Vacarme 38 / cahier

voilà pourquoi il n’y a finalement pas de chronique sport dans Vacarme cette fois-ci non plus

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Je me suis déjà ouvert dans ces chroniques à propos de la désaffection que j’éprouve régulièrement pour la chose sportive et la difficulté qui en découle pour écrire. Je me suis aperçu que cette désaffection correspondait à des périodes pendant lesquelles le football monopolise l’actualité. C’est très embarrassant et cela correspond en général au numéro de l’hiver.

En 2001 je titre carrément « Pourquoi il n’y aura pas de rubrique sport dans ce numéro ». Il a fallu cette année-là que je confesse d’emblée mon embarras pour m’en sortir avec un chapelet d’anecdotes. Un match expérimental à l’espace Cartier et le début de la mythification de Marie-José Perec. Pas un mot sur le football. Chaque année, à la fin de l’automne, la grossière mécanique à profits du football montre ses rouages les plus triviaux et on est un peu honteux de suivre encore un dernier tour inutile d’une première phase de Ligue des Champions qui ne sert que l’avidité de ceux qui l’ont conçue — ceux qui se frottent les mains dans la perspective d’un imminent mercato. Petit marché.

En 2002, nous échangeons nos chroniques avec Pierre Alferi. Je me retrouve — cela prend toute sa saveur aujourd’hui — « rubrique cinéma ». Il y a tout de même un ballon, celui qui échappe à un enfant dans la séquence du Clan des Siciliens de Verneuil, qui deviendra le clip d’une de mes chansons. Le sport ne m’inspirait pas mais le subterfuge fut très habile. Pierre a parlé du rugby, pertinent et inspiré. Aujourd’hui on attend l’édition 2006 du Tournoi des Six Nations. Les Néo-Zélandais sont passés humilier tout le continent en coup de vent et les dieux du stade pataugent dans la boue et la phase la moins décisive du championnat. Le journal L’Équipe relève que « Les étrangers représentent un quart des effectifs pro en France. Inquiétant pour la formation à la française ». Encore la vieille idée selon laquelle on ne peut progresser que dans la négation du monde qui nous entoure. Je rappelle que selon moi, c’est à Agen de rendre Caucaunibuca agennais.

En 2003, Rock and Roll all Night. Les avatars du mercato. Petit marché. Anelka Sex Pistols/NTM, signature dans une major. Tout ce qui nous vient du sport à la fin de l’automne émane de sa corruption. Les urines des cyclistes ont été analysées, les gains des tennismen additionnés, le ski attend la neige, les Formule 1 sont au garage, le football a compté ses morts, ses nazis, et ses points à la trêve. Les autres sports attendent d’exister. En discutant avec un journaliste de L’Équipe, je me suis rendu compte qu’ils regroupaient ce que j’appelle « les autres sports » sous l’intitulé « sports olympiques ». Il est donc admis qu’ils n’existent que deux semaines tous les quatre ans.

En 2004, je titre ma chronique « C’est délicieux d’écrire Vikash Dhorasoo », prière païenne et exaucée. Le protagoniste est aujourd’hui fraîchement licencié par son club pour insubordination. La réaction la plus militante de la part de ses collègues a été de dire par la voix de son représentant syndical Sammy Traoré « C’est toujours triste de perdre un coéquipier ». Le sport miroir de la société. Le club de ma ville qui n’a jamais eu une seule idée pour rentrer en contact avec ses abonnés racistes et antisémites. Une seule solution, la négation. Un joueur dit ce qu’il pense ? On le vire. Un policier est amené à tuer un supporter de kop raciste ? On ferme la tribune R1. De toute façon ce sont les actionnaires du club qui décident et ceux du PSG sont venus faire des affaires à Paris, pas de l’éducation politique.

En 2005 pour une raison que j’ai oubliée, pas de rubrique sport dans Vacarme. Pas d’habile subterfuge, pas d’échange avec le cinéma, pas de confession, pas d’idée sûrement. Pas le courage de surmonter l’ennui vaguement nauséeux que m’inspire le sport à la fin de l’automne. Voilà pourquoi il n’y a finalement pas de rubrique sport dans Vacarme cette fois-ci non plus.