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« A Touch of Sin », le nouveau film de Jia Zhang-ke

« A Touch of Sin », le nouveau film de Jia Zhang-ke

A Touch of Sin de Jia Zhang-ke, qui a reçu le Prix du scénario au dernier festival de Cannes, est enfin visible au cinéma. Regard sans concession sur la Chine d’aujourd’hui, ce film articule fiction et documentaire avec grand art. La sortie de son film est l’occasion de relire l’entretien qu’il avait accordé à Vacarme.

Jia Zhang-ke est sans conteste l’un des cinéastes essentiels d’aujourd’hui. Son dernier film vient le montrer une nouvelle fois. Tissant quatre histoires entre elles, il dessine le portrait en noir de la Chine contemporaine : prostitution, Sida, exploitation ouvrière, corruption, violence sociale, migrations forcées, pas un seul des sujets que le pouvoir en place entend recouvrir de sa chape de plomb n’est oublié. À l’origine il y a des faits divers passés de ces dix dernières années — les suicides d’employés de Foxconn (le sous-traitant d’Apple), le meurtre du dirigeant peu recommandable d’une chambre de commerce local. Autant de révélateurs d’un pays à la dérive où les trajectoires singulières des individus se sont brisées. Dans le sang.

Retournant aussi bien sur les lieux de ces films précédents — à Chongqing avec le barrage des Trois Gorges — qu’en explorant de nouveau — la zone économique spéciale de Dongguan — Jia Zhang-ke ne cache pas ses partis-pris à couteaux tirés. Mais au-delà de la charge critique, on y retrouve ce qui fait la puissance visuelle de tous ces précédents films : dépassant la vieille opposition entre formalisme et réalisme, chaque plan, chaque cadre, chaque acteur est un monde, le film oscillant lui-même entre le film de justicier et de combat, le film fantastique, le drame sentimental, bref au-delà de tous les genres.

C’est déjà un peu de tout cela dont il était question dans l’entretien réalisé à l’occasion de la rétrospective au Festival international du film de La Roche-sur-Yon à l’automne 2011. Et parce que Jia Zhang-ke n’hésite pas à invoquer le confucianisme et ses préceptes d’empathie et de compassion, on ne peut que renvoyer au grand entretien que nous avions publié avec l’historienne Anne Cheng. Car que ce soit au cinéma ou à la lecture des travaux indispensables de la professeure d’histoire intellectuelle de la Chine au Collège de France, les ponts et allers-retours sont nombreux.