Vacarme 29 / Fronts

trajectoires du contrôle

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1976 : Foucault annonce la fin de la prison - sa poursuite à ciel ouvert et par d’autres moyens, « alternatives à l’incarcération » qui feront le doux triomphe de la discipline, et contrôleront les corps pour corriger les âmes. 2004 : l’itinéraire prévu, du dedans au dehors, s’est deux fois compliqué. D’un côté, la prison triomphe, mais sans gloire : elle enferme toujours les mêmes, sans fin, sans but, et décuple des processus de perception et de socialisation acquis ailleurs. De l’autre, les instruments de contrôle se sont bien multipliés, mais glissent sur les corps sans mordre sur l’intériorité des sujets.

Gilles Chantraine a notamment publié : Par-delà les murs, PUF, 2004.

Nous devons à la revue québécoise Criminologie, une dizaine d’années après la mort de Michel Foucault, d’avoir exhumé ce texte étrange, une conférence tenue par le philosophe à Montréal en 1976. 1976 : à peine un an après avoir publié Surveiller et punir, où la prison est érigée comme l’épicentre d’une société de discipline, plus exactement comme le foyer de diffusion des mille pratiques tendant à pénétrer le corps et l’âme des sujets pour les rompre aux disciplines et les faire chacun les sujets de l’exercice du pouvoir. Un an après, donc, voici Michel Foucault qui nous annonce, sans peur ni précaution, l’agonie et la mort toute proche de la prison. La prison n’est plus, ou presque plus, nous dit-il. Elle a rempli son office, mais aujourd’hui elle ne sert plus. D’autres dispositifs la poursuivent, la prolongent, l’intensifient, mais de la prison elle-même, de ses murs, nous ne voyons plus guère. À peine encore si l’on peut entendre son silence qui, de l’étouffement des détenus à la répétition obstinée de son projet, semblait la caractériser si bien. Et voilà Michel Foucault, brutalement, changer de projet. Demain, ce n’est plus la prison qui sera le foyer des disciplines, mais les alternatives à l’incarcération.

On pourrait pointer l’échec d’une prophétie. Car enfin, la prison, c’est indéniable, conquiert chaque jour du terrain : n’est-on pas allé jusqu’à nommer en 2002 un (éphémère) secrétaire d’État aux constructions de nouvelles prisons ? En France, le taux de détention pour 100 000 habitants était de 50 lorsque Surveiller et punir voit le jour. Il était de 75 dix ans plus tard, 90 vingt ans plus tard (en nombre absolu, de 1975 à 1995, la population carcérale a doublé). Pourtant, on ne saurait s’arrêter là, voir ces chiffres sans ce qui les entoure, et les explique du même coup. Car ces données augmentent (rappelons tout de même qu’avant l’inflation carcérale en cours, la population carcérale a diminué de 1996 à 2000), mais elles augmentent alors que tout augmente plus vite encore... : elles augmentent relativement moins ! En 1984, 17% des condamnations prononcées selon la peine principale en France étaient des peines privatives de liberté (sans sursis aucun). En 2000, la proportion des peines privatives de liberté prononcées pour des délits et des crimes est... la même. Alors quoi ? On ne punit pas plus qu’avant ? Si, bien sûr, puisque tout augmente. Mais on ne punit pas plus, à l’intérieur du système pénal, par la prison. En revanche, on distribue, aujourd’hui, et à foison : le sursis, le sursis avec mise à l’épreuve, le travail d’intérêt général, les peines de substitution, l’amende, la suspension de permis de conduire, l’injonction thérapeutique, les mesures éducatives destinées aux mineurs, le bracelet électronique et, bien sûr, l’amende (et encore : amende ferme ou sursis, jour-amende, etc.), voire : la dispense de peine ou bien, sans attendre de jugement, le rappel à la loi...

