Vacarme 86 / Cahier

en écriture vers la joie entretien avec Antoine Wauters

en écriture vers la joie

Lors de la rentrée littéraire 2018, Antoine Wauters, écrivain belge, a publié deux romans incandescents aux éditions Verdier : Pense aux pierres sous tes pas et Moi, Marthe et les autres. Tous deux, nés du manque, emmènent le lecteur dans des territoires imaginaires, vers une quête de la joie. Le premier suit deux enfants dans une dictature capitaliste qui n’est pas loin de ressembler à des pays que nous connaissons ; le second nous entraîne dans un Paris post‑apocalyptique. Plongée au cœur de la création de ces deux livres uniques.

Marcio et Léonora, personnages principaux de Pense aux pierres sous tes pas sont des amants et des jumeaux, dans une famille dure et un pays en proie aux chamboulements politiques. Que représente l’enfance, très présente dans ce roman et dans toute votre œuvre ?

Elle m’obsède. Je n’écris pratiquement qu’à partir et autour d’elle. À la fois, je suis empli de nostalgie et très heureux de ne plus être un enfant. Je peux aujourd’hui choisir d’en être un ou pas grâce à l’écriture. Je suis bouleversé par la violence faite aux enfants. Assister à des scènes où ils sont malmenés, trimbalés par des parents qui semblent à peine pouvoir tenir debout me coupe la parole. J’essaie d’écrire pour faire quelque chose de cette blessure. Parce qu’aussi je répare certaines choses en écrivant. C’est très étrange, je me sens très libre d’écrire et à la fois, je pense que les écrivains ne sont bons que sur un petit territoire, comme un territoire de chasse. Les choses y font sens, les mots y sont trouvés très facilement mais dès lors qu’on les déplace un tout petit peu et que l’on quitte ce territoire, on peut devenir un mauvais écrivain. Il existe de nombreux écrivains qui ont fait quelques bons livres en restant sur leurs propres obsessions et dès lors qu’ils en sont sortis, étrangement c’est comme s’ils avaient perdu leur écriture, leur imagination. Je suis presque condamné à creuser ces questions de l’enfance.

Écriviez-vous enfant ?

Non, c’est venu plus tard. Je n’ai aucune prédestination. Enfant, je détestais lire, écrire. J’étais un bon élève mais ma seule obsession était de courir. Je faisais énormément d’athlétisme, cela me procurait une joie immense. Vers l’adolescence, je me souviens que ma mère m’obligeait à aller à la bibliothèque. J’y ai découvert quelques textes, notamment ceux du poète Jacques Izoard que je ne connaissais pas. J’ai emprunté le recueil La patrie empaillée. Je me souviens que je ne comprenais rien mais j’étais aimanté par le livre. C’était une espèce d’énigme à déchiffrer. Je n’allais pratique-ment pas à l’école, je m’ennuyais profondément. Là, j’ai commencé à vouloir écrire, à lire de la philosophie, de la poésie, des romans. J’écrivais énormément. Je me suis plongé dans ce monde-là qui est depuis resté le mien. Je suis heureux de me dire que j’ai pu construire mon métier, ma profession autour de mon amour pour la pensée et l’écriture.

Je me sens très libre d’écrire et à la fois, je pense que les écrivains ne sont bons que sur un petit territoire, comme un territoire de chasse.

J’espère que cela génère autre chose, je ne suis pas que dans le plaisir égoïste, je ne vis pas seulement pour moi. Je reçois du courrier de gens qui me disent que Pense aux pierres sous tes pas les a bouleversés et leur a donné un coup de fouet, cela me touche beaucoup, je crois à la solidarité des détresses. Les personnages se relèvent de leurs douleurs, de toutes leurs embûches, j’espère que les gens s’en trouvent un peu plus forts.

Comment avez-vous créé le pays imaginaire de Pense aux pierres sous tes pas, sa langue, ses toponymes ?

