offres de services
par Henri Calet
La jeunesse de France vous offre ses services militaires. Cette jeunesse qui a fait couler de l’encre et qui ne sait comment remercier, qui attend la reprise des affaires et qui n’y croit plus du tout, qui numérote ses abattis...
A qui, dans l’Entre-deux-Guerres, une mauvaise vie a été donnée, et à dormir le plus souvent debout. À qui les révolutions ont été promises, et retardées, et escamotées par le même ON qui n’a pas de nom.
Pour qui, dans la salle cuisine, les carottes sont cuites, à l’oseille et aux petits oignons.
Avec des mais, ses si et hum, elle s’offre.
Si, aux Allemands héréditaires, vous donnez la paix, si vous cessez de préparer la guerre, si vous rendez ce que vous avez pris — et aux Autrichiens, Hongrois et autres qui n’ont que de sombres dimanches pour en faire des chansonnettes —, si vous proposez l’égalité, la justice, la vérité avec le tremblement, si vous lâchez les chiffons qui vous servent de traités de Versailles et de Trianon, si vous êtes honnêtes, si vous dites que vous voulez la liberté et puis si vous présentez le désarmement général. Encore si vous proclamez que vous foutez la paix et en l’air nos propres généraux. Mais sans truquer.
Si vous mettez Paris dans une bouteille et si les héréditaires rejettent vos propositions, alors, comptez-nous et comptez sur nous.
Jeunesse, elle a pas peur. Elle est prête.
Nous nous botterons nous-mêmes, ne vous donnez pas la peine.
Sac au dos, boutons de guêtres et bottes graissées qui furent toujours sans foin. Tanks en fleurs.
Sur terre, sur mer, au ciel.
En bleu-horizon et jusqu’à la gauche. Comme les aïeux, elle a du poil aux pattes.
Elle voudra, na ! Aller aussi à Berlin. Des adversaires, elle en tuera le plus qu’elle pourra le faire, et de son mieux. À un contre cent, c’est bien sûr ; Les paris sont ouverts. Ne les faites pas attendre, donnez leur poudre et balles, puisqu’ils veulent mourir vos gosses.
Dites, ce sera bien la dernière ? Et, on y tient pour le Droit et la Civilisation ? Allons, sans façons, acceptez nos services militaires.
Et gazez ferme. À votre santé. Pour nos amours.
Post-scriptum
Ce texte daté de juin 1936, inédit en France, a peut-être paru en Égypte en 1936.