Vacarme 51 / lignes

retour au collège

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On aime rappeler à l’envi le constat de Michel Foucault suivant lequel l’école républicaine s’est construite sur le modèle de la prison. Mais on oublie souvent d’ajouter deux choses : d’abord que Foucault voyait dans ce dit modèle un désastre pensé comme tel, donc dès l’origine en réformes perpétuelles et perpétuellement impuissantes ; ensuite que le modèle de la prison n’est jamais que le modèle renversé du sanctuaire. C’est dommage car ce serait d’actualité. Jusqu’à en désespérer. Sauf à se réapproprier le débat du départ, sans souci d’être a priori trop raisonnable. Première proposition déraisonnable d’une ligne qui en aura d’autres : réintégrer les collèges dans les lycées.

Le ministre de l’Éducation nationale, Luc Chatel, l’a annoncé : il organisera les 7 et 8 avril des « états généraux de la sécurité à l’école ». Le 11 mars, a été présentée la composition du conseil scientifique chargé de l’organisation de ces deux journées : à sa tête a été désigné Éric Debarbieux, président de l’Observatoire international de la violence à l’école, une ONG qui bénéficie notamment du soutien de l’Unesco. Celui-ci s’est entouré de quatorze « experts » dont la moitié est constituée d’universitaires étrangers, membres pour la plupart de cet observatoire. En somme, il faut s’en réjouir : Luc Chatel organise pour faire la révolution un colloque en Sorbonne ! Sauf qu’hélas on ne voit pas bien ce que ces deux journées vont apporter de nouveau. Rappelons d’une part que près de dix plans depuis le début des années 1990 ont déjà été conçus. Signalons d’autre part l’article « violence scolaire » du Dictionnaire de l’éducation (PUF, 2008) rédigé justement par Éric Debarbieux et Catherine Blaya — elle est également membre du conseil scientifique des états généraux. En quelques pages, faisant la synthèse de leurs nombreux ouvrages passés, ils se livrent à une définition de la violence scolaire, en évaluent la fréquence, en mesurent les conséquences, en dégagent les causes et proposent pour conclure des pistes d’action — ce sont là les titres de leur plan détaillé. Autrement dit, tout est déjà écrit. Mais peu importe, la révolution n’a pas de prix et le sujet vaut bien la redite.

Or on s’en souvient : en 1788, les états généraux n’avaient pas eu lieu depuis 1614. On appréciera d’autant mieux l’inversion spectaculaire : des consultations, des « cahiers de doléances », des missions, il y en eut en nombre dans le passé. Quelques mois après la réforme des retraites de 2003, le « débat sur l’avenir de l’école », voulu par Luc Ferry, poursuivi par François Fillon, avait abouti à la rédaction d’un rapport sous la direction de Claude Thélot. Mais auparavant, et pour s’en tenir aux quinze dernières années, en 1994, François Bayrou, alors ministre, avait imaginé « Un nouveau contrat pour l’École » ; parallèlement s’était tenue la Commission « Pour l’école » présidée par Roger Fauroux. Puis entre 1997 et 1999, on s’était interrogé avec Claude Allègre sur « quels savoirs enseigner dans les lycées » ; dans la foulée était lancée une réflexion sur « le collège de l’an 2000 ». Depuis il y eut aussi Gilles de Robien, Xavier Darcos et dorénavant donc Luc Chatel. On peut relever plusieurs points communs à ces derniers : les décisions sont prises directement dans les cabinets (quelque part entre la rue de Varenne, Bercy et l’Élysée) et doivent permettre de faire digérer la suppression en trois ans de près de 50 000 postes ; bien que n’ayant occupé leur fonction de ministre guère plus de deux ans, ils ont multiplié les décrets d’application et directives, empilant des réformes techniques touchant aussi bien aux méthodes d’apprentissage de la lecture qu’à la carte scolaire, allant jusqu’à entreprendre une réforme du lycée — il faut lier cette dernière à la réforme des universités conduite par Valérie Pécresse ces dernières années.

