Vacarme 41 / lignes

80 000 détenus en 2017 ?

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En applaudissant ici aux objectifs de fermeté accrue, là au respect des droits des personnes incarcérées, l’opinion n’est guère sensible aux paradoxes qui traversent le discours gouvernemental sur les prisons. Il n’en va pas de même de l’administration pénitentiaire, qui se doit de concilier ces impératifs contradictoires : anticiper sur la gestion d’une explosion démographique annoncée, inventer des procédures pour déjouer par avance les effets de l’incursion d’une approche égalitaire dans des prisons surpeuplées. Un document d’orientation en atteste : sous la loi pénitentiaire annoncée pour l’automne, est à l’œuvre une raison administrative qui avoue sans fard ses dérives présentes, prépare son expansion future et accepte l’incarcération comme réponse indiscutable aux maux de la société.

Attendue depuis des années, une loi pénitentiaire est à l’ordre du jour. « La société française ne peut pas, elle ne doit pas ignorer l’état de ses prisons, parce qu’il y va non seulement de la tranquillité publique, mais aussi des valeurs fondamentales auxquelles nous sommes tous attachés. » « Je souhaite à cet égard que le débat au Parlement sur la loi pénitentiaire constitue un grand rendez-vous de la France avec ses prisons et qu’il marque un tournant dans l’histoire de la prison républicaine. » C’est par ces mots que Rachida Dati a installé le « Comité d’orientation restreint » (COR) chargé de remettre en octobre une synthèse de ses travaux « afin d’accompagner le dépôt du projet de loi au Parlement et éclairer le futur travail des députés et sénateurs ». Parmi les objectifs visés par cette loi nouvelle, la ministre a déclaré : « Il faut garantir les droits fondamentaux des personnes détenues en apportant des réponses concrètes aux questions posées par la mise en œuvre de ces droits. » Mme Dati a également annoncé, en matière d’aménagement de peine, vouloir « être pragmatique, et tenir compte du fait que la prison n’est pas forcément la bonne réponse pour tous les condamnés. Dans ce contexte, a-t-elle poursuivi, le maintien prolongé en prison n’est pas nécessairement la meilleure des garanties contre la récidive ». Elle a associé à sa volonté de réforme « les personnels pénitentiaires qui exercent un métier chaque jour plus difficile ».

Ce n’est pas le moindre des paradoxes que le lancement de ce chantier législatif, qui reconnaît à la fois la nécessité des droits et de l’aménagement des peines, soit contemporain de décisions (suppression de la grâce) et de lois (peines planchers) dont la conséquence mécanique sera l’augmentation de la surpopulation, la dégradation des conditions de détention et de travail et l’allongement des durées d’incarcération. Comment, alors que toutes ces tendances sont facteurs de surpopulation et de violence, est-il possible de légiférer en affichant l’objectif de respecter les droits des personnes détenues ?

La contradiction entre la politique pénale menée et les principes directeurs supposés de la loi pénitentiaire n’a pas échappé à la direction de l’administration pénitentiaire (DAP) qui, loin des grands principes affichés, a produit un document d’orientation présentant ses hypothèses d’évolution de la population carcérale pour la décennie à venir. Ce texte était conçu pour demeurer interne à la Chancellerie mais la garde des Sceaux en a décidé autrement en le faisant distribuer aux participants du COR, ce qui a entraîné sa divulgation [1].

la gestion de la surpopulation comme politique pénitentiaire

La révélation la plus frappante de ce texte se trouve dans la section « éléments de prospective ». On y découvre que selon la DAP, la combinaison de différentes évolutions se traduira « par un accroissement sensible de la population confiée à l’AP, qui pourrait atteindre 80 000 personnes en 2017 ». Trois tendances sont ainsi dégagées : l’augmentation des personnes « âgées » d’une part, des jeunes âgés de 18 à 35 ans d’autre part (bref un peu tout le monde) ; l’allongement des durées des longues peines et l’accroissement fort des courtes peines (bref un peu tous les types de peines) ; enfin l’apport de détenus en provenance d’Europe de l’Est, dont l’administration considère qu’il constituera un facteur d’aggravation de la violence en détention.

