Vacarme 25 / le secret

avant-propos

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N’avoir rien à cacher ; se cacher pour être heureux : deux exigences adressées à soi, ou à autrui, qui sont aussi deux formes concrètes d’engagement. Le secret se situe à la démarcation entre ces deux choix. Certes, lorsqu’il revient sous l’aspect du complot ou de la conjuration, le secret se pare encore des atours de l’occulte, dont quelques uns entretiennent le commerce. Mais, au-delà, il traverse et travaille la vie collective dans ses préoccupations les plus routinières, qui sont aussi parfois les plus douloureuses.

Le secret, que l’on veuille sa défense ou sa défaite, a suscité des mobilisations toujours plus nombreuses et surtout toujours plus complexes, sur lesquelles revient d’abord le collectif de chercheurs en sciences sociales [secret/public] (p. 15-18). En contrepoint, nous publions également la position défendue par Act Up-Paris en 1999 sur une modalité du dévoilement politique, le Outing (p. 19-20). Le secret peut être aussi une arme, au service des vies qu’une quelconque singularisation est toujours susceptible de retourner en stigmatisation, ce qui fait toute l’importance du secret médical (p. 36-39). Nous avons également voulu accorder une place substantielle à un métier qui entretient avec le secret des rapports d’intimité : le métier d’historien, dont une nouvelle association, celle des usagers du service public des archives nationales (« auspan »), rappelle qu’il est tributaire d’un service public aujourd’hui menacé, celui des archives. Dans un dossier consacré aux archives (p. 27-30), où sont détaillées les implications actuelles de la loi, nous avons à nouveau interrogé Brigitte Lainé, archiviste toujours répudiée par son administration.

Un secret toujours proclamé, mais que les dirigeants se gardaient tout aussi bien de dévoiler, recouvrait/annonçait, sous le régime nazi, l’extermination des Juifs d’Europe (p. 31-35). Le secret, sous ce visage spectral, relevait sans doute de l’imaginaire constituant de ce régime. Mais quelle est la part du secret dans les démocraties contemporaines ? Jean-Paul Brodeur, ancien membre de commissions d’enquête sur l’infiltration d’organisations politiques par la police, revient dans un entretien sur cette expérience d’enquêteur placé sous le regard permanent du public (p. 21-26). Ainsi, tous ces textes, comme nous le montre l’analyse d’une sombre (petite ?) affaire, aident à leur manière à comprendre les rapports de la représentation et de la dissimulation politiques (p. 43-48).