Vacarme 21 / Chroniques

western love

par

J’ai apprécié
ton plat de haricots.
C’était grand
comme dix amarantes. Tu
as aussi acheté des
couvertures à la mode pour
nous protéger des cris du coyote
dans la nuit. Je t’appelais
mon petit coussin isolant.
La prairie s’étend à perte de vue
au fil de notre errance. Tu as fait
un feu pour sécher nos chaussettes.
Dans la nuit les bêtes reconnaissantes
clignaient des yeux vers les ombres.
Les collines se délitaient.
Ton instinct de cheval
t’a préservé des
concessions minières.
Tu as trouvé
des pépites dans ta passoire
à Trinity Center.
Les gens de la montagne
ne t’ont sûrement pas
regardé de haut.
Tes poches
étaient pleines
d’or.
Barman, prends mon fusil
c’est plus sûr.
J’ai envie de baigner
le désir exercé
de mon godelureau.
J’ai joué avec les
trappeurs pendant que tu
étais sur la piste.
J’ai entrepris
une de ces filles seules
d’Abilene.
Elle dit le plus grand bien
de tes habitudes de jeu.
Tu n’as pas cessé de
montrer la vieille grange en disant
c’est du bon bois.
Mais je te voulais
dans la belle grange
et puis la mare.
Je pêche le poisson-chat
dans la mare.
Je veux me blottir contre
ta broussaille.
Zoum-Zoum
dit la cavalière.
Mes accords sont pour toi,
fille de saloon. L’ondulation
fantasque c’est ton truc.
Il faut dire que
seule ta poitrine est à la hauteur.
Donne-moi un baiser
avant le plein midi.
Le cuistot rapporte
la louche à la roulante.
Ô terre amie, ce soir
tu remplaceras mon amour.
Les gros nuages gris
moutonnent dans l’après-midi.
Les rayons gracieux du soleil
n’ont pas autant de charme.
Je t’ai vu faire
avec les fusils. Tu as
tout appris du sexe animal
en chassant. Tu sais
vider les chargeurs.