Le nom des fleuves, l’Irrighudu et le Bordughu sont des noms qui me sont venus comme ça, dès la première version. La première page du livre non plus n’a pas changé, à part peut-être une virgule ou deux. L’écriture a été très fluide à partir du moment où j’ai commencé à le réécrire après ma période d’arrêt. J’ai emprunté des toponymes à la Sardaigne. J’ouvrais un dictionnaire sarde très ancien et je trouvais des noms très truculents. J’en ai gardé certains et j’en ai déformé d’autres. Les phrases dans la langue du pays sont aussi de mon invention. Elles viennent un peu de la musique de la langue sarde que j’ai totalement déformée.

Je crois que le point de départ de Pense aux pierres sous tes pas a été de me dire : « Maintenant tu ouvres le cadre, il faut que pour toi-même tu sortes de cet enfermement dans lequel tu es et où tu places tes personnages ». Cela ne m’a pas empêché de traiter plus ou moins les mêmes questions. Mais cette fois, une forme de lumière fait un contrepoids à la dureté de leur vie. J’avais besoin de grands espaces, d’une nature plus présente, de mélanger une série d’influences, de paysages, de pays dans lesquels j’ai voyagé et d’imaginer un vaste territoire dans lequel pourraient vivre mes personnages.

Je suis parti du minuscule. Au départ, il n’y avait que la parole de Léonora. Elle vivait dans une ferme, dans une région que je délimitais mal. Petit à petit, en la faisant vivre avec son frère, avec ses parents, en sachant qu’ils devaient travailler dans les champs, je me suis demandé s’ils étaient en Italie, je pensais beaucoup à l’Italie de Berlusconi. Mais je me suis dit : « Non, laisse les fron-tières bouger, invente des fleuves si tu sens que les fleuves doivent exister ». La géographie s’est construite comme ça. En définitive, elle mélange des pays que l’on connaît tous, à des époques différentes de leur histoire. Il y a du communisme au début du livre. Puis, on glisse dans quelque chose qui, politiquement, rappelle davantage notre époque.

Comment construisez-vous vos personnages ?

Il est très difficile pour moi de parler de personnages parce que je ne peux le faire sans penser d’abord à leur voix, à leur langue. Ils ne tiennent que de cette façon. Le personnage principal de l’histoire, c’est l’écriture, la langue. J’aurais pu raconter l’histoire de Pense aux pierres sous tes pas tout autrement. Si le livre tient, il est tenu par ça, la langue, l’écriture, avec les limites que cela comporte. Dès que l’on s’engage dans un texte avec un certain type d’écriture, avec une certaine longueur de phrase, on ne peut dévier à moins d’être très fort comme certains romanciers américains qui peuvent varier la longueur de leurs phrases. Jim Harrison fait cela magnifiquement. La langue conditionne absolument tout. Elle est liée à l’imaginaire, au monde que je veux créer, aux résonances produites chez le lecteur. Je varie tout de même mon écriture puisque les personnages prennent la parole chacun à leur façon et que je joue en mettant des appels de note et des interludes. Comme Pense aux pierres sous tes pas est une partition, je ne pouvais mettre certaines choses dans le texte. Les notes en bas de page existent parce que je ne voulais pas abîmer la musique du livre, elles créent un effet de décrochage. Elles provoquent des effets de réel dans un contexte imaginaire. Les interludes jouent aussi avec la partition, une partition que je voulais la plus fluide possible. Mon prochain livre, j’essaierai de l’écrire plus vite tout en assumant les accidents. J’aimerais beaucoup qu’il soit plus épais et plus relâché dans son écriture.

Vous avez publié Pense aux pierres sous tes pas et Moi, Marthe et les autres en même temps. Leur écriture a-t-elle été concomitante ?

Non, puisque j’ai commencé Pense aux pierres sous tes pas à la sortie de Nos mères, en 2014. Ce dernier livre m’a conduit à beaucoup voyager, ce qui ne m’a pas permis de garder le fil de l’écriture. J’ai laissé le livre dormir un petit peu, puis je l’ai repris. À ce moment-là, j’ai vécu une séparation assez douloureuse, qui m’a de nouveau empêché d’écrire. Le projet m’a pris trois an-nées alors que Moi, Marthe et les autres est un livre éclair. Il m’est venu tel une météorite. Je l’ai écrit sans l’avoir imaginé, décidé. Il a concentré mes angoisses. La parution simultanée des deux livres est symbolique parce que l’on peut voir des connexions entre eux, mais il y a aussi quelque chose de pratique : j’ai pu concentrer la promotion, qui peut être éreintante, dans une même période.