Quoi qu’il en soit, à chaque fois, ce furent de nouvelles mesures à mettre en place. La raison de cette frénésie est connue. Le paradoxe est même parfaitement identifié : bien que tout le monde s’accorde à dire que le monde scolaire a profondément changé durant les trente dernières années, on désespère que l’école change ; dès lors on la réforme en permanence sans que l’efficacité de ces sentences soit jamais vraiment envisagée. L’inertie, les routines, les habitudes sont fortes et dans le même temps, nombreux sont les professeurs et parents à dire que « de leur temps », cela se passait autrement... Ce qui n’enlève rien en dernier lieu à l’impression d’acharnement thérapeutique.

Les réformes alimentent ainsi de manière congruente et selon deux fronts contradictoires l’essentiel des discours sur l’école, que l’on peut résumer cavalièrement ainsi : « les professeurs ne sont jamais contents, ils se plaignent constamment, ils ne font aucun effort, ils coûtent cher et n’ont pas de bons résultats » ; « on ne nous donne pas les moyens de travailler correctement, on ne nous considère pas (plus) à notre juste valeur, on ne peut pas résoudre les travers de la société contemporaine. » Et cela dure depuis longtemps et peut durer encore. Ces deux sensations sont devenues comme deux blocs face à face ; tout l’enjeu consiste aujourd’hui à en sortir. Pour cela, on peut essayer de repartir justement de la violence à l’école, qui est l’un des seuls terrains où ces deux camps s’articulent, se mettent à échanger.

Tout d’abord, ce sujet est aujourd’hui sans doute le seul qui donne à tous les coups de la consistance, une épaisseur immédiatement sociale aux professeurs. En répondant à ce qui semble être devenu la seule interrogation que le métier d’enseignant suscite — « Ça va, les élèves ne sont pas trop durs ? » —, ceux-ci se sentent l’étoffe du pompier. Leurs récits se nourrissent ainsi d’anecdotes un peu sensationnelles tout en prenant soin de ne pas trop en rajouter pour ne pas discréditer non plus une position d’autorité. De l’autre côté, la question vient exprimer le souci de l’interlocuteur pour un lieu dont toute personne a connu l’expérience. C’est à ce titre que le dialogue finit par se résumer le plus souvent par : « ah moi, j’adorais ma prof de français en 1e ! » C’est après que tout se complique. Car si le professeur espère alors avoir établi sa légitimité, celui qui est (futur) parent songe tout de même qu’il est impératif que son enfant échappe à ce qui semble devenu un enfer, ou pourrait l’être s’il n’y prend pas garde. Il n’en reste pas moins que la rencontre a bien eu lieu sur un constat partagé : la violence n’a pas sa place à l’école. Quand c’est Chatel qui le dit (le 1er février 2010 par exemple), cela devient : « l’école doit être un sanctuaire. » Il n’est pas le premier ministre de l’Éducation nationale à le marteler.

Ainsi, le 17 octobre 1990, Lionel Jospin, à la suite d’un viol dans l’enceinte d’un lycée, déclarait à la tribune de l’Assemblée nationale que les écoles devaient rester des lieux « où les jeunes soient le plus possible préservés des convulsions du monde extérieur. » En mai 1993, c’était au tour de François Bayrou d’affirmer que « l’école doit être un sanctuaire et cela doit se matérialiser, afin que les enfants se sentent à l’abri des menaces du monde qui les entoure. » Depuis, on ne compte plus les réitérations de ce qui est devenu un refrain entonné à peu de frais.

Si elle est invoquée de manière récurrente à la suite d’événements violents médiatisés, l’idée même du sanctuaire est en réalité indissociable du projet scolaire tel qu’il s’est institué en France sous la IIIe République. Celui-ci a été pensé alors comme devant protéger l’école des désordres et des passions du monde. La société devait s’arrêter aux portes des établissements afin que l’entreprise d’instruction puisse se dérouler dans l’harmonie et la concorde. Or plusieurs critiques ont été régulièrement portées contre la construction institutionnelle de l’école-sanctuaire.

Une première, d’ordre conjoncturel, dénonce le masque de la formule. Est pointé du doigt en effet le fait que ce sont ceux qui ont réactivé la notion au cours des années 1990 qui ont développé les partenariats avec la police afin de lutter contre la violence scolaire.