Concrètement, cela signifie qu’elle s’attend à ce que la hausse de la population carcérale entre 2002 et 2007, de 50 000 à 60 000 personnes, se poursuive au même rythme. La direction de l’administration pénitentiaire rappelle à juste titre qu’elle n’a aucun pouvoir de décision concernant les flux d’entrée en prison et l’aménagement des peines. De là elle déduit que les différentes perspectives d’évolution qu’elle propose ne dépendent pas d’elle mais de la « prise en compte par les magistrats de la surpopulation carcérale dans leurs décisions concernant l’aménagement des peines ». Autrement dit, l’adaptation de l’application de la loi pénale selon les capacités des établissements. De ce fait, il est clair pour l’administration pénitentiaire que la variation du temps passé en détention n’a aucune influence utile sur la sécurité de la société. L’administration demande seulement, en tenant compte des gesticulations politiques permanentes affectant la politique pénale, que l’augmentation de la population carcérale, avec l’aide de magistrats conciliants, ne prenne pas trop d’avance sur les programmes de construction. C’est ce que l’administration considère comme du pragmatisme, auquel devra répondre une politique du flux tendu caractérisée par une « utilisation optimisée du parc pénitentiaire » : « gestion du surencombrement », « suivi mensuel des taux d’occupation et des capacités », « relations rénovées avec les directions interrégionales », etc. Ce souci gestionnaire explique également pourquoi, alors que toute récidive commise dans le cadre d’une libération anticipée s’accompagne d’une intense pression politique contre toute réduction de la durée initiale de la peine, l’objectif de développement des aménagements de peine est proclamé à la fois par la ministre et l’administration.

La loi du 9 septembre 2002 d’orientation et de programmation pour la justice (LOPJ) prévoit la création de 13 200 places de détention, « soit une augmentation de 20 % de la capacité d’hébergement de l’AP avec 64 000 places d’ici fin 2011, au lieu de 50 500 actuellement ». Si la prospective de l’administration pénitentiaire est juste, le gouvernement en place en 2012 devra à nouveau, sauf à laisser la surpopulation atteindre des niveaux encore inconnus, lancer un très important programme de construction entre 2012 et 2017. D’ores et déjà, une chose est sûre : bien que ces programmes de construction voient se multiplier les « gestions mixtes » (seul le personnel de surveillance relève encore du domaine public, construction, maintenance, hôtellerie, lingerie, cantine, santé, travail et formation professionnelle étant dévolus au secteur privé), ce n’est assurément pas dans ce domaine que seront réalisées les économies de l’État prévues par Nicolas Sarkozy.

À moins que — peut-on encore l’espérer — l’horizon du « pragmatisme » ne s’élargisse quelque peu d’ici là. Notamment en se demandant, par exemple, pourquoi est-il si nécessaire d’enfermer plus ? De cela aujourd’hui l’administration ne dit rien, si ce n’est que la France n’est pas le plus mauvais élève de l’Europe en matière de taux de détention. À cet égard, si la pénologie comparée a montré que les transformations d’un système pénal étaient rendues possibles par l’observation méticuleuse des politiques pénales voisines (par exemple, la Finlande a réussi à diminuer significativement son taux de détention en s’efforçant consciemment d’adopter les modèles scandinaves [2] ; notons-le au passage : à ce jour, la Finlande, qui en 2004 comptait 73 détenus pour 100 000 habitants contre 91,8 pour la France, n’a pas sombré dans le chaos...), il n’est pas inintéressant de constater que le document ne se compare qu’à des pays aux taux de détention supérieurs à celui de la France (notamment Espagne, Angleterre et Pays-Bas, qui comptaient respectivement en 2004 : 142,4, 142,7 et 133,9 détenus pour 100 000 habitants, contre 76,4 au Danemark et 78,3 en Suède). « Il y a de la marge » devient le message implicite pour désamorcer toute dénonciation du tour de vis punitif.

