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relire la révolution iranienne, avec Olivier Roy et Michel Foucault

Les manifestations iraniennes de ces dernières semaines entretiennent un rapport paradoxal avec celles qui, voici trente ans, ont conduit au renversement du Shah et à l’instauration de la République Islamique : nouvelles révoltes prenant pour cible le régime même que les anciennes avaient porté au pouvoir, mais cristallisées autour d’un opposant, Mir Hossein Moussavi, qui fut Premier Ministre de la République naissante ; révoltes, surtout, dont l’ampleur et le répertoire d’actions (notamment l’appel au martyre) rappellent de manière troublante les événements de 1979, portant à se demander ce qui, en eux, témoignait déjà d’une mobilisation politique irréductible au pouvoir des mollahs dont ils accouchèrent finalement. Que le sens du soulèvement survenu voici trente ans ne s’épuise pas dans l’instauration de l’Etat islamique, c’est la thèse du politologue et spécialiste de l’Islam Olivier Roy, dans un article paru dans le n°29 de Vacarme qui a été récemment traduit en anglais par Truthout. Relisant les reportages consacrés, à l’époque, par Michel Foucault, O.Roy décèle dans la révolution d’hier "l’énigme d’un soulèvement" qui éclaire autrement les révoltes d’aujourd’hui : une "grève de la politique", étayée par un rituel de la manifestation ou le peuple se fait acteur, et portant une désacralisation du pouvoir contre lequel le nouveau gouvernement iranien lui-même ne sera jamais définitivement prémuni. "Le rôle que la religion a joué dans le soulèvement rend difficile la fermeture du champ politique, car le despotisme a du mal à conjurer le vide que le sacré a instauré au centre du pouvoir" (O.Roy). Vide où, peut-être, les iraniens ont courageusement tenté cette année de s’engouffrer de nouveau.