Nos chevaux brisent

les mottes. Les busards tournoient
au-dessus du camp.
Je porte un Stetson
à Kansas City
pour t’impressionner.
C’est ma façon
de faire la cour.
L’éventail en papier
t’envoie un petit air frais
derrière la nuque,
mon ange. Tes ailes de
cow-boy brassent les vents
du Sud-Ouest.
Je te présente ma
chambre bien huilée.
Es-tu prêt pour
l’arrière-pays
de mon amour.
La jument sombre hennit
pour appeler son étalon
dans la nuit. Ô douces
merveilles,
ton cul sauvage
commence à savoir
ce qu’il veut.
Tu fais toujours
d’aussi beaux feux de camp. Et tu
clames ton appétit. Je suis
prisonnier de tes soies.
La grande nuit voudrait bien
tout éteindre.
Tu portes un cache-poussière
en cuir. Tu fais
du café le matin.
Tu fais se refléter
la prairie
dans tes éperons dorés.
Allez, sors ton pétard
et tire-moi quelques coups.
Je porte la roue
au forgeron.
Cette culbute que tu as faite
dans le chariot valait bien
une paire de mocassins neufs,
ceux qui ont des lanières en cuir
et ne craignent pas l’eau.
Tu sais que la cire d’abeille
gâche le goût du cuir brut.
Demande à n’importe quel chien.
Tu peux garder
tes jambières, chéri. Mais
cette cartouchière gêne.
L’homme au fusil,
quelle émotion.
Nous avons laissé
des balles derrière nous.
Nous avons laissé
plus d’un arbre étonné.
Nous avons laissé des coyotes
qui voulaient
japper d’amour avec nous.
Eh toi vieux crapaud-buffle,
attends un peu que j’aie
fini de cuire ce lapin
à la broche.
Veiller avec la lune
et toi et la tequila. J’ai
continué à nourrir le feu.
Le halo s’est brisé
et nous avons vu la sauge.
Tu disais j’ai tout
vu. Les loups
hurlaient.
Tu te rappelles le pain
de buffle que tu avais fait ? Je n’ai
jamais rencontré meilleur cuisinier.
Pour sûr, tu sais tirer aussi
et coucher un bœuf
sur le flanc au rodéo.
Nous devions donner de l’eau
aux chevaux. C’est toi qui
l’a flairée. Les feuilles
caressaient l’eau
dans ses endroits secrets.
Les animaux ont bu.
Les bêtes ne protestent pas
quand nous envahissons la place.
Pas si nous les associons,
les cigales, les moustiques
des prairies et l’immensité
de tout ça.
Ma couverture est humide
de rosée du matin.
Je dois trouver mon petit déjeuner.
Les noix et les baies sont
abondantes, mais les buissons
frémissent d’un
bruit animal.
Je t’avais dit de ne pas laisser
tes bottes dehors
dans la nuit du désert.
Trois scorpions y sont entrés
et t’ont piqué.
Maintenant je dois te sucer
les orteils.
J’ai commencé à cuisiner
sur le feu. J’y ai mis
aussi quelques fers.
Il se peut que je retouche
quelque marques
du bétail que tu as volé.
Chante-moi une chanson de la prairie,
mon amour. J’en ai entendu
d’assez tristes sur la Big Valley
et le Grand Canyon.
S’il te plaît, charme-moi encore
avec tes chansons tristes.
Tu étais chercheur d’or
à Placerville. As-tu
toujours cette douleur cuisante ?
Je sais que l’accident de la
mine n’était pas de ma faute.
J’ai ouvert le robinet haute
pression par amour.
Je me méfierais
de ce fer rouge
si j’étais toi dans ton 501
et ta veste en jean à col
en peau de mouton. Les fers
sont brûlants maintenant. Ils vont
noircir d’un instant à l’autre.
Les bornes de ton territoire
montent la garde contre les squatters.
Chaque jour des mains réparent
tes clôtures. Je me moque
des barbelés. Je suis ton
ouvrier au ranch. Je fais le boulot
et j’en suis fier.
Les broussailles bordent
l’inondation
tandis qu’elle gagne
entre les collines.
La forme en triangle
me rappelle
ton éventail.
Les saules à chatons
ondulent dans la brise.
J’aimerais que tu voies
le travail du gentil
castor au col de la montagne.
Tandis que j’apprécie ce
trou d’eau, le cheval
et le bétail, non.
Il faut qu’ils me voient
nu.
Les bêtes transforment l’herbe
verte des hauts pâturages
en bouillie. Les bouses de vache
font des soucoupes volantes
en automne. Quand les
oiseaux bleus des montagnes
nous suivent jusque
dans la vallée, je sais
où je vais. Je veux dire
après le barbier.
Ô danseuse
à frous-frous,
je t’appelle
ma petite gâterie
de la semaine.
Je veux tirer le suc
de ta douce
salsepareille.
Ta mère ne t’a donc
pas appris
à verser ?
Je ne voulais pas
faire peur au lapin.
Pardon. Je sais que
ce que tu dis des show-girls
est vrai. J’aime seulement
les coups de foudre.
Les gars
descendus chez Clem
ne sont pas contents
de la nouvelle loi.
Moi-même je ne peux pas croire
à cette taxe.
Je parie que tu trouves
ça drôle.
Eh chéri !
As-tu entendu parler
du truc avec la langue salée ?
Je pense que les gros lièvres
font ça tout le temps.
Tout comme ces
cow-girls.
Ta façon de chevaucher ce bœuf m’a fait prendre
conscience de la fermeture-éclair
de mon jean.
Ce matin
j’ai remarqué
le dessin
sur ta peau.
Est-ce là
ta marque ?
La rivière fougueuse finit
lente et brune
dans la prairie. Je suis
fou amoureux
de ton profil sur fond
de montagnes.
Ta tête monte
et descend au pas du cheval.
Hier soir j’ai mangé des champignons
en souvenir de nos
virées dans la prairie.
J’ai marché dans une bouse de vache
qui m’a fait penser à ton chapeau.
Des serpents à sonnette
pendaient aux branches.
Tu as inondé la terre
et fait rouler les cieux.

Post-scriptum

Traduit de l’américain par Juliette Valéry. À paraître dans la collection Format Américain, Un Bureau sur l’Atlantique.