Vacarme 55 / Nancy Fraser

Devenir pairs entretien avec Nancy Fraser

Aux États-Unis, Nancy Fraser est une figure intellectuelle incontournable. Ses très nombreux textes sont abondamment commentés, discutés, diffusés. En France, ses lecteurs demeurent rares en dehors des spécialistes de philosophie politique américaine. C’est que peu de ses travaux ont été traduits jusqu’à présent en français. Un recueil d’articles intitulé Qu’est-ce que la justice sociale. Reconnaissance et redistribution, a bien paru à La Découverte en 2005 mais, rapidement épuisé, il a fallu attendre ce printemps pour qu’il soit réédité. Cet ouvrage a toutefois ouvert une première porte et a permis de mesurer combien toute une tradition critique de la théorie sociale, née en Europe, est restée vivace outre-Atlantique, en particulier au sein de la New School for Social Research de New York où Nancy Fraser enseigne.

Vacarme avait ainsi bien des raisons de la rencontrer : son travail résonne et nous parle au-delà de ce qu’on imaginait. Et en premier lieu parce que c’est depuis son militantisme que se sont noués son analyse politique et son travail intellectuel : engagée au cours des années 1960 dans l’un des groupes inspirateurs de la nouvelle gauche américaine, Students for a Democratic Society, elle incarne l’histoire de l’alliance des mouvements sociaux et des combats pour l’égale liberté de tous. Elle s’en souvient sans nostalgie, ce qui lui permet de mesurer avec finesse les changements, les victoires et les défaites que nous avons connus, tout en nous offrant de nous orienter collectivement dans la pensée.

Par ailleurs, elle revendique et met en pratique une démarche radicalement totalisante et interdisciplinaire, pour des motifs plus politiques que philosophiques. Elle ne s’interdit aucune discipline : histoire, droit, géographie, sociologie, anthropologie, économie. L’ensemble des sciences sociales est convoqué. On pourrait craindre les approximations, mais elle les déjoue par son souci de traquer la dialectique des fausses antithèses. Le dialogue qu’elle mène avec les pensées amies et ennemies donne dès lors une grande ampleur à ses réflexions, une ampleur qui n’a pour limites que celles de la mise à l’épreuve permanente. Les évolutions qu’elle apporte à sa théorie de la justice témoignent du refus de se fossiliser dans ses certitudes.

C’est pourquoi, nous avons parlé ensemble de ce qui la distingue de Judith Butler. Nous avons aussi parlé de la notion de « reconnaissance » car Nancy Fraser a mis en livre son différend avec Axel Honneth à ce sujet, dans la grande tradition des controverses intellectuelles publiques. Et puis nous avons également évoqué la théorie des « capabilités » développée par Armatya Sen et la critique du contrat social par la philosophe féministe Carole Pateman.

Si l’horizon de toute bonne politique peut se définir comme celui de la justice sociale, la cartographie des thèmes chers à Nancy Fraser est aussi immense que le monde, espace dont elle rappelle qu’il nous oblige à déborder les frontières nationales, à configurer de nouvelles échelles d’action. Autour de son méridien origine constitué par le concept de « parité de participation », elle refuse les lignes parallèles pour penser plutôt l’émancipation conjointe des minorités : son œuvre leur donne une armature théorique et pratique pour aujourd’hui et demain.

En somme, à lire et suivre la pensée de Nancy Fraser, on retrouve cette formule précieuse : « Ce n’est qu’un début, continuons le combat. »

Pourriez-vous décrire votre généalogie intellectuelle ?

Ma formation a été double, à la fois militante et savante. Tout d’abord, je suis de la « génération 1968 » et me suis constituée à travers le mouvement des droits civiques. Ce combat a été d’autant plus important que j’ai grandi à Baltimore, qui n’est qu’à une cinquantaine de kilomètres au nord de Washington D.C., mais est déjà, d’un point de vue culturel, une ville du Sud, où la ségrégation raciale est très forte. L’expérience de cette lutte a été décisive, de même que mon militantisme comme membre de Students for a Democratic Society (SDS), qui n’était au départ qu’un tout petit groupe d’étudiants, mais fut l’une des premières organisations à dénoncer l’intervention américaine au Vietnam en 1963. Le mouvement a pris de l’ampleur dans les années 1965-69, et il est alors devenu l’un des principaux porte-parole de la nouvelle gauche étudiante. Cet engagement a tracé ma voie politique. Par moments, j’ai même songé à quitter totalement l’université. Toutefois au cours des années 1970, il y a eu aux États-Unis, comme partout à cette époque, une crise du militantisme. On avait cru pouvoir changer les choses très vite, mais évidemment, cela n’a pas été le cas. Dans ce contexte, certains mouvements, auxquels je ne participais pas, ont commencé à utiliser la violence comme moyen d’action politique. Cela a été pour moi un signal : il me fallait une période de réflexion alors que la société changeait très vite. J’ai donc cherché un autre moyen de vivre et de penser : j’ai choisi l’université à temps plein. Cela dit, j’ai continué d’avoir ce mouvement de balancier permanent entre les deux univers. Ma formation plus strictement intellectuelle n’est pas d’ailleurs restée étanche au militantisme.