L’écriture de l’un a-t-elle influencé l’écriture de l’autre ?

À la fin, je travaillais les deux textes en même temps et bien que personne ne semble l’avoir remarqué, je me suis livré à un jeu : un paragraphe est commun aux deux livres. Je ferais une comparai-son avec ma pratique de lecteur : je peux lire trois ou quatre livres en même temps, et du moment où je rentre dans un livre, je suis totalement dans son univers. Quand j’en prends un autre, j’y plonge tout autant. C’est très agréable de me distraire d’un des livres que j’écris en travaillant sur l’autre. Cela crée une sorte de décompression. Moi, Marthe et les autres me permettait, même si c’est un texte très noir, de travailler l’écriture sur un mode presque ludique. Au départ, je ne voulais pas en faire un livre, j’accumulais des notes qui me permettaient de me détendre par rapport à l’écriture, narrativement plus complexe, de Pense aux pierres sous tes pas.

Qu’est-ce qui vous a poussé à retrouver pour Moi, Marthe et les autres, l’écriture fragmentaire de vos débuts ?

Au commencement de son écriture, le texte n’était pas aussi éclaté et fragmenté, mais je me suis rendu compte en le retravaillant que d’être trop bavard ne marchait pas. Être en situation de survie, comme ce que vivent les personnages, ne permet pas le bavardage. J’ai donc essayé de ne garder que le noyau dur des paroles, des rituels que vivent Hardy et sa bande. Sans blablas, sans commentaires, en ne conservant que le côté rêche et tranchant de leurs paroles et de leur mode de vie, qui fait écho au monde dévasté dans lequel ils évoluent. Si, effectivement, Moi, Marthe et les autres peut rappeler des textes comme Césarine de nuit, son enrobage poétique est beaucoup plus sec.

Le manque ne constitue-t-il pas la clef de la construction des deux livres ?

Effectivement. Ils sont nés d’un trou immense que j’essayais de combler. Ce n’est pas sans raison que Pense aux pierres sous tes pas est dédié aux séparés. L’écriture est venue non pas reboucher tout ça, car on ne rebouche jamais rien, mais elle m’a permis de déplacer le manque sur un territoire symbolique. Tout à coup, ce qui était très douloureux et très réel est devenu quelque chose que je pouvais mettre à distance et j’ai pu commencer à mentir. Les choses que je vivais à l’époque ne se retrouvent pas spécialement dans les livres mais à partir de là une forme de guérison s’est produite.

Peut-on dire que les personnages vivent dans une dictature capitaliste ?

C’est un peu ça, avec un côté guignolesque. C’est quelque chose qui me frappe beaucoup quand j’entends nos politiciens d’aujourd’hui. Prenons Matteo Salvini en Italie qui a proposé, pour lutter contre la baisse de la natalité, des terres aux gens qui feraient un troisième enfant, comme au temps de Mussolini, du fascisme, alors qu’il est contre les migrants. À cause de lui, le maire de Riace, qui a construit un village d’accueil pour les migrants n’a plus droit de cité dans sa propre commune ; il est considéré comme un criminel. On écoute les informations, on entend ça, on pense que de telles inepties ne peuvent être qu’une blague et pourtant elles existent, c’est là, et ce type se croit légitime en disant cela. Les paroles du dictateur, le colonel Bokwangu dans Pense aux pierres sous tes pas sont sensiblement du même ordre, les promesses de richesse, d’accroissement, de développement en tous sens, il les fait au détriment de l’essence même du code du bonheur, de la vie solidaire et de l’épanouissement des gens.

La communauté qui se crée à la fin du livre fait du commerce de fraises avec la dictature capitaliste. N’est-ce pas une concession qu’elle fait au système ?