Voilà bien un projet visionnaire que cette conférence exhumée par Criminologie. Elle nous rappelle, au passage, ce que Surveiller et punir n’est pas ; comme si son auteur voulait déjà se défaire des lectures enthousiastes, s’en dégriser. Il semble dire : « Vous vous méprenez, relisez donc le sous-titre de mon ouvrage, « Naissance de la prison », vous verrez bien que je ne faisais qu’exhumer le projet carcéral, ne disant presque rien de la prison telle qu’elle est vraiment ». Car la prison telle qu’elle est vraiment, et aujourd’hui plus encore qu’alors, c’est un asile sans projet, où sont reclus ceux que la société semble justement avoir renoncé à redresser. Loin d’être ordonnée autour d’un unique principe disciplinaire, l’impératif sécuritaire impose à l’Administration pénitentiaire et à ses agents une gestion pragmatique de la vie quotidienne : au jour le jour, elle négocie, réprime, privilégie, instrumentalise, opprime, sanctionne, et récompense les détenus, afin de minimiser le désordre en détention. Si la prison constitue un outil de gestion des illégalismes populaires (mettons de côté les infractions sexuelles), l’inertie de l’institution ne réside pas tant dans son fonctionnement disciplinaire que dans le parasitage permanent du désir de correction par la réalisation pragmatique de l’objectif central de l’institution : la contention des reclus.

La conférence annonce : déclin de la prison car perte d’utilité des illégalismes, cette délinquance utile aux gouvernements ; diffusion et approfondissement du contrôle social. Trente ans après, qu’en est-il ? Qu’en est-il, d’abord, de la prison ? La prison n’est plus qu’un asile pathogène, qui la rend d’autant plus intolérable ; mais elle est aussi un point cardinal dans une somme d’expériences individuelles. La prison, quand on l’analyse comme ce qu’elle est vraiment dans les existences de ceux qu’elle enferme, apparaît comme un moment particulier de vies situées dans un tutoiement, une intimité avec l’État. La prison est un dispositif créant plus que de la socialisation, de la subjectivation : une distorsion de la subjectivité propre d’individus, qui ne peuvent désormais entreprendre de vies et voir leurs vies au-delà de l’intimité avec la prison, la police, le juge d’application des peines. Les récits de vie des prisonniers en maison d’arrêt montrent comment l’incarcération apparaît souvent comme l’aboutissement « normal » (c’est-à-dire subjectivé, intériorisé et narré comme tel) d’une trajectoire de galère, le point d’orgue provisoire d’une logique d’assignation rythmée par de nombreuses condamnations. L’incarcération est la routine carcérale qui perpétue la répression routinière ; routine carcérale caractérisée par le fait que les détentions qui suivent la première incarcération forment un système de vie. Les pratiques, les stratégies et les contraintes que le sujet met en oeuvre quand il est dit « libre » dans son quartier, et quand il est « privé de liberté » à l’intérieur de la prison, en viennent à constituer une expérience similaire : temporalité de l’existence fondée sur l’immédiateté, rapports aux autorités répressives proches (policiers d’un côté, surveillants de l’autre), etc. L’« habitué » retrouve en détention ses pairs qui, comme lui, entrent et ressortent régulièrement ; il sait comment se déroulera sa détention, depuis les rites d’admission - fouille corporelle, cellule arrivant, etc. - jusqu’à sa sortie ; il développe des relations personnalisées avec les surveillants, maîtrise les combines en détention pour améliorer son quotidien, etc.

L’institution carcérale, lorsque le processus de désaffiliation est poussé à l’extrême, devient parfois une ressource, un « contact-miniature » du détenu avec l’ensemble des autres institutions : la détention devient le lieu où redeviennent possibles différents échanges avec des services sociaux. L’incarcération permet alors paradoxalement la (re-)conquête d’un statut. Un statut de travailleur en détention, une connaissance personnalisée avec les surveillants, la bonne connaissance du « système », les retrouvailles avec des pairs de misère contrebalancent le stigmate, la solitude et l’absence de consécration à l’extérieur. La prison devient une ressource matérielle, symbolique, affective. On dit souvent : « sortant de prison », lorsque l’usage correct voudrait « sorti de prison ». C’est que la prison est une expérience toute entière, qui porte au-delà du moment de l’exécution de la peine jusque dans le rapport de soi à la société, de soi à soi, en une subjectivité entièrement pénétrée de pénalité.