J’ai fait mon premier cycle universitaire au Bryn Mawr College de Philadelphie, connu pour ses liens avec les mouvements féministes. Puis j’ai continué à la City University of New York où j’ai fait mon doctorat. J’avais commencé par étudier la philosophie classique : au départ, j’avais même l’intention de me spécialiser dans la philosophie gréco-latine ! Mais l’impératif politique a été plus fort. Je me suis alors tournée vers la philosophie allemande — Hegel, Marx — et toute la tradition du western marxism, en particulier l’École de Francfort. Au cours de mes études doctorales, les premiers livres de Foucault ont été traduits et m’ont beaucoup marquée : j’y ai consacré mes premiers articles. J’ai aussi été très influencée par la pensée de Richard Rorty qui a explosé la philosophie analytique de l’intérieur ; celle-ci dominait, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale au moins, le champ de la philosophie américaine, notamment à travers le travail de formalisation logique du langage de Bertrand Russel. Par conséquent, on ne donnait pas de place à ceux qui s’intéressaient à la pensée européenne : en philosophie politique par exemple, il n’y en avait que pour John Rawls et Robert Nozick. Être curieux d’Habermas ou de Foucault était « mal vu ». Rorty, bien que faisant lui aussi du langage la norme de notre rationalité, s’est efforcé de dépasser les clivages, en assumant notamment l’héritage du pragmatisme de John Dewey. Beaucoup de gens de ma génération se sont sentis subitement libérés. En somme, je me situe au croisement de tous ces courants. J’avais pourtant l’impression que chacun d’eux, tout en étant très riche, conservait des points aveugles — du point de vue du genre, notamment.

Je me définis ainsi comme une philosophe sociale et politique : je cherche à comprendre la société, ses mécanismes de domination, ses inégalités et injustices, ses tensions et lignes de conflit tout en réfléchissant aux formes contemporaines des luttes pour le changement. Autrement dit, tout en établissant un diagnostic du présent, du Zeitgeist, mon ambition est de parvenir à fixer un sens pratique aux orientations collectives. Pour cela, mon expérience militante est déterminante : j’ai toujours tenu à appréhender la situation dans sa globalité.

Comment envisagez-vous rétrospectivement l’évolution des mouvements auxquels vous avez participé ?

Dans les années 1960, le combat pour la démocratie sociale était prédominant, de même que s’imposait avec évidence l’existence de l’État-providence. Cela constituait un cadre déterminant : l’accent était alors mis sur les inégalités sociales et économiques, essentiellement envisagées à travers le schéma marxiste de la lutte des classes. Les mouvements des années 1960-1970 ont ensuite été marqués par l’ouverture des revendications à d’autres dimensions de l’injustice, de la domination et de l’oppression comme les questions « raciales », de genre, et de sexualité. Mais les années passant, ce développement, a priori très émancipateur, des luttes pour la reconnaissance, s’est écarté de l’imaginaire redistributif de la démocratie sociale, incarné par l’État-providence : on est ainsi passé d’un paradigme économique à un paradigme culturel. Le tournant a eu lieu aux États-Unis dans les années 1980-1990 et la gauche américaine s’est divisée entre deux courants.

Mais il est important d’inscrire ces divisions dans le cadre de changements plus larges : on était en train — et on y est encore — de vivre une « grande transformation » du capitalisme, que l’on qualifie dorénavant de « néolibéral » ou « postfordiste ». Les bouleversements ont été multiples : ils ont concerné particulièrement le monde du travail avec l’entrée massive des femmes dans le salariat et la précarisation de ses conditions ; il y a eu des changements dans l’ordre du genre et des modifications dans les flux migratoires. On a assisté aussi au démantèlement des structures financières mondiales mises en place par les accords de Bretton Woods. À la transnationalisation de la finance, de la production, et même de la gouvernance, il faut également ajouter la décolonisation, ainsi que la reconfiguration de l’espace politique mondial à la fin de la Guerre froide. Et enfin l’apparition des nouvelles technologies. Je vous donne une liste en désordre, mais ce sont des choses qu’il faut concevoir comme un ensemble dessinant notre constellation contemporaine. Et il me semble que toute initiative intellectuelle, politique, critique, doit se situer dans la compréhension générale de cette situation. C’est important de saisir quelles en sont les forces, les tendances afin de toujours pouvoir anticiper la façon dont les actions et revendications peuvent être récupérées et détournées par le camp adverse.

Judith Butler vous a reproché de réinstituer une distinction entre matériel et culturel en élaborant votre pensée autour du dilemme redistribution versus reconnaissance. Comment lui avez-vous répondu ?

