Vacarme 55 / Cahier

Surpr!ze

par

Jeudi 10 février 2011, 22:06:10

CherEs amiEs,

J’ai beaucoup fait pour la fête légale récemment. Aux côtés de mes camarades militants et de mes camarades tout court, nous avons notamment défendu un nombre important de lieux parisiens qui, pour la plupart, le méritent largement. Nous avons aussi soutenu des organisateurs, des artistes et des techniciens, bref tout un tas de gens évoluant dans le merveilleux cadre de la législation en vigueur.

Fort bien ! mais convenons-en : ledit cadre qui nous sied parfaitement au quotidien nous serre parfois un peu derrière les coudes et sous les épaules. Ce qui est très désagréable quand on danse. Loin de moi pourtant l’idée d’organiser des fêtes de bandits ou même de franchir allègrement la ligne jaune de la franche illégalité car je suis à mon corps défendant un fieffé social-démocrate et j’emmerde ceux qui disent social-traître au fond de la salle.

Mais il se trouve qu’entre le légal et l’illégal, s’épanouit l’univers magique de la démerdouillerie-à-la-va-comme-je-te-pousse-qui-fait-beaucoup-de-bien-à-tout-le-monde. Et ça, on adore.

La fête en question aura donc lieu dans un lieu secret mais on vous dit quand même qu’il est dans le 8ème arrondissement de Paris (et pas le 8 de plouc genre Opéra ou Champs Elysées), qu’il est sur plusieurs niveaux, qu’il est privé, éphémère... et juste sublime. J’aimerais vous en dire plus mais, primo, ce serait moins marrant, deuxio, ça vous gâcherait le plaisir de le découvrir avec vos yeux.

Pour la musique, on a juste réuni le meilleur de la scène parisienne car ce sont nos amiEs et du coup, si tout se passe bien, tout le monde sera là : les pédés, les gouines, les hétéros, le lambda, la hype et les freaks.

On dévoilera le lieu genre la veille par cette même news et par Facebook.

Éric

UNE CHOSE SUPER IMPORTANTE ET SÉRIEUSE :

IL N’Y AURA PAS DE VENTE DE BILLETS SUR PLACE
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Dimanche 13 février 2011 02:40:01

La liberté n’est pas dans l’air du temps… ceci est une annulation

Le lieu dans lequel devait se dérouler la Surpr !ze était un lieu d’occupation éphémère, autrement dit, un squat. Ce squat a été évacué le vendredi 11 février au matin par la maréchaussée et la fête n’aura donc pas lieu. Il s’agissait d’un immeuble de 6 étages situé au 12 rue Royale, entre la Concorde et la Madeleine. Cet immeuble était vide depuis 15 ans. Le propriétaire, dont on ne connaît pas l’identité, avait visiblement le projet d’y implanter un grand espace destiné au commerce de luxe comme il est de bon ton de le faire dans ces quartiers. Et puis, allez savoir, il avait abandonné l’idée et abandonné l’immeuble pendant, redisons le chiffre, 15 ans.

L’occupation était pacifique, bien gérée, les personnes qui l’avaient ouvert avait remis l’eau, l’électricité, y avaient fait d’importants travaux pour sécuriser l’endroit. Ils n’avaient pas d’autres projets que d’y réaliser des événements libres pour répondre à l’envie (au besoin ?) d’une frange de la population qui a du mal avec le cadre étroit de l’offre culturelle nocturne instituée. Une métropole comme Paris a besoin de ce type de lieux comme elle a besoin de lieux de loisirs et de cultures plus conventionnels. Les squats sont essentiels dans l’histoire des cultures alternatives et rappelons que celles-ci sont bien souvent les racines de pans entiers des cultures populaires. Fermer les squats est donc toujours un acte anti-culturel fort et la vivacité de certaines villes ne s’en est jamais remise. Je pense à Genève qui a connu une période d’émulation incroyable dans les années 1990 avant de sombrer à nouveau dans l’apathie bancaire et la loose chocolatée.

Hasard du calendrier (ou pas), la loi Loppsi 2 sur la sécurité avait été adoptée par le parlement le mardi de cette même semaine. Celle-ci comporte un volet anti-squat important qui est en fait une extension des mesures à l’encontre des personnes occupant des terrains illégalement, c’est-à-dire contre les gens du voyage. Désormais, un préfet pourra décider d’évacuer n’importe quel occupant sans titre sans décision de justice en arguant d’un problème de sécurité ou de salubrité qu’il sera seul à apprécier. Cette même loi introduit même des sanctions contre les squatteurs qui peuvent aller jusqu’à un an de prison et 15 000 € d’amende. Autrement dit, ça ne va pas trop s’arranger.

Je ne vais pas rentrer dans les débats sur le logement qui pourtant me tiennent à cœur parce que j’ai pas mal travaillé sur le sujet il y a quelques années. Mais ce que je veux redire ici c’est que la question des espaces d’expression et de rencontre est, elle aussi, cruciale. Nous devons, collectivement, porter la nécessité de l’existence de ces lieux.

Cette fête, dont nous voulions qu’elle soit belle, incomparable, magique, libre, impertinente et sexy n’aura donc pas lieu. J’en suis le premier désolé, vous vous en doutez, parce qu’elle nous avait demandé beaucoup de travail mais aussi parce que j’avais senti chez tout le monde (artistes et public) un vent d’excitation comme ça faisait longtemps que je n’en avais pas humé.

Mais, plutôt que de chouiner, je veux faire le vœu que cette déception soit un moteur. Un moteur pour bricoler en rêve les moments encore plus fous que nous ferons avancer demain.

Et je vous jure que je ne dis pas ça en l’air.

Des bises,

Éric

PS : les gens qui avaient déjà acheté des préventes seront évidemment remboursés par Digitick ou Toolbox

Post-scriptum

DJ, organisateur de soirées, ancien disquaire, Eric Labbé est surtout un activiste de la nuit qui s’est fait connaître en lançant avec Matthieu Jaussaud la pétition « Paris : quand la nuit meurt en silence » en 2009, puis les Nuits Capitales en 2010.