ne crois pas être en désaccord avec lui sur le fond, mais disons que je prends les textes de Spinoza d’un autre biais.

« L’universalité » est une valeur souvent opposée aux revendications des minorités, qu’on utilise pour stigmatiser leur supposé particularisme, leur « communautarisme ». De plus, la société est marquée par l’homophobie, le sexisme, le racisme, et cela joue sur le fonctionnement de collectifs, même de groupes qui se réunissent sur le même énoncé « universel ». Dès lors, comment penser les pratiques d’autonomie revendiquées par certain-es, par exemple dans les luttes féministes, les luttes anti-racistes, les luttes contre l’homophobie, qui passent notamment par des groupes non-mixtes, permettant de lutter contre les structures de domination ?

Produire des énoncés qui aient une puissance d’universalité, c’est toujours, à la fin des fins, ce qui permet de combattre les structures de domination. Disons-le comme ça : les identités constituées sont toujours traversées par un clivage progressiste/réactionnaire. Donc au sein des identités musulmanes, gays, ou autres, ce qui m’intéressera, c’est la division entre orientation progressiste et orientation réactionnaire. Et on la trouvera ! Il ne faut pas la perdre de vue, sans quoi on ne risque pas de remettre en cause les structures de la domination. Mais que ce point de visée implique de passer par une solidarité concrète avec des gens qui sont victimes d’oppression singulière, qui sont socialement marqués, oui, bien sûr. D’ailleurs, c’est souvent ce qui met à l’épreuve l’authenticité d’une affirmation universelle. On le voit bien lorsqu’un Finkielkraut, ou d’autres, utilisent « l’universel » pour stigmatiser une jeune femme voilée. C’est une instrumentation de l’universel, identifiée par eux à une civilisation particulière, dominante, impérialiste, mais particulière. C’est donc en fait du narcissisme. Le féminisme minimal, c’est de laisser une femme se vêtir comme elle l’entend. Ce n’est ni à son grand frère, ni à Alain Finkielkraut, Laurence Rossignol ou Élisabeth Badinter de décider si elle doit se couvrir les cheveux, ou pas.

Pour ce qui est maintenant des groupes non-mixtes, les modalités d’organisation concrètes peuvent être très différentes, évidemment. Mais la question reste de produire des énoncés, des pratiques qui aient une puissance d’universalité, de transformation sociale. À partir de là, je serai tenté de dire que la non-mixité, l’autonomie identitaire peut être tout à fait légitime, mais à condition que l’objectif reste universel. Il faut par exemple que la répartition égalitaire de la parole, favorisée dans des groupes non mixtes de femmes, puisse aussi se faire et s’éprouver avec des hommes. Cela doit être l’objectif, sans quoi on entérine l’emprise de l’antagonisme de classe sur la différence sexuelle.

politiques de la cruauté joyeuse

Quelle est la fonction sociale de la théorie ?

La fonction de la théorie est de produire des énoncés vrais et de mettre à jour la différence entre des énoncés vrais et des énoncés faux. Et cela a évidemment une incidence sociale. Par exemple, quand j’écris un livre, on peut dire que l’impact est dérisoire au regard des relais médiatiques et institutionnels dont bénéficient les auteurs ou les courants auxquels je m’oppose. Mais ma conviction, c’est que du fait même que le livre existe, le rapport de forces n’est plus le même. Quand Picasso peint Guernica, il n’est pas plus fort que les avions nazis, mais le monde n’est plus le même. Évidemment, cela ne veut pas dire que cela soit suffisant pour transformer effectivement le rapport de force, ni que mes livres sont comparables à des tableaux de Picasso. Mais en soi, produire un énoncé vrai, c’est une victoire.

Est-ce que la moquerie et l’humour jouent un rôle dans le dévoilement de la vérité ?

Ce dévoilement passe effectivement chez moi par un certain usage de la moquerie et de l’humour. On retrouve cela chez Pascal comme chez Marx et Engels, dont les ouvrages critiques sont des monuments d’ironie, de moquerie et d’humour. Le comique, la farce ont une puissance politique, pensons aux Fourberies de Scapin. C’est l’arme des faibles et donc des classes populaires contre l’ordre établi et les puissances dominantes. On le voit aussi chez Plaute et dans la tradition juive où la question de l’humour, du comique, de la moquerie est très importante, singulièrement dans le cas de la fête de Pourim. Pourim est le nom d’un retournement : ceux qui étaient faibles vont se retrouver en position de force vis-à-vis des méchants.

Lorsqu’on rencontre des adversités idéologiques, politiques, sociales, l’ironie et l’humour expriment une sorte de distance souveraine par rapport au ressentiment ou à la colère. Être dans le vrai, cela doit s’exprimer par un affect de joie. L’affirmation d’une vérité rend joyeux, et selon Spinoza, la joie augmente la puissance d’agir. Le vrai est une victoire subjective et c’est donc une joie, qui peut aller jusqu’à la jubilation, car faire rire aux dépens du méchant, c’est jubilatoire. Il n’y a pas de vérité sans cruauté joyeuse.

Post-scriptum

Ivan Segré, né en 1973, est chercheur associé au Laboratoire Autonome d’Anthropologie et d’Archéologie (LAAA), et l’auteur de plusieurs ouvrages, parus aux éditions Lignes : La réaction philosémite (2009) ; Qu’appelle-t-on penser Auschwitz ? (2009), L’intellectuel compulsif (2015) ; et aux éditions La Fabrique : Le manteau de Spinoza (2104) ; Judaïsme et révolution (2014).

Notes

[1Dans sa préface à Qu’appelle-t-on penser Auschwitz ? Alain Badiou définit « la dimension strictement littérale » du travail d’Ivan Segré en soulignant « le primat de la lettre et de sa puissance localisée sur l’interprétation générale ». Il ajoute : « Ivan Segré parvient ainsi à traiter de façon complète un phénomène collectif de notre temps en travaillant presque toujours à l’échelle de la phrase. »

[2Paru aux éditions des Mille et Une Nuits en 2002, cet ouvrage collectif dirigé par Emmanuel Brenner (pseudonyme choisi par Georges Bensoussan) analyse l’antisémitisme et le sexisme dans des établissements de quartiers populaires en les attribuant à la seule origine et à la religion supposée des élèves. Le livre eut un retentissement important et fut cité par des responsables politiques, dont Jacques Chirac, lors des débats sur l’évolution de la laïcité du début du millénaire.