Dans les sociétés capitalistes d’aujourd’hui, il existe une sphère économique institutionnalisée, différenciée, qui fonctionne avec ses propres règles, des règles qui ne sont pas celles des sphères quotidiennes, culturelles, étatiques. Dire cela ne revient pas à instituer une distinction matérielle/culturelle. J’emploie d’ailleurs l’adjectif « économique » plutôt que « matériel » parce que le culturel est aussi matériel : il peut avoir des effets sur le corps, par exemple. On peut dire en tout cas que l’économie est une sphère d’action qui existe dans la réalité, mais elle renvoie aussi à un travail idéologique dans la mesure où, fruit d’un travail politique, elle est souvent perçue comme indépendante de la sphère de pouvoir. Il me semble très important de cerner toujours au plus près, le plus finement, les différenciations.

Vous avez eu aussi autour de la distinction entre reconnaissance et redistribution une controverse avec le philosophe allemand Axel Honneth. Pourriez-vous revenir sur ce débat ? Qu’est-ce qui vous a opposés ?

Il faut d’abord dire que nous avons un point commun : quand la plupart des gens formés dans la tradition de Francfort se spécialisent dans la philosophie morale, la philosophie du droit, une « branche » de la philosophie, nous partageons le projet d’une théorie sociale à grande échelle et totalisante, fondée sur une approche pluridisciplinaire. Il y a cependant deux différences d’importance entre nous : l’une sur le plan de la théorie sociale, l’autre sur le plan de la philosophie morale.

Honneth conçoit la société comme un « ordre de reconnaissance », c’est-à-dire qu’il considère qu’il y a une structure de reconnaissance au fondement de la société. Or, je suis plutôt wébérienne, dans le sens où je pense que l’ordre de la reconnaissance n’est qu’une structure parmi d’autres. Je conserve en effet l’idée marxiste d’une structure économique. En cela, toutes les formes de domination et d’injustice ne dérivent pas d’une intersubjectivité.

On peut dire qu’il y a deux dimensions : celle de l’ordre de la reconnaissance ancrée dans l’intersubjectivité, et celle qui n’est pas intersubjective, comme par exemple, le marché qui opère dans le dos des gens. Il est vrai que le marché institutionnalise les cadres et les hiérarchies de valeur, mais ce n’est toutefois pas la reconnaissance qui domine principalement. Et par conséquent, deux ordres de domination sont absolument structurants dans notre ­société : celui des classes et celui du statut, celui de la redistribution et celui de la reconnaissance, celui de l’économie politique et celui de l’intersubjectivité. Aucun ne se réduit à l’autre : il faut comprendre les deux dans leur interaction. C’est pourquoi on n’a pas à choisir dans les luttes entre répartition et reconnaissance. C’est l’une et l’autre.

Par ailleurs, sur le plan moral, je pose un modèle tout à fait différent de celui d’Honneth pour comprendre la reconnaissance. Chez lui, comme chez Charles Taylor, c’est une affaire d’identité, ce qui peut conduire à une politique très identitaire. Or à mon avis, il est plus juste de penser la reconnaissance comme une affaire de statut. C’est-à-dire qu’il importe de comprendre comment l’ordre de la reconnaissance, les hiérarchies des valeurs institutionnalisées dans la société, empêchent certaines personnes d’y participer pleinement.

Il y a enfin un autre élément. D’un point de vue moral, ce qui est important, c’est que la justice soit distributive ou reconnaissante d’une même façon. C’est-à-dire que ce n’est pas une question de « réalisation de soi ». Pour Honneth, les personnes défavorisées non reconnues sont des personnes qui souffrent dans leur relation à elle-même. Cette approche centrée sur des questions d’organisation psychique, intérieure, a beaucoup de limites. On se porte mieux pour des raisons multiples ! La justice se fonde sur les relations sociales, et non strictement sur les relations d’intégrité du sujet.

Qu’est-ce qui vous pose fondamentalement problème avec cette manière d’appréhender les injustices ou la justice ?

Une philosophie centrée sur une conception de l’intégrité subjective psychique est en soi problématique. Comment, en effet, fonder une conception normative de ce qu’est une « bonne vie », d’une vie qui permet de se réaliser pleinement ? Le développement d’une anthropologie philosophique, d’une théorie de la nature humaine, de l’être psychique comme chez Marx, est aujourd’hui impossible : on n’a plus de point d’Archimède. On est dans un monde du pluralisme éthique où les gens ont des idées différentes sur ce qui constitue une « bonne vie ». Et je crois que les philosophes, en tant que philosophes, ne peuvent répondre à cette importante question. Il vaut mieux selon moi comprendre comment penser la justice d’une façon qui laisse de côté ces questions, et qui vise à imaginer une société où les gens peuvent eux-mêmes en débattre.

Est-ce qu’il y a dans votre refus de la « réalisation de soi », la crainte qu’elle puisse être récupérée par le néolibéralisme ?