C’est un peu cynique ; le capitalisme s’accommode de tout finalement. C’est une machine tentaculaire, protéiforme qui incorpore quelque chose qui est, dans le livre, de l’ordre du service. Ils cultivent des fraises, en se disant qu’ils peuvent en donner à des gens qui en ont besoin. La fraise symbolise la joie enfantine, naïve, une joie fermée sur elle-même, qui n’appelle aucun commentaire. C’est un fruit parfait. Ils les cultivent sans envie marchande, sans envie de faire de l’argent. Or le régime capitaliste se réapproprie ce mode de production. Eux l’acceptent, ils sont dans une sorte de vie qui mélangerait un peu de capitalisme et de communisme en ne gardant que ce qui fonctionne dans les deux.

Un livre est une maison dont on a abattu les murs et qui nous permet de voir ce que nous sommes vraiment.

L’inceste dans Pense aux pierres sous tes pas et le cannibalisme de Moi, Marthe et les autres sont-ils des transgressions du même ordre ?

En me réveillant, je pensais à Dogville de Lars von Trier. Il a inventé une ville dont il a abattu les murs des maisons. Elles sont symbolisées, schématisées par des traits de craie sur le sol, sur une sorte de grand plateau de théâtre. L’inceste, le cannibalisme sont des parts honteuses de nous-mêmes. Les tabous n’existent que parce que ce sont des penchants qu’on porte en nous. Si on enle-vait les murs de nos maisons, on verrait, la plupart du temps, une part de nous-mêmes pas très reluisante et peut-être pas très morale. Je suis étonné que les journalistes insistent sur l’inceste entre le frère et la sœur. C’est vrai qu’il s’agit d’inceste, mais il est vu à hauteur d’enfants. Eux ne jugent pas du tout. Tous les enfants sont travaillés par ces tabous. Ils se sentent obligés de tuer des insectes en les écrasant avec leur pouce alors que les adultes ne le font plus. Les jeux sexuels leur font découvrir leur identité. Un livre est une maison dont on a abattu les murs et qui nous permet de voir ce que nous sommes vraiment. Dans Moi, Marthe et les autres, exception faite du cannibalisme que je ne cautionne pas — il y a presque une forme de gag autour de ça — les personnages passent d’un état émotionnel à un autre. Ils sont dans une énergie de vie et de survie. Ils ne sont pas dans un monde rationnel, ils ne connaissent pas le calcul. Ils vivent ce qu’ils ont à vivre. Ils le vivent avec tout l’enthousiasme qu’on peut avoir dans des moments désespérés. Ils passent d’états émotionnels très hauts à de profonds gouffres en quelques minutes seulement. Un personnage dit qu’il n’est plus que vivant, désespérément homme. Ils sont ça, absolument vivants et désespérément hommes.

Dans les deux livres, le mot joie revient plusieurs fois. Pourquoi ? Comment la définiriez-vous par rapport au bonheur ?

Je pense que cette quête de la joie est liée à mon histoire familiale. Elle n’a pas souvent été présente dans ma famille. Il y avait des personnages que j’adorais et qui n’existent plus. Ils étaient des grands vivants mais de santé physique et mentale très fragile. Ils n’étaient pas du côté de la joie. Je crois que je tente dans mes livres de contrebalancer ces choses-là en partant de situations assez sombres. On pourrait croire qu’elles sont sans espoir mais j’essaie de les convertir en quelque chose d’autre, de lumineux et ce par le pouvoir des mots, par la tonicité et la puissance de l’écriture. L’obsession ou la quête de la joie est le symptôme de quelque chose qui manque. On se penche plus souvent sur la question du bonheur qui correspond à la vie bonne, qui est lié à une forme de durée, de construction de quelque chose qui tienne la route, qui nous porte et nous corresponde. Je ne me suis rendu compte de ce que c’était la joie qu’après avoir été abandonné par elle pendant quelque temps. Un jour, une amie m’a demandé quelle avait été ma dernière joie. J’ai trouvé cette question totalement folle sur le moment. C’est quelque chose dont on ne parle pas. Je me suis trouvé incapable de lui répondre. Je ne savais pas du tout. Je lui ai dit que cela avait été en rencontrant un chevreuil dans la forêt. En rentrant chez moi ce soir-là, j’ai pensé que si j’étais incapable de dire quand j’avais ressenti de la joie c’était que quelque chose n’allait pas dans ma vie. Quelques mois plus tard, ma vie a vrai-ment volé en morceaux. Un an après, un matin en ouvrant mon ordinateur et en me remettant à écrire Pense aux pierres sous tes pas, j’ai ressenti, ça, cette joie, le passage d’une énergie folle, le rappel corporel qu’on est là, vivant. C’était très physique. Je me souviens d’avoir crié parce que le plaisir et la joie d’écrire m’étaient rendus.