Une deuxième consiste dans la dénonciation de son impensé religieux ; la dimension sacrée que revêtirait alors l’école est reprochée comme un frein à une éducation raisonnée entendue ici par opposition à toute logique catéchétique. Corrélativement, c’est une façon de refuser d’assimiler le métier de professeur à celui de clerc : l’idée qu’il faut avoir la vocation revient à assumer une dimension sacrificielle dont les effets sont particulièrement inégaux selon les situations. Tous les professeurs n’ont pas les moyens d’étendre à l’infini le temps bénévole.

Par ailleurs, une dernière, la plus répandue au sein du discours syndical en particulier, vient rappeler que l’école est traversée par les réalités sociales et culturelles de la société et qu’il est absolument illusoire d’espérer s’en tenir à l’écart quand bien même elle serait barricadée, puisque les élèves sont aussi des « jeunes » dont une partie essentielle de la vie se dessine hors de l’école. Concrètement, c’est prendre acte que la massification scolaire a érodé les murs de la forteresse scolaire. Il semble devenu impossible en effet d’imaginer que l’école reste un vase clos, coupé de son environnement. C’est sur ce point que les analyses du sociologue François Dubet se font particulièrement fines : « Comment tenir l’autorité du sacré quand on admet, au même moment, que la liberté des individus de construire la vie qui leur semble bonne constitue une des forces motrices de la modernité, surtout quand l’école s’est faite elle-même l’agent de ses valeurs ? » (in Faits d’école, p. 132) La revendication du sanctuaire est un mot d’ordre inopérant dès lors qu’on confère à l’école un rôle social. Il y a par conséquent de nombreuses bonnes raisons de ne surtout pas faire de l’école-sanctuaire un programme politique, car il semble intrinsèquement voué à être déjoué : qu’on retourne le problème en tout sens, la société transpire de partout à l’école.

Il faudrait peut-être pourtant ne pas se débarrasser trop rapidement de l’idée, tout du moins à titre d’horizon. Un obstacle persistant existe et il n’est pas mince. C’est même sans aucun doute le point nodal : tout le monde — élèves, (futurs) professeurs, (futurs) parents, (futurs) citoyens — se retrouve un peu, certes à différents titres, dans cette représentation de l’école-sanctuaire. Ainsi les parents s’alarment que leurs enfants se retrouvent exposés à des conflits et des actes dangereux, et choisissent dès lors, quand ils le peuvent, de les soustraire à toute éventualité de violence, ce qui revient à contourner parfois l’établissement de secteur et à préférer l’entre-soi. C’est là que se constitue une sécession entre les parents qui anticipent et ceux qui ne le peuvent pas : le développement de l’école privée fait fond aujourd’hui principalement sur ce point.

Pour les professeurs (du public), l’école-sanctuaire peut être un support de projection à une requalification de leur condition. Mais également un souhait : la possibilité de leur mission s’incarne dans une suspension des inégalités sociales. Il s’agit aussi d’un outil utile pour mettre à distance les parents dont il n’est pas rare de déplorer alternativement la présence intrusive ou le désintérêt ; dans les deux cas, le professeur prend soin alors de justifier son propos par les différents effets négatifs que leur comportement ferait peser sur la scolarité de leur enfant. De plus, l’espoir du sanctuaire est volontiers mobilisé dans les établissements dont l’insertion spatiale est rendue problématique quand il est la seule manifestation d’un service public. On se dit parfois a posteriori qu’il n’est pas toujours inutile d’avoir une grille d’entrée, voire des caméras, car cela aide à déterminer le territoire de l’action scolaire, surtout quand celle-ci est parfois perturbée par un contexte extérieur où la violence, sous toutes ses formes, peut surgir de manière impromptue.

Enfin, la plupart des élèves ont intégré combien l’école était un lieu particulier ; très tôt on les familiarise à la démultiplication des normes et des obligations. Traversée de rites de part en part, l’école constitue parfois aussi leur refuge. Certains savent que là ils vont échapper à la vie environnante, voire à la leur. Et c’est pour arracher les enfants à l’emprise de la famille, de leur univers social surdéterminant, que les internats avaient été créés. Sans en appeler nécessairement au retour de l’école-caserne, ce sont souvent les mêmes qui contestent par des arguments sociaux l’idée de sanctuarisation scolaire et en appellent à une politique ambitieuse d’internat.