Tout peut être récupéré par le néolibéralisme ! Je dirais qu’il y a une double menace qui pèse sur la justice, pour les mouvements émancipateurs et pour ceux qui luttent. C’est d’un côté le néolibéralisme et de l’autre toutes les formes intégristes du nationalisme, de la religion… La « réalisation de soi » participe avant tout de cette seconde menace. Les formes du fondamentalisme religieux et pas seulement musulman, mais aussi chrétien, juif, projettent une vision forte et sectaire de la « vie bonne ». Le néolibéralisme est au contraire plutôt diffuseur d’une idée de liberté individuelle, de créativité. Il y a bien là-dedans des valeurs de « réalisation de soi », mais elles sont diffusées sous une forme individualiste par opposition à la vision plus corporatiste, holiste, collective des formes nationalistes ou religieuses. C’est néanmoins une double menace et il faut comprendre comment les deux coexistent, voire se renforcent l’une l’autre. Les fondamentalistes peuvent très bien faire du business avec le néolibéralisme, même si cela a l’air contradictoire. Je tiens toutefois, bien sûr, à la tradition du libéralisme égalitaire. Il est injuste de forcer un individu à rester dans une communauté.

C’est pour cela que vous avez développé l’idée de « parité de participation », qui semble à certains égards faire écho à la théorie d’Armatya Sen et à sa notion de « capabilité ». Quels sont vos points de convergence et de divergence ?

Il y a bien sûr des rapports. C’est quelques années après avoir développé cette idée de « parité de participation » que je me suis rendu compte que cela faisait partie de la famille des théories de « capabilité ». Il y a une différence importante toutefois. Pour Sen, la capabilité est celle des individus à fonctionner : « qu’est-ce que vous, en tant qu’individu, pouvez faire ? » Or, selon moi, la question centrale n’est pas tant l’agir que l’interagir. C’est une « grammaire » plus sociale : ce qu’on peut faire comme individu est très étroitement lié, déterminé, influencé, par les structures d’interaction sociale. Mais je partage l’avis de Sen qu’il s’agit au fond d’une question de fairness, d’équité.

Selon moi, l’idée clé de la justice est que les institutions, les structures, la société doivent être établies afin de permettre à tout le monde de participer en tant que « pair » et c’est le statut de pair qui doit être objet de la reconnaissance, et non l’identité. Il y a ainsi dans la « parité politique » à la française quelque chose qui m’inquiète, même s’il s’agit d’une avancée. Premièrement, la parité ne peut être une affaire de chiffres. Elle ne doit pas se réduire à une loi exigeant que les femmes figurent pour moitié sur les listes électorales. C’est plutôt un état qualitatif : être pair, être à égalité, des chiffres ne peuvent le garantir. Je m’inquiète par ailleurs de son aspect philosophiquement essen­tialiste : il n’y aurait que deux catégories pour définir les êtres humains, faisant ainsi écran à toutes les multiplicités. De plus, apparemment, la plupart des partis préfèrent payer qu’inscrire des femmes sur les listes. Et puis je m’interroge un peu sur les conséquences : mesure-t-on assez les effets sur la représentation et l’inclusion d’autres catégories de personnes sous-représentées — comme les immigrés d’Afrique du Nord, les musulmans ? On ne peut pas isoler la question du genre des autres axes d’inégalités.

Je suis pour que la représentation politique reflète au mieux la société. Que très peu de femmes, de musulmans, de gens de couleur siègent au Parlement et au gouvernement, c’est un problème. Mais il n’est pas simple à régler. La philosophe anglaise Ann Philipps a réfléchi à la distinction entre politique de la présence et politique des idées. Que préférons-nous ? Quelqu’un qui nous ressemble physiquement, culturellement ? Ou quelqu’un qui partage nos idées politiques ? C’est un dilemme. Auparavant, la gauche s’intéressait à la représentation par l’idée. Maintenant on voit aussi l’importance de cette question de la présence. C’est un peu comme avec la redistribution et la reconnaissance. On ne peut pas substituer l’une à l’autre. Peut-être les féministes françaises pensaient-elles au début que les femmes, en tant que femmes, feraient de la politique différemment. Sauf que ce n’est pas vrai. Il existe des féministes à droite : aux États-Unis nous avons Sarah Palin et l’on ne peut pas lui refuser le qualificatif de « féministe ». Aussi face au féminisme de droite a-t-il fallu repenser toutes les questions de représentation.

Les « féministes » françaises se sont divisées ces dernières années sur la question du port du foulard dans le cadre des établissements scolaires. Certaines avancent l’argu­ment du pragmatisme de la loi, face à un islamisme qui impose aux femmes des pratiques et des conduites ; selon elles, la loi donne un signe fort. Le risque est alors que l’argument féministe soit instrumentalisé par le pouvoir pour justifier son islamophobie, ce qui a suscité la mobilisation d’une autre partie des féministes opposées à cette manipulation. À leur suite on peut souligner le fait que vouloir libérer une minorité discriminée en la réprimant est en soit aberrant. Mais, si l’on vous suit, on peut aussi poser les choses en termes d’égalité d’accès. Est-ce une façon de proposer une politique d’émancipation de portée universelle ?

