Vacarme 04/05 / actualités

les pays riches ne sont pas riches de rien ou : il n’y a pas de petites économies en ces temps de rigueur budgétaire

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Une question posée récemment au Bundestag par une députée du PDS (Parti du Socialisme Démocratique, communistes réformateurs issus de feu la RDA) a mis en lumière un aspect de la politique allemande de « lutte contre l’immigration clandestine » dont le gouvernement fédéral s’est jusque là gardé de se vanter. Il ressort en effet des dispositions en vigueur depuis 1993 que la police des frontières facture ses « prestations » de reconduite à la frontière (essentiellement tchèque et polonaise) aux étrangers qu’elle expulse du territoire. Comme on ne saurait sans doute leur faire confiance pour envoyer un chèque une fois rentrés au pays, les sommes dues sont naturellement prélevées sur l’argent dont disposent sur eux les expulsés. État de droit oblige, la facturation obéit à une grille tarifaire dont la précision ne laisse place à aucun arbitraire de la part des fonctionnaires. Si l’étranger est raccompagné par un fonctionnaire de catégorie C, il lui en coûte ainsi 63 Mark (215 FF) de l’heure d’escorte. S’il s’agit d’un fonctionnaire de catégorie B, le tarif passe à 90 Mark de l’heure, et à 122 Mark (415 FF) avec pour compagnon de voyage, suprême honneur, un fonctionnaire de catégorie A. Le voyage effectué dans un véhicule « classe tourisme » revient à 30 Pfennig (1 FF) le km, et, quoique moins confortable, à 36 Pfennig le km en véhicule « minibus classe utilitaire ». Plus bizarre encore, le tarif passe à 68 Pfennig par tête si, à bord de ce même minibus, plusieurs étrangers sont reconduits en groupe à la frontière. Dans la même logique, le recours à un autocar pour convoyer un groupe plus important sera facturé à chacun 96 Pfennig (3,30 FF) le km. A l’addition s’ajoutent encore les frais d’hébergement et de nourriture occasionnés par le séjour en centre de rétention avant la reconduite à la frontière 20 Mark (68 FF) par jour, soit 5 Mark pour le p’tit dej, 9 pour le déjeuner, 6 pour le dîner Au bout du compte, la note se chiffre en centaines, voire en milliers de Mark. En dépit de ces tarifs passablement élevés, la police des frontières n’a pas trop de difficultés à rentrer dans ses frais : la plupart des étrangers reconduits à la frontière sont porteurs des sommes longuement économisées, en général par toute la famille, pour permettre à l’un des leurs de tenter l’aventure dans la riche Allemagne. Grâce aux tarifs soigneusement étudiés de la police des frontières, ladite aventure se termine en règle générale avec moins de 50 Mark en poche : une manière d’être sûr à peu de frais de ne plus revoir de si tôt l’indésirable ou l’un de ses proches. Depuis 1993, la facturation de ce type de « prestations » a rapporté plus d’un million de Mark dans les caisses de l’État. Ces sommes ont été entièrement affectées au « renforcement des opérations de contrôle et des dispositifs de surveillance des frontières », tient à préciser le gouvernement fédéral.

Sources : Die Tageszeitung (Berlin), 1/8/97