Ce n’est pas un hasard si Foucault fait référence au cours de sa conférence au livre de Bruce Jackson [1], somme de récits bavards de tricheurs, voleurs, cambrioleurs et proxénètes aux anecdotes drôles et dramatiques, fières et honteuses, habiles et pathétiques : « Ecoutez ces voix criardes, intarissables, féroces, ironiques, que Bruce Jackson a enregistrées. Elles ne chantent pas l’hymne des maudits en révolte. Elles font « chanter », au nom de tous les tours qu’ils se sont joués les uns aux autres, la loi et l’ordre, et le pouvoir qui fonctionne à travers eux », écrit-il dans la préface à l’édition française de l’ouvrage. Police et prison produisent ainsi des subjectivations particulières, à partir du rapport d’habitude routinisé, inscrit dans l’intimité des protagonistes, et qui se rejoue à l’épreuve de chaque regard échangé. On se souvient, de ce point de vue, des témoignages éloquents recueillis lors de l’enquête à Dammarie-lès-Lys ; témoignages de « clients » fréquents de la police, pour beaucoup anciens condamnés, qui font écho à ce propos foucaldien d’un ancien patron de Brigade anti-criminalité : « Le policier est l’une des personnes que le jeune côtoie le plus souvent ; sa vie est régie par la Police ». La prison accueille et consolide ces subjectivations particulières, déterminant des existences particulières, qui renforcent la circularité de vies centrées sur les illégalismes.

C’est bien sûr sur ce point qu’achoppe la démonstration de Foucault, qui annonce crânement la déchéance de la délinquance. Or, si quelque chose est bel et bien survenu au milieu des années 1970, c’est la délinquance de masse, amplifiée par le débat public et l’arsenal législatif conséquent, tout ce que mesure aujourd’hui la croissance de la pénalité survenue depuis. Foucault, à Montréal, parle encore depuis un temps où l’abrogation de tout risque n’est pas encore érigée en norme de vie commune, appelant ainsi à chaque revers un auteur punissable. Il ne parle pas non plus d’aujourd’hui, où le juge ne peut que consentir à la souffrance de la victime, qui réclame réparation et punition. Consécration de la victime dans l’économie de la pénalité ; essor, en quelque sorte, d’un nouvel ordre victimal qui met à mal le principe de modération, ouvre la voie à un durcissement punitif et sous-tend la diminution des droits de la défense ; protection par la sanction de l’individu dans une société vue comme foyer de risques intolérables, et enfin explosion des illégalismes : voici ce que Foucault ne pouvait voir, et ce pour quoi la prison est restée.

La prison a donc tenu bon. Pire : le processus de subjectivation et de socialisation de ces existences carcérales, dans et hors les murs, a définitivement signé le vrai échec du projet carcéral. Foucault disait dans sa conférence : l’échec de la prison, c’est sa réussite même ; elle organise et sélectionne les illégalismes pour créer de la délinquance, ces illégalismes utiles. Trente ans plus tard, l’échec véritable de la prison est scellé : la prison entretient et consolide des vies à part, inutiles au monde de la production. Si pendant longtemps, les prisons avaient pour vocation d’être des maisons de correction, qui visaient à surmonter la résistance et faciliter la soumission, cette « vocation » aujourd’hui s’effrite à mesure qu’un pan de la population-cible des prisons n’est plus cette main d’oeuvre en manque provisoire de coeur à l’ouvrage, mais bel et bien une catégorie d’« irréductibles inemployables ». Dans ces circonstances, le confinement devient plutôt une alternative à l’embauche, une manière de neutraliser une partie considérable de la population dont on n’a plus besoin dans la production, qu’on ne peut pas « remettre » au travail, tout simplement parce qu’il n’y en a plus.