Il paraît en définitive littéralement impossible de se débarrasser et de congédier le devenir-sanctuaire de l’école. Si on a pu démontrer que l’école ne pouvait pas être sanctuarisée en pratique, cela ne peut rien contre les représentations, qui sont aussi des sensations permettant de construire et de justifier des choix existentiels. En d’autres termes, il s’agit d’une fiction, mais d’une fiction en partie nécessaire, en tout cas constituée. Ce n’est pas en anathématisant l’attitude des uns et des autres qu’on pourra envisager la moindre solution, car aucune position ne vaut véritablement plus qu’une autre. En la matière, oublier tout l’arsenal discursif des imaginaires, croire en la raison pure et collective du comportement de chacun est dans le système actuel se condamner à l’échec. Admettre pour commencer qu’aucune perspective de réforme effective n’aura de sens si elle ne conjoint pas l’ensemble des positions, ce devrait donc être là tout point de départ pour une politique de l’école. Tout le problème pour sortir de l’impasse est alors de dessiner une réforme dont on puisse relier les points en un cercle vertueux. Comment dès lors se sortir de l’école-sanctuaire ? En laissant le propos tout bonnement de côté mais en n’en retenant que ce qu’il révèle : face à la question de la sûreté devenue centrale, c’est bien souvent au moment du collège que se cristallisent les inquiétudes et sur lui que s’expriment les discours les plus catastrophistes. Alors que rien n’indique que le collège fonctionne plus mal que les autres niveaux, que les inégalités produites y sont plus fortes qu’ailleurs, qu’on travaille normalement dans la plupart des établissements, un préjugé, constitué depuis le cas de collèges publics « difficiles » situés pour l’essentiel en zone urbaine, est tenace : le collège apparaît comme le « maillon faible » du système, parfois même comme un coupe-gorge ! Il convient d’inventer dès lors de quoi satisfaire les croyances nécessaires pour calmer les croyances fantasmées tout en restant en prise sur le réel. Faisons un rêve donc et avançons un exemple ! On aimerait défendre ici une proposition déraisonnable qui n’a de sens en vérité et en pratique qu’au regard du système actuel tel qu’il est et tel qu’il est perçu et sans qu’elle ne soit comprise comme une règle exclusive mais à tout le moins un possible notamment là où l’on sait que la situation de certains établissements est devenue impossible. Le seul mérite à en attendre est de chercher à démontrer que pour qu’une proposition soit vivable, celle-ci doit reposer sur l’articulation constante de ces deux aspects tout autant qu’elle doit être tenable et désirable également pour tous.

Voici l’improbable proposition : pourquoi à rebours d’un processus initié il y a plus de trente ans, ne pas recréer des établissements associant collège et lycée ? Les contre-arguments sont au nombre de quatre.

Tout d’abord, il y a la faisabilité pratique du projet dans son aspect architectural et matériel. La construction nombreuse d’établissements dans les années 1980 avait pour principe leur spécialisation afin de donner forme à la réforme du « collège unique » de 1975. Le deuxième argument naît du précédent : refaire des collèges-lycées, c’est revenir sur le collège unique et courir le danger de recréer ce contre quoi le collège unique avait été conçu : un collège dissocié du lycée réservé aux élites. Le démantèlement des cités scolaires secondaires devait mettre fin au havre des privilégiés. Et c’est justement parce que le collège n’a pas réussi encore à sortir de son héritage, qu’il reste identifié comme le « maillon faible » du système. Pris dans un double blind irréductible, le collège a en charge et la scolarisation de tous et la hiérarchisation. Par ailleurs, troisième argument, à mélanger des élèves de collège-lycée, on court le risque d’exposer les « petits 6e » à la violence des plus grands sans compter sur les effets pervers du modèle du « grand frère ». Enfin, en instaurant en un lieu unique une scolarité longue de sept années, on annule ce que peut avoir de réjouissant le changement d’univers entre les classes de 3e et de 2nde. On risque d’atténuer les possibilités de concevoir l’entrée au lycée comme un nouveau départ.