Même si les enjeux sont tout à fait différents, j’ai l’impression qu’on peut faire une analogie avec la politique de l’avortement aux États-Unis. Dans les deux cas, la question occupe tout l’espace — suck up all the oxygen, comme on dit en anglais — et il devient impossible de parler d’autre chose. On a construit un amalgame : aux États-Unis, le féminisme, c’est la question de l’avortement ; ici, c’est devenu la question du foulard.
En premier lieu, il faut discuter du symbole. Le foulard a un sens plurivoque et signifie plusieurs choses en même temps. L’idée qu’il se réduirait à la patriarchie est fausse. On peut développer toute une analyse qui rendrait visible les significations multiples et contextuelles du foulard. Par exemple, le foulard peut symboliser les efforts des jeunes filles, souvent des familles immigrées, pour avoir une place dans la société française, pour devenir des acteurs politiques. Deuxièmement, si l’on veut vraiment exclure tout symbole du patriarcat dans les écoles, il y aurait plein d’autres choses que l’on pourrait exclure… Je préfère donc ne rien exclure du tout !

Or, avec cette loi sur le foulard en France, c’est la fille qui porte le voile qui se trouve empêchée d’aller à l’école, et c’est un problème. La question de l’accès, de l’égalité de participation, est essentielle. Le pragmatisme des féministes auxquelles vous faites référence, et qui soutiennent la loi, est différent du mien. De mon point de vue, il appartient aux individus de choisir les moyens par lesquels mener leur « vie bonne », dès lors que ces moyens ne limitent pas la liberté des autres. Il s’agit d’un enjeu de justice. Or la justice ne se définit pas par la représentation qu’on peut se faire d’une bonne vie, mais par la possibilité qu’ont les individus de participer à l’interaction sociale, à égalité avec les autres. C’est pourquoi je m’appuie sur une formule de la justice qui la définit en tant que parité de participation, une norme qui tend à l’universalité, à la fois parce qu’elle s’adresse à l’ensemble des individus adultes et parce qu’elle présuppose leur égale valeur morale.

Certaines personnes n’acceptent pas cette proposition : des racistes, des défenseurs du patriarcat qui considèrent que certaines personnes ne doivent pas participer pleinement à la vie politique, aux affaires, etc. Il est important de construire des argumentaires contre eux. Maintenant, il s’agit de savoir comment mettre en application cette parité de participation. Toute sorte de questions se posent au cas par cas, pour chaque réforme proposée ou revendication. Le genre, la race, le sexe, la classe sont des axes d’injustices qui se croisent et se combinent. Il faut prendre en compte ces intersections parce qu’une action destinée à établir la parité ou à diminuer la disparité selon un axe d’oppression, peut dans son application avoir pour effet de l’accroître selon un autre axe. La définition même de ce que signifie la participation, qui peut être interprétée différemment selon le contexte — participation à quoi ? — doit être examinée. Il n’y a pas une métrique théorique qui résolve a priori cette complexité. Reste que je pense qu’il faut partir de cette question de parité de participation pour discuter de la justice et pour traiter des situations d’injustice.

Est-ce que pour vous la parité de participation peut se résumer à ce que l’on appelle la démocratie participative ? Dans les deux cas, il est question de renforcer l’implication des citoyens pour faire face à la crise de la démocratie. Ou peut-on voir dans cette théorie de la parité de participation une proposition de méthode, en plus d’un horizon à atteindre ?

La démocratie participative renvoie aux années 1960. C’était une notion centrale du « Port Huron Statement », le document fondateur de Students for a Democratic Society. Je ne connais pas les débats contemporains en France sur le sujet, mais par principe, je suis pour. Cela dit, je suis sans doute un peu old fashion car je tiens à insister sur l’égalité sociale comme condition indispensable d’une vraie démocratie, et je m’inquiète de ce que ces aspects soient souvent absents des discussions sur la démocratie. Bien sûr, pratiquement, on ne peut pas décréter les conditions sociales de la démocratie ; des formes de pratiques démocratiques qui se développent dans une société qui ne l’est pas peuvent contribuer à modifier les conditions sociales et favoriser plus de démocratie de façon à convertir un cercle vicieux en une spirale vertueuse. Mais j’ai l’impression que l’accent mis actuellement sur la notion de démocratie joue bien souvent comme une diversion à l’égard du problème des inégalités sociales.

Dans vos travaux récents, vous avez utilisé la notion difficile à traduire d’abnormal justice. En quoi constitue-t-elle un pas de plus dans votre théorie ?