Faut-il alors imaginer que la prison, autrefois matrice des dispositifs disciplinaires, a légué son héritage aux mille autres dispositifs de surveillance et de contrôle, et que ceux-ci prennent en charge la « tradition disciplinaire » ? Ici, le débat se complique, enfle inconsidérément, et l’on a peine à se repérer dans le fatras des néologismes post-foucaldiens brodés pour le soin des invocations post-orwelliennes. Selon une première direction, nos sociétés auraient pris le chemin d’une extension presque infinie du contrôle social, depuis les populations condamnées vers les populations déviantes, puis vers les populations soupçonnées, enfin vers un peu tout le monde, ouvrant la voie d’une « société de sécurité maximale ». Ce premier ensemble fait de nous des individus assujettis aux dispositifs de contrôle. Dans cette veine, le philosophe Giorgio Agamben proclame son refus de se rendre aux États-Unis du fait de la décision d’imposer un fichage des empreintes digitales et rétiniennes des voyageurs, pratique qu’il assimile à ce que Foucault dénonçait comme (nous citons Agamben) une « nouvelle relation biopolitique normale entre les citoyens et l’État [qui] concerne l’inscription et le fichage de l’élément le plus privé et le plus incommunicable de la subjectivité : je veux parler de la vie biologique des corps ».

Selon une seconde direction, tout soulignerait la profusion des micro-technologies de contrôle et de surveillance, du système de traçage de nos opérations bancaires ou de nos pratiques de santé aux outils d’identification biométrique, à la généralisation des empreintes génétiques, en passant par les sonneries de dispositifs anti-vol des échoppes, la vidéo-surveillance ou le contrôle technique de nos automobiles. Là, nous serions des êtres hybrides faits de chair, d’âme et de technique, pris dans des mailles post-carcérales serrées, marquées d’un côté par l’essor de dispositifs de contrôle fragmentés et intégrés aux activités de la vie quotidienne (la fragmentation indique l’absence de tout Big Brother), d’un autre côté par l’avènement d’un nouveau rapport entre individu et État. Les dispositifs de contrôle au coeur d’environnements fragmentés indiqueraient alors l’enchâssement du contrôle dans l’interaction large de l’usager avec les institutions et les organisations (le contrôle accompagne nos activités les plus banales : consommer, se déplacer, communiquer) et l’émergence d’un contrôle dépourvu de l’intention d’inculquer des valeurs, une morale. Ces dispositifs sociotechniques régulariseraient alors les comportements sur un mode binaire (conformité/non-conformité), projetant notamment sur les usagers un consentement formé autour de menaces invisibles mais ubiquistes (le « client » est conçu avant tout, par la visibilité du dispositif technique, comme un « non-voleur », et le « voyageur » comme un « non-terroriste »).

Ces directions de pensée testent l’hypothèse de la « dispersion de la discipline » développée par Foucault à Montréal, à travers l’exploration des rapports de nature entre ces modalités de contrôle en émergence et la distribution généreuse des sanctions pénales « alternatives » à l’incarcération. Dans ce cadre, le PSE (placement sous surveillance électronique) constitue sans doute l’un de ces « dispositifs » les mieux illustratifs de nos inquiétudes « post-carcérales ». Le PSE est un bracelet électronique fixé à la cheville d’une personne assignée à résidence dans une zone particulière et à des horaires particuliers. Lorsque la personne s’éloigne du lieu qui lui est assigné à un horaire imprévu (par exemple de sa maison après le travail), ou lorsque plus simplement, il s’éloigne des lieux assignés, le bracelet « prévient » la centrale d’alarme qui avertit les autorités répressives. La personne « placée » doit alors répondre devant le juge d’application des peines de sa liberté prise avec les horaires ou les lieux imposés pour, le cas échéant, purger le reste de sa peine entre quatre murs. Tout y est : surveillance (tout voir), contrôle (tout savoir), gouvernement (tout diriger, à distance, au plus près de ce qu’est chacun), mais aussi post-carcéral, puisque le motif avancé de cette technique reste la lutte contre l’inflation carcérale.