En effet, conjointement, l’administration se livre à une attaque en règle de toute forme de contestation de la politique pénale menée, réduite à un « courant abolitionniste [...] alimenté par les écrits de Michel Foucault » (sic) qui ferait de la prison un « sujet d’idéologie ». Ainsi l’augmentation en dix ans de près de 20 000 détenus qu’elle pronostique ne saurait même être objet de discussion. Par exemple, Rachida Dati demande au COR de réfléchir aux conditions d’incarcération « de personnes souffrant d’altérations de leurs facultés mentales » et « de personnes âgées, le plus souvent exclues de la société », sans soulever le problème de leur présence en détention. Poser la question de leur possible prise en charge dans un cadre non pénitentiaire relève vraisemblablement de « l’idéologie » des « courants abolitionnistes » !
L’administration achève la déconnexion entre les discours et objectifs de grande politique pénale (réduire la délinquance, prévenir la récidive) et les contraintes de la gestion des conséquences de cette politique. D’un côté, elle oppose violemment sa raison gestionnaire à toute remise en question politique du recours à l’incarcération : « les prisons françaises ne sont pas une honte », « la France gère bien ses prisons ». De l’autre, elle n’a rien d’autre à dire sur la nécessité d’incarcérer davantage que le fait que, étant donné la politique menée, il s’agit de l’avenir le plus probable.

des droits facultatifs

L’anticipation de la hausse de la population carcérale, du maintien probable de la surpopulation, ainsi, selon la DAP, que d’un « accroissement de la durée des longues peines » et d’un « fort accroissement des violences en détention, ce que subissent autant les détenus que les personnels », jette une lumière crue sur les espoirs d’une réelle transformation de la situation. Certes, à l’instar de la ministre, la direction de l’administration se fixe comme objectif l’application des Règles pénitentiaires européennes (RPE), et affirme en expérimenter en 2007 huit d’entre elles — sur 108 — dans 28 établissements — sur 190. Les droits des détenus vont donc connaître une formalisation juridique et des avancées vont être actées. On peut en citer deux probables : la réforme du régime de la fouille à corps et la généralisation à terme des unités de visite familiales, explicitement citées par Nicolas Sarkozy dans sa réponse aux États généraux de la condition pénitentiaire. Mais la faveur manifestée pour les Règles européennes est à double entente. D’un côté, l’acceptation formelle de la reconnaissance des droits des détenus. De l’autre, la mise en avant répétée du caractère « non contraignant », non « impératif » des Règles « qui doivent pour la plupart s’appliquer dans la mesure du possible ». Il n’est pas trop exigeant d’affirmer que des règles applicables dans la mesure du possible sont respectées. Si elles ne sont pas appliquées, c’est que ce n’est pas possible ! A contrario, il n’est pas question, dans le document de l’administration, de l’application des recommandations précises, en matière de droit pénitentiaire français, de l’Étude sur les droits de l’homme dans la prison de mars 2004 de la Commission nationale consultative des droits de l’homme.

La raison de la préférence de la DAP pour des règles indicatives et morcelables n’est pas mystérieuse : pour elle, le corrélat nécessaire au double mouvement de reconnaissance des droits et de l’enfermement de plus de personnes pour des durées plus longues est de laisser à l’administration toute latitude pour classer les détenus et varier les régimes de sécurité. Elle met clairement en opposition la volonté de classement et la reconnaissance de droits égaux : « Au nom d’une approche égalitaire des détenus, qui restreint la possibilité de créer des catégories, au nom de sa non-prédictibilité, qui interdit de considérer que telle caractéristique prédispose à tel comportement, il nous a été impossible de parvenir à une véritable classification des détenus qui est pourtant le fondement de tout régime différencié digne de ce nom. » À l’inverse, l’administration, reprenant un principe de la réforme de 1975, défend l’idée qu’il est nécessaire de lier réforme et création de nouveaux régimes de sécurité fondés sur la dangerosité supposée des détenus. Comme l’expliquait dès ce moment Philippe Robert à propos de la réforme de 1975, « pour tenter de pallier les périls nés de la suroccupation carcérale, on combine une libéralisation du régime ordinaire avec la mise en place de régimes d’exception très sévères [3] ».