Thomas Kuhn ou encore Richard Rorty distinguent, en philosophie, discours normal et discours anormal. Un discours « normal », c’est un discours qui repose sur un principe de base, une « norme » partagée. À l’inverse, les discours qui n’ont pas un tel cadre d’assomptions partagées, où les paramètres du discours sont en débat, sont des discours « a-normaux ». J’ai adapté cette distinction au discours public sur la justice. Cela nous offre un diagnostic de notre temps. Et l’on voit ainsi que la justice normale est une anomalie historique. On peut distinguer des périodes courtes dans l’histoire des pays occidentaux, comme l’époque de la démocratie sociale, de l’État-providence après-guerre, qui constituent des moments pendant lesquels s’impose un discours normal sur la justice. Ceux qui prennent part au débat public, quand bien même ils peuvent s’opposer vigoureusement les uns aux autres, partagent un certain nombre de présuppositions sur ce à quoi ressemble une revendication de justice intelligible, des personnes en position d’en produire, des organismes ou autorités en situation d’y répondre, des divisions sociales sur lesquelles se fonde l’injustice. Ainsi, durant cette période de l’État-providence, lorsque l’on parlait de justice, il était avant tout question de distribution. Le cadre dans lequel on s’inscrivait était celui de l’État-nation, d’un cadre westphalien ; les sujets étaient nos concitoyens. Le débat, constitué à partir d’un ensemble de principes organisateurs partagés, correspondait ainsi à un discours normal. Depuis, cela a explosé et nous sommes à présent dans un contexte tout à fait différent. Aujourd’hui par exemple, dans le cas d’une question comme celle des immigrés musulmans en France, il est difficile de déterminer s’il s’agit d’une question de distribution, de travail, d’intégration économique et sociale, de reconnaissance par rapport à une religion, à une identité. Il n’y a pas de consensus sur ce qui constitue le terrain de l’injustice, sur le cadre du débat : plusieurs conflits sont imbriqués. Ce sont ces conflits où les interlocuteurs ne partagent pas les mêmes assomptions de base que j’appelle la « justice a-normale ». Nombre des discours de justice aujourd’hui sont a-normaux. L’Europe est en la matière un cas très intéressant : quel est le point de vue pour penser cette question ? Est-ce celui des citoyens français ? De même pour les subventions agricoles : elles protègent les agriculteurs français, qui bloquent les importations, mais cela nuit aux fermiers des pays pauvres : quelle perspective adopter ? Ce changement d’un discours normal à un discours a-normal sur les questions de justice ouvre des problèmes très intéressants intellectuellement et politiquement.

Comment y articulez-vous la question des représentations ?

Il y a quelques années, j’ai révisé ma théorie de la justice : d’une conception bidimensionnelle fondée sur les notions de reconnaissance et de redistribution, je suis passée à une théorie tridimensionnelle. Je suis convaincue que les politiques — c’est-à-dire à la fois les institutions formelles et la façon dont s’organisent les voix dans l’espace public (qui détient la voix ?) — sont de deux natures : l’enjeu est tout à la fois celui de la représentation formelle, institutionnelle comme la parité, et celui des déterminismes symboliques dans les prises de parole publique, qu’évoque la problématique bourdieusienne. Je pense que ce double sens du politique constitue une troisième dimension irréductible.

Les années récentes m’ont donc convaincue qu’il fallait prendre en compte la question du « cadrage ». Nous sommes beaucoup plus sensibles au fait que l’État-nation ne va pas de soi comme « cadre » pour penser la justice. Beaucoup de questions traversent les frontières étatiques, ne peuvent pas être pensées dans un cadre national. J’essaie donc de voir théoriquement comment « cadrer » la justice. Il s’agit d’une question métapolitique, c’est-à-dire qui implique de comprendre les aspects juridictionnels d’une communauté politique. Cette question est devenue urgente dans le contexte de la mondialisation.

Comment penser les normes du droit à l’échelle internationale ? Comment penser une justice transnationale efficace ? Comment votre théorie de la justice peut-elle se redéployer à l’échelle transnationale ?

Certaines questions ne peuvent pas être régulées autrement qu’au niveau global ; je pense aux questions environnementales — le réchauffement climatique par exemple, ou la régulation financière, et naturellement les guerres, les crimes contre l’humanité. Il faut absolument des pouvoirs publics constitués démocratiquement, qui peuvent être tenus pour responsables, et des institutions juridiques capables de sanctionner les coupables. La façon dont ces instances fonctionnent actuellement n’est pas satisfaisante. On a affaire à une justice des vainqueurs. Des procès sont intentés aux dictateurs de petits pays en développement, mais jamais à Dick Cheney. Les pouvoirs d’application des sanctions n’existent pas.

Ceci pose la question des sphères publiques transnationales. Quels sont, en terme pratique, selon-vous, les moyens, les armes, pour constituer ces sphères par-delà l’État-nation ?

