Vacarme 14 / chroniques

« pourquoi il n’y aura pas de rubrique sport dans ce numéro »

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Il n’y a pas de rubrique sport parce que fin septembre, à l’espace Cartier, les équipes semblaient d’abord chercher une règle. Puis elle se dessinait progressivement : acculer un joueur dans un coin du terrain. À ce moment, le joueur cherche à briser la chaîne puis en devient un maillon. Temps mort. Le public est convié à assister à la digression polyglotte qui décidera des règles-ou-pas-de la partie suivante. Et l’analyse de la partie écoulée.

Il n’y a pas de rubrique sport parce que Gaétan Bulourde, un des artistes intervenants de cet atelier, était peut-être celui qui avançait que la seule autorité qui régira la partie suivante sera cette discussion. Il répondait à une objection d’une intervenante espagnole qui remarquait que l’action résidait souvent dans la représentation — jouée — de l’intention de chaque participant. Celui que je suppose être Gaétan Bulourde semblait dubitatif.

Il n’y a pas de rubrique sport dans ce numéro pour des raisons purement sportives. Par exemple parce qu’à Lille, à l’occasion du procès Festina, on désigne des coupables en applaudissant ceux qui se blanchissent avec brio. Au lendemain de l’audition du directeur de la société du tour, Libération titre : « Le cordonnier du vélo très mal chaussé ; Leblanc se dit dépassé » et L’Équipe : « Leblanc était affûté ; il passe avec mention son audition à la barre. »

À l’instar de la très défensive équipe locale on dégage en touche des questions comme — c’est encore un exemple — drogues : qu’allons-nous faire de ce savoir ?

Il n’y a pas de rubrique sport parce que ma négligence n’a pas aidé Gaétan Bulourde à nous raconter comment on fait du sport sans règles ni victoire. Sans représentation non plus. Il ne pourra pas nous dire pourquoi, quand une joueuse suggère qu’en fait chaque joueur cherche une attitude qui gagnera l’agrément de l’autre, il s’ensuit un petit dérapage à propos des réactions différentes suivant l’identité culturelle de chaque acteur. Les participants étaient français, suisses ou espagnols. Pour conclure que le code transcendait les nationalités. Et tout le monde de repartir pour une partie de quatre minutes. Le temps, autorité suprême.

Il n’y aura pas de rubrique sport parce que je n’ai pas encore réussi à écrire cet article sur Marie Jo Perec qui a fait à Sydney ses plus beaux jeux olympiques. Jusque-là elle nous avait un peu snobés, pas très loquace. Un peu « laissez-moi, je vais m’entraîner en Amérique avec Boldon et ses copains. » Ou alors « Je vais m’entraîner en Allemagne avec un coach qui n’a jamais vu personne se doper en ex-Allemagne de l’Est ». Elle a aussi couru très très vite et très très bien et elle a aussi gagné. Et puis là, tout d’un coup, un vrai : « Je vous emmerde » en bafouillant des inepties à côté d’un mec qu’elle aime sûrement passionnément. Par-dessus tout ? Et auquel la Fédération Française d’Athlétisme n’a pas accordé la nationalité française express que demandait pour lui Marie Jo. Sublime. Elle nous emmerde tous et il n’y aura pas de rubrique sport dans ce numéro.