dangerosité

L’administration revient aujourd’hui sur les raisons de l’échec de cette tentative : « Ce sont ainsi les abus constatés dans l’utilisation des Quartiers Haute Sécurité (QHS) qui ont provoqué non seulement leur suppression mais aussi la disparition de toutes les mesures officielles de la dangerosité des détenus à l’exception toutefois de la catégorie très restreinte des Détenus particulièrement surveillés (DPS). Naturellement se sont recréés ipso facto des listes officieuses tant il est vrai que la question de l’évaluation de la dangerosité des détenus est la condition de la mise en œuvre de programmes de réinsertion. » Dans ce passage d’une étonnante franchise, l’administration reconnaît que la différenciation des régimes de sécurité, bridée depuis la fin des QHS, fonctionne hors de tout cadre législatif. Et, pour, semble-t-il, le déplorer, elle signale que « des groupes de pression ont su habilement exploiter l’impact des illégalités commises par l’administration en obtenant la remise en cause de tout classement ».

De fait, la tentative de recréer, hors du droit, des régimes de détention différenciés rend l’administration vulnérable. C’est ainsi, par exemple, que la décision prise par un directeur de placer un détenu en régime fermé a été annulée par le tribunal administratif de Nantes [4]. Les juges ont estimé qu’un tel classement, par la transformation du régime de détention qu’il imposait, devait entrer dans la catégorie des mesures devant être prises au terme d’une procédure contradictoire et soumise à l’appréciation des juges. En conséquence, aux yeux de l’administration, la loi pénitentiaire ne peut poursuivre l’extension du regard porté par le droit et la justice sur le fonctionnement de l’institution, sans la doter à la fois de régimes de détention distincts et de modes légitimes de justification des transferts de l’un à l’autre.

La revendication classificatoire de l’administration tente de superposer deux registres de justification. Le premier, qui est avouable, reprend la vieille idée correctionnelle de la nécessaire adaptation des régimes de détention à la personnalité des condamnés. Dans des termes contemporains, c’est dire que la classification est « la condition de la réinsertion ». Cet argument masque mal la prégnance d’un second argument, emprunté aux discours qui ont accompagné les réformes menées en 1975, et qui ont précisément abouti à la création des QHS : intimée de faire respecter des droits nouveaux, l’administration répond par la nécessité de distinguer les détenus. Ainsi, la séparation des détenus problématiques est présentée comme la condition même de la réforme. Une telle revendication signe le mode spécifique d’intégration des droits par l’institution, qui est de prévoir d’emblée des possibilités de dérogation, c’est-à-dire de gestion de l’ordre par le maintien d’un pouvoir discrétionnaire. Elle marque également la superposition entre dangerosité pénitentiaire, comme critère de classification interne — et support des atteintes aux droits — et dangerosité criminologique [5].

Modèle souvent évoqué en matière de droits des détenus mais également en termes de classification sécuritaire des établissements et des détenus, le système canadien permet d’entr’apercevoir les conséquences de cette stratégie double : aux droits accordés en prison de sécurité dite « minimale » répond un système sécuritaire omniprésent en établissement de sécurité « maximale » et plus encore en « unité spéciale de détention » (« supermax ») dans laquelle tout mouvement est contrôlé (un seul déplacement de détenu est effectué à la fois, port des menottes en cas de proximité physique avec un surveillant, etc.). Plus généralement, les observateurs officiels y mesurent l’incompatibilité du respect global des droits et de cette logique classificatoire. Ils constatent notamment la tendance à « l’excès de prudence » qui conduit les experts à « surévaluer » massivement les cotes sécuritaires des détenus, malgré l’exigence légale d’incarcérer le détenu dans le milieu le moins coercitif possible [6]. C’est d’ailleurs ce qu’a expliqué Jean Favard, magistrat et ancien conseiller de Robert Badinter, à propos des QHS : « À cette époque, sur les quelques 30 000 personnes détenues, environ 200 étaient considérées comme dangereuses. [...] Mais ensuite, de 200, le nombre est plutôt passé à 2000. [...] Rien n’est plus difficile pour un détenu que de se débarrasser de cette étiquette lorsqu’elle lui a été accolée [...] Le système a ainsi dérivé peu à peu, on a « étiqueté de plus en plus, laissé les personnes en quartier de sécurité de plus en plus longtemps [7]. » Les chercheurs de terrain, eux, décrivent au Canada le faux-semblant généralisé qui surplombe les interactions entre les détenus et des psychologues entièrement voués à l’évaluation des risques, sapant les bases d’une confiance indispensable à une relation d’aide. Ils dénoncent, enfin, le pouvoir exorbitant de l’agent de libération conditionnelle (en matière de transfert en établissement moins coercitif, lors de l’octroi ou non de sortie sans surveillance, de mise à l’isolement, etc.) adossé à un savoir criminologique pourtant largement inepte. Trente ans après la vague critique qui s’est abattue sur les services correctionnels durant les années 1970, les observateurs désabusés en viennent à se demander si l’ensemble des acquis en matière d’ouverture et de droits sont devenus autre chose qu’un dispositif de bon fonctionnement managérial [8].