Ceci relève à nouveau de la question de la démocratie. Dans la théorie habermasienne, la fonction de la sphère publique était d’assurer une veille sur le pouvoir de l’État. La question aujourd’hui est de savoir comment cela fonctionne vis-à-vis du pouvoir tel qu’il s’exerce actuellement. S’agit-il du pouvoir d’un État ? Du pouvoir des entreprises multinationales dont certaines sont plus puissantes que certains États ? Que penser des structures de gouvernance internationales ou transnationales qui surgissent très rapidement et qui sont très peu connues comme l’accord de l’OMC sur la propriété intellectuelle, TRIPS, ou l’accord sur la contrefaçon ACTA (Anti Counterfeiting Trade Agreement) [1] ? Chez Habermas, la cartographie était très simple : on avait un État, les citoyens, les journaux, le public national, les problèmes nationaux, le langage national, etc. Aujourd’hui les choses sont beaucoup plus compliquées. Il est fondamental que les mouvements transnationaux soient des contre-pouvoirs. Ils ne peuvent produire d’effets que s’il existe des pouvoirs souverains institutionnalisés susceptibles d’être contraints à agir en fonction de l’intérêt général. En l’absence de transformation institutionnelle majeure, ni les mouvements sociaux transnationaux ni les espaces publics transnationaux ne peuvent donc assumer les fonctions émancipatrices de démocratisation qui sont la raison d’être de la théorie de l’espace public.

Quels seraient dès lors aujourd’hui les terrains à investir pour travailler à l’émancipation ?

Ceci m’amène à vous parler de ce qui m’occupe actuellement et qui concerne l’absence d’horizon totalisant dans les mouvements activistes. Ce travail s’inscrit dans la continuation de celui de Karl Polanyi, que je trouve très stimulant pour penser le présent. Dans son livre La Grande Transformation [2], on trouve une idée très prometteuse pour nous aujourd’hui. Selon Polanyi, trois éléments forment l’arrière-plan de n’importe quelle société, de n’importe quelle économie : la nature (il dit : la terre), le travail et l’argent, entendu comme médium d’échange, mais aussi comme outil de valorisation permettant de conserver la valeur dans le temps. Selon lui, lorsque ces trois éléments — qui forment les conditions de possibilité de la production de marchandises — deviennent eux-mêmes des marchandises, le capitalisme se trouve en position de détruire ses conditions de possibilité. Ceci prend une résonance particulière aujourd’hui puisque ces trois éléments sont au cœur de la crise que nous traversons : la nature, le travail, la finance. Ils sont marchandisés d’une façon bien plus agressive que Polanyi ne pouvait l’imaginer, et sont chacun devenus objet de luttes. C’est pourquoi je voudrais utiliser le schéma de Polanyi pour analyser ce qui se produit actuellement.

Mais je souhaite également introduire une approche féministe dans ce schéma. Pour Polanyi, la marchandisation du travail repose sur une division entre, d’une part, le travail marchandisé et, d’autre part, le travail de la reproduction sociale. Or, on assiste aujourd’hui à la marchandisation du travail de reproduction sociale. Ainsi, l’arrière-plan non marchandisé du travail marchandisé est en train lui-même d’être marchandisé.

Le care est un de ces aspects du travail qui appartient en général à la sphère privée et qui est de plus en plus marchandisé. Or c’est un travail associé au féminin. Comment serait-il possible de corriger cette situation ? Pourquoi la thèse ­développée par Carole Pateman sur le refoulement du contrat sexuel dans le contrat social ne vous convainc-t-elle pas [3] ?

La thèse principale de cet ouvrage est la suivante : le passage de l’ordre ancien fondé sur le statut à une société moderne fondée sur les théories du contrat n’a pas marqué la fin du patriarcat. Carole Pateman entendait montrer ainsi combien le contrat social s’est élaboré sur un contrat « sexuel » qui, via le partage entre sphère privée et sphère publique, a fondé la liberté des hommes sur la domination des femmes. La thèse est forte, mais elle manque de clarté. Une équivoque n’est jamais levée : Carole Pateman ne dit jamais si le contrat est un modèle imaginaire ou s’il s’agit d’une structure qui organise réellement la société. Elle n’est pas loin de tomber ainsi dans une forme d’essentialisme textuel où la réalité sociale et politique n’est saisie qu’au prisme exclusif et déformant des textes classiques de Rousseau et Locke. De plus, l’équation entre contrat et patriarcat qu’elle pose laisse de côté les formes de domination qui ne passent pas directement par le contrat. La domination masculine ne peut pas se résumer à une « dialectique du maître et de l’esclave » : elle est plus que cela. Elle prend en effet des formes bien différentes de la dialectique mari-femme. La critique des formes traditionnelles de domination masculine doit être liée à une critique de ses formes plus anonymes, plus structurelles.