On peut toutefois essayer de retourner chaque argument et en dégager du même coup les vertus. À ce qu’on sait tout d’abord, une salle de classe reste une salle de classe et il n’y a pas de difficultés insurmontables à la reconfiguration d’établissements, moyennant évidemment des aménagements afin de réserver des espaces spécifiques à chacun à même de faire cohabiter des élèves de 11 à 17 ans sans heurts — il faudrait une cour aux collégiens, un foyer aux lycéens, mais des circulations partagées et des horaires alignés à condition de la présence de surveillants. Par ailleurs, les collégiens de 4e et 3e gagneraient en perspectives. Ils ne seraient plus des grands dans l’absolu et cela déplacerait un peu le sentiment de puissance ravageur que certains collégiens imposent dans leur établissement. Mais surtout, le lycée deviendrait par la même occasion une aspiration très concrète, certains de ses espaces constituant des interdits le temps du collège ; la projection dans l’avenir gagnerait en inscription territoriale, projection plus concrète que lorsqu’on ne connaît pas les lieux. Tout cela toutefois n’a de sens qu’à partir du moment où les lycées ne sont plus spécialisés dans une filière, et c’est en cela que la polyvalence des établissements est une nécessité. Tout lycée devrait dans la mesure du possible s’ouvrir aux filières générale, technologique et professionnelle afin que ne s’incarne pas dans l’espace une hiérarchisation particulièrement désastreuse pour des établissements professionnels, qui sont le lieu principal des tensions à ce niveau et dont on ne peut que regretter l’existence par défaut. Il est toujours préférable que la mixité se négocie à l’échelle interne d’un établissement qu’entre eux : la concurrence sinon ne fait que s’accentuer. Par ailleurs, il ne paraît en aucun cas impossible à un élève d’imaginer chaque nouvelle année comme un nouveau départ : le changement des professeurs, des emplois du temps, des méthodes de travail font parfois autant qu’un changement d’établissement. Et rien ne devrait empêcher d’en changer ! En outre, s’inquiéter de la reconstitution d’établissements qui renoueraient avec le passé élitaire du collège ne tient tout simplement pas : la massification a eu lieu et l’on ne peut revenir dessus. Par là, on atténuerait peut-être les effets de contournement des collèges publics en faisant en sorte qu’aux yeux des parents les collèges ne deviennent pas des charbons ardents où rien n’est désirable. C’est à ce niveau en effet que le choix du privé se fait le plus massif. Enfin, pour les professeurs, cela offrirait la possibilité de varier les plaisirs. Tout du moins cela redonnerait sans doute de l’appétit à de nombreux professeurs de collège qui se sentant abandonnés pourraient s’aérer auprès de lycéens, quand les professeurs de lycée pourraient ne pas orienter leur travail dans le seul objectif du baccalauréat (sans compter l’allègement des copies !). De plus, à enseigner tout à la fois en collège et en lycée, on aurait des professeurs qui pourraient mobiliser l’énergie que requièrent des collégiens sans s’y épuiser. Car à de rares exceptions près, au bout de quelques années au contact de préadolescents à l’énergie débordante et parfois sacrément stimulante, les professeurs de collège ne souhaitent plus qu’une chose : quitter le collège, un établissement où bien souvent ils ont été affectés en début de carrière et sans expérience aucune. En retour si les professeurs conservaient le goût de transmettre, les élèves ne perdraient pas le goût d’apprendre.

Pour conclure, l’urgence aujourd’hui n’est pas tant de réformer le lycée que d’oser une redéfinition politique du projet du collège, dont il faut affirmer la spécificité et se souvenir en même temps qu’il n’est quasiment plus jamais une fin de parcours mais une étape obligée. C’est là sans doute que la révolution est à attendre. Il y a bien eu la mise en place de nouveaux programmes, d’un socle commun. Mais on peut douter de leur portée et de leur capacité de transformation. Enfin, le plus décisif serait de se prémunir de tout ce qui peut séparer l’école de la politique, c’est-à-dire de chercher à constituer une politique de l’école qui fasse autant crédit du réel que des fictions et des désirs, qui ne réduise pas l’école au pire : dépolitiser l’espace même de l’école, c’est se résoudre à la plus mauvaise éducation.