Si elle est fidèle au document d’orientation de l’administration pénitentiaire, la loi pénitentiaire française a toutes les chances d’offrir un double visage, semblable au système correctionnel canadien, dont tout indique qu’il produira un puissant effet de consensus : la mise en conformité formelle avec les Règles émanant des instances de protection des droits de l’homme, la modulation accrue des régimes carcéraux selon les détenus — le tout sous l’œil d’un contrôleur des prisons aux moyens sans doute restreints. En face de cela, deux enjeux de contestation se dessinent d’ores et déjà. Le premier est celui des praticiens. De même que certains magistrats entendent demeurer libres en face de l’injonction à prononcer les nouvelles peines planchers, les regards se tourneront vers la résistance des psychiatres à la transformation de leur activité de soignant en agent de classement et de certification du risque zéro. Le second est celui de la société civile et particulièrement du monde militant, à qui sera posé un défi redoutable. Alors que seront proclamés à la fois de grands principes et une transparence nouvelle, comment faire une question politique du traitement subi dans les lieux obscurs du monde pénitentiaire : quartiers disciplinaire et d’isolement, nouvelles maisons centrales, nouveaux centres fermés ?

Notes

[11 Direction de l’administration pénitentiaire, Projet de Loi pénitentiaire, Comité d’Orientation, Enjeux, juillet 2007. Sauf mention contraire, toutes les citations sont extraites de ce document.

[2J.-P. Brodeur, “Comparative Penology in Perspective”, in M. Tonry (dir.), Crime and Justice. An Annual Review of Research, Chicago University Press, 2006.

[3Philippe Robert, La Question pénale, Droz, 1984, p. 196.

[4Tribunal administratif de Nantes, décision du 27 juillet 2007.

[5Suite à l’enlèvement du petit Enis, Nicolas Sarkozy a annoncé qu’il ferait intégrer dans la loi pénitentiaire deux réformes qui accentueront et renforceront encore la nécessité institutionnelle et la légitimité du classement selon la dangerosité. La première est l’allongement des longues peines, qui va se poursuivre pour les auteurs d’infractions sexuelles dont les réductions de peines vont être restreintes. La seconde, non évoquée dans le document d’orientation commenté ici, est la création de lieux d’enfermement post-peine ni psychiatriques ni pénaux qui achèveront de faire de la dangerosité une catégorie punissable.

[6Dans le même sens, depuis 2001, l’enquêteur correctionnel du Canada se bat pour annuler la décision des Services correctionnels — contraire là aussi au cadre légal — d’incarcérer automatiquement les délinquants condamnés à l’emprisonnement à perpétuité pour meurtre dans des établissements de sécurité maximale pendant au moins les deux premières années de leur incarcération.

[7Jean Favard, « Trop de sécurité tue la sécurité », entretien avec Stéphanie Coye, Dedans dehors, n°49, mai-juin 2005.

[8M. Vacheret, 2006, « Gestion de la peine et maintien de l’ordre dans les institutions fédérales canadiennes », in G. Chantraine, Ph. Mary (dir.), « Prisons et mutations pénales », Déviance et Société, 3, 30.