Et pourtant, au-delà de sa sous-utilisation (700 personnes sont placées sous surveillance électronique aujourd’hui en France), le PSE montre les limites empiriques des prophéties du malheur. D’une part, il semble raffermir, du dehors, les murs de nos prisons. D’abord, parce qu’y sont soumis ceux que la prison accueille le moins volontiers, mais que la culture contemporaine de la victime et de l’abolition du risque tient à voir condamnés : l’exemple-type est l’auteur d’un homicide involontaire au volant, par ailleurs salarié, sans inscription au casier judiciaire. Le PSE permet le prononcé d’une condamnation judiciaire, et l’exécution à ciel ouvert ; d’une certaine manière, tout en permettant de condamner plus, il invite à ne confier à la prison que ceux qui y sont traditionnellement destinés. Ensuite, le PSE est très peu une technique de contrôle, tout juste une technique de surveillance, ou de suivi : la personne, durant un temps particulier, ne doit pas s’éloigner de tout un ensemble de lieux définis avec le juge d’application.

Mesure disciplinaire d’un genre nouveau ? Au contraire : voilà une personne condamnée, qui ne connaîtra jamais la prison, mais que l’on assigne en somme à méditer le sens de son acte au sein des deux foyers les plus traditionnels de contrôle que l’on puisse trouver : l’entreprise et la famille. N’insistons pas plus sur les mises en garde d’Agamben : l’inscription de données biologiques muettes (une empreinte, un iris, un génome non codant ne disent rien des propriétés biologiques de la personne du porteur, pas même son sexe) dans des fichiers ajoute certes encore des signaux de repérage de l’infracteur et du légal, à la manière des bornes siffleuses, qui, à la sortie des magasins, repèrent les instruments de détection des vêtements volés. Mais elle éloigne aussi, un peu plus, une économie du soupçon exclusivement fondée sur le regard des agents et, du même coup, n’offre prise à aucune sorte de processus de subjectivation.

Car c’est bien cela le coeur du disciplinaire chez Foucault : forger des âmes. Les « alternatives à l’incarcération » ne sont pas non plus le tremplin de ces contrôles : car l’alternative première à l’incarcération, loin d’inscrire l’individu dans le cercle clos du redressement, c’est bien toujours l’amende (75% des condamnations en 2000) et, de plus en plus, le dédommagement des parties civiles, qui substituent au contrôle par l’État la procédure de rachat du condamné face à « sa » victime. Et le contrôle exercé par les autres mesures ne s’exerce ainsi jamais qu’à la toute lointaine surface de l’âme ou du corps. Tout au mieux donne-t-elle à voir des dispositifs qui aspirent à resocialiser par le travail... ceux qui travaillaient avant leur condamnation ; et qui enjoignent ceux qui ne trouveront pas de travail à en chercher. Faute de travail, en effet, c’est toute la logique des alternatives à la détention qui, plus qu’elle ne diffuse du contrôle social, se contente simplement de répliquer hors les murs la logique absurde de l’enfermement dans les murs.

La prison ne discipline pas, mais prolonge la production policière d’existences et de subjectivités singulières ; les alternatives à l’incarcération et les mesures de surveillance ont depuis longtemps renoncé au contrôle, les premières se contentant, au mieux, de renvoyer l’individu dans les cercles traditionnels de socialisation. Le « couple » n’est pas, comme le suggéra furtivement Foucault à Montréal, « le contrôle et l’anormal » ; mais il y a un partage, en effet, entre ces existences de police et de prison, existences d’intimité à l’État qui se manifeste, de l’interpellation au mitard, par l’emprise sur les corps, et ces existences, rythmées par les bips des détecteurs et les tampons au bas des formulaires administratifs, formes respectives d’une surveillance dispersée et fragmentée et d’un État rationnel-bureaucratique.

Notes

[1Bruce Jackson, Leurs prisons - autobiographies de prisonniers et d’ex-détenus américains, Plon-Terre Humaine, 1975.