Vacarme 24 / chroniques

le pique-prune / pas sans-vous

par

De la pierre se détache ce contour de femme à chaque fois que vous parlez. La fosse est vide, avec quelques aiguilles de pin blotties. Un scarabée pique-prune gravit des monticules. C’est lui la sentinelle. Les défuntes sont maintenant loin, elles embrassent le ciel et les tombes sont différentes. Elles laissent leurs sculptures creuses au vent. Le pique-prune fait sa pelote des débris, des déchets, qu’il roule entre ses pattes. Il se déplace dans l’inconfort avec sa sphère. Et l’inconfort est tellement mieux. Il a l’embarras d’un corps lourd, de membres crochus, mais une délicatesse immense. C’est à lui que les égyptiens ont confié la barque et le disque solaire. Pour qu’il lève l’astre tous les matins et le garde jusque au soir entre ses pattes jaspées. Il en fallait au moins un pour le faire. Un qui ne laisse pas un jour passer. Pas-un. Pas sans-vous. Une petite radio sur la table de nuit/Un bouquet de violette/L’étui du son pour chaque mot. Pas de tintouin, l’amour des petites choses. Le pique-prune est attaché aux arbres senescents, au bois pourri que ses larves désagrègent et rongent. Recomposant ce qui se décompose. Il a horreur de l’effet de coupure des autoroutes et des remembrements connexes, il a horreur que son milieu soit découvert par l’ordre et la culture. Ne plus savoir dans quelle pensée être, dans la pensée de qui être, c’est l’exil. La désorientation se glisse dans la chambre où tu ne dors pas. Les angles de la pièce s’arrangent mal de l’obscurité. Tu lances un nom contre le mur. Un prénom de femme. A chaque fois que tu le prononces, il te revient de plus loin. Les trajet du pique-prune traversent la pénombre des haies et des chemins creux. Ceux qui conduisent à ta pensée, je ne les trouve que la nuit. Sous les aiguilles de pins, des couronnes de lichens, des mousses, des cristaux de gypse gardent des frontières d’éternité où loge une paix inattendue. Si douce quand elle passe en vous et s’enracine.