Vacarme 27 / Cahier

Can’t put your arms around it Johnny Thunders, 1963-1991

par

J’y suis allé et ce n’était pas
comme j’avais prévu, tant de fois
les bus m’avaient laissé dans les rues occupé
à trouver si une route habite quelque part. Les immeubles
changeaient d’adresse aussi vite que de façade
quand les nouveaux gestionnaires publiaient des arrêtés
relatifs aux limites des trottoirs. Tous les matins
les portes s’ouvraient et James allait travailler
pour oublier ce qu’il n’avait jamais su, et si