Considérez-vous dès lors que l’écriture est salvatrice ?

L’écriture est extrêmement difficile et en même temps je ne peux pas vivre sans elle. Je suis trop engagé maintenant dans ce mode de vie pour pouvoir changer quoi que ce soit. C’est le propre de beaucoup de gens. Quand on s’est avancé dans un territoire et que toute notre vie s’y articule, on ne peut plus faire marche arrière. On ne peut plus mesurer ce que serait notre vie sans cela. Tenter quelque chose sur un autre plan est possible. Il y a des moments où je suis terrassé par l’écriture parce que c’est difficile, parce que cela m’empêche d’être bien avec les miens, et en même temps cela me donne un semblant d’horizon de sens. Très souvent, je me dis que je devrais arrêter. Parfois je me demande pourquoi je m’obstine à écrire dans un monde qui va si vite, où les conditions de réception d’un texte sont si fragiles. C’est le combat entre une pensée lente et quelque chose de surface, qui fait beaucoup de bruit et ne dit pas grand-chose. Cela dépasse totalement la question de l’écriture, on doit se positionner différemment par rapport aux choses dès lors qu’on a envie d’être dans une forme de lenteur. Mon énergie, je la féconde là-bas, je la trouve là-bas, dans l’écriture. De tous les pays que j’ai vus, l’écriture est le plus beau de tous. Je suis comme un drogué, je ne peux pas m’empêcher de me promener, de découvrir d’autres contrées de ce pays.

Vos trois premiers livres publiés aux Éditions Cheyne sont généralement considérés comme de la poésie que l’on pourrait dire narrative. Comment avez-vous glissé de la poésie au roman ?

Je ne sais pas l’expliquer. C’est peut-être lié au fait que je lise beaucoup moins de poésie. J’ai cinq ou six poètes dont je suis absolument fou amoureux. Je pense à Roberto Juarros en premier lieu, aussi à Juan Gelman, auteur de L’opération d’amour où il parle de ses proches disparus. Quand je lis ces textes-là, je me dis que je n’ai absolument pas besoin de rajouter quoi que ce soit à ce qui existe, qui est vraiment très beau et me nourrit sur la durée. J’ai aussi l’impression que je l’ai déjà fait, écrire des formes poétiques. J’ai envie d’expérimenter autre chose, de m’attaquer à des textes que je ne sais pas encore faire. Avoir coécrit le scénario de Préjudice avec le réalisateur Antoine Cuypers m’a amené à me poser davantage de questions sur la construction du récit, sur la narration et à prendre du plaisir à jouer avec tout cela. La question de la construction narrative existait déjà dans Césarine de nuit. Je me souviens qu’au moment où je le terminais, j’ai disposé tous les fragments sur ma table. J’ai joué pendant un certain temps à créer un ordre différent. Mais c’est plus facile de maîtriser des textes courts qu’on additionne que de travailler la fluidité sur la longueur. En vérité je n’ai jamais eu le sentiment d’être un poète ou d’être un romancier. Pour moi un romancier, avec peut-être les limites que cela comporte, je ne sais pas, est quelqu’un qui peut s’emparer d’un sujet, se documenter et écrire. Je ne suis pas capable de faire ça. Je pense que ce que je fais n’est ni de la poésie ni du roman, ce sont des textes qui émergent de mon imagination et d’un besoin d’être formellement dans quelque chose d’assez musical. Césarine de nuit a reçu un prix de poésie et un prix de roman… Cela montre bien que tout cela est assez peu important.

Post-scriptum

Autoine Wauters est photographié par Sébastien Dolidon.