On ne devrait pas en tout cas avoir un groupe de spécialistes du care : celui-ci doit être assumé par les hommes et les femmes. De la même façon qu’on ne devrait pas avoir un groupe de gens en charge de gouverner la planète. Je ne crois pas que la marchandisation soit toujours ennemie de l’émancipation. Je ne suis pas contre la marchandisation du care en général — ce serait une position réactionnaire —, mais je pense qu’une partie ne doit pas être marchandisée et que le care doit être partagé entre plusieurs institutions, la sphère publique, la société civile, les institutions de l’État-providence. Aux États-Unis, beaucoup d’États ont adopté la mother pension, ce qui serait une bonne chose si cela ne renforçait pas la division du travail en fonction du genre. Demandons-nous plutôt par quoi remplacer le « salaire familial », alors que l’idéologie néolibérale est parvenue à s’approprier la critique féministe. Car les propositions pour corriger les modèles androcentriques ont eu des implications économiques qui ont pu nuire à certaines femmes. Ainsi en est-il aux États-Unis des réformes du divorce qui ont introduit le consentement mutuel : si ces réformes ont incontestablement amélioré le statut juridique des femmes, elles ont aussi été préjudiciables à certaines d’entre elles sur un plan économique. Il faut penser de manière intégrée, dans des campagnes pour l’équité salariale, à la fois la redistribution des revenus entre les hommes et femmes, et la transformation des modèles reflétant la hiérarchie des sexes. Seule une approche qui corrige la dépréciation culturelle du « féminin » au sein de l’économie et ailleurs entraînera une répartition et une reconnaissance dignes ce nom.

Quel est aujourd’hui votre regard sur les mouvements féministes et plus largement les mouvements sociaux ?

Je dirais qu’il n’y a plus vraiment de mouvement féministe actuellement aux États-Unis. L’action féministe a pris la forme d’un groupe d’intérêt : elle est très institutionnalisée, dans toutes les sphères, professionnelles, politiques, etc. Du point de vue de son fonctionnement, elle ne se distingue pas d’autres groupes d’intérêts qui font du lobbying, du bargaining… Ce n’est plus un mouvement.

Nous sommes à l’âge des ONG. C’est la forme que prend l’action collective actuellement. De plus en plus de jeunes activistes s’orientent vers cette sphère non lucrative. C’est une façon de faire de la politique différente de celle qui prédominait lorsque j’étais pleinement militante. La mobilisation pour des combats spécifiques est symptomatique de ce changement. Les militants se spécialisent. Le champ activiste s’organise différemment, mais il me semble qu’une chose fait défaut.

Il y a quelques années, j’ai assisté à un colloque à Berlin dans lequel Eric J. Hobsbawm intervenait. Le colloque portait sur la question de savoir si le stalinisme était pire que le nazisme. Les critiques s’exprimaient contre le stalinisme, le léninisme, le parti communiste, le centralisme démocratique. À un moment donné, Hobsbawm s’est levé et a dit qu’il pensait que toutes ces critiques étaient valables, mais qu’une question demeurait, celle de l’organisation. La question est toujours valide aujourd’hui car je pense que cette action des ONG ne donne pas de réponse viable. Je me suis beaucoup intéressée au Forum social mondial, qui représente une tentative pour rassembler les gens de façon non léniniste, et coordonner une mobilisation sur des thèmes politiques communs. C’est une tentative importante, et qui se réclame de la démocratie participative, mais si l’on veut sérieusement transformer la société de façon radicale, les formes d’activisme dont on dispose aujourd’hui ne suffisent pas, je pense. Il n’y a pas d’autre issue que de penser en totalité, pour les énoncer, les conditions d’opération au sein des institutions de pouvoir transnationales, afin d’en modifier les rapports. Pour moi c’est une nécessité d’un point de vue théorique comme d’un point de vue activiste.

Post-scriptum

quelques livres de Nancy Fraser

  • Qu’est-ce que la justice sociale, Paris, La Découverte, 2005 (réédition en poche en 2011). Traduction, introduction et postface par Estelle Ferrarese. La Découverte prévoit la traduction en 2012 de plusieurs ouvrages, notamment celui en cours d’écriture intitulé Abnormal justice.
  • Scales of Justice : Reimagining Political Space in a Globalizing World, Columbia University Press, 2008.
  • avec Axel Honneth, Redistribution or Recognition ? A Political-Philosophical Exchange, Verso, 2003.
  • Justice Interruptus : Critical Reflections on the « Postsocialist » Condition, Routledge, 1997.
  • avec Seyla Benhabib, Judith Butler et Drucilla Cornell, Feminist Contentions : A Philosophical Exchange, Routledge, 1994.

Merci à Françoise Milewski

Notes

[1Les détenteurs de droits de propriété intellectuelle utilisent cet accord comme nouveau véhicule pour accroître leurs droits et définir des normes internationales, mais cela n’est pas adossé à une agence des Nations unies.

[2L’ouvrage, publié en 1944, est une étude du capitalisme du XVIIIe siècle jusqu’à la Seconde Guerre mondiale ; il s’agissait notamment pour l’économiste hongrois Karl Polanyi (1886-1964) de comprendre les crises des années 1930.

[3Carole Pateman, Le Contrat sexuel, La Découverte, coll. Genre & sexualité, 2010 (1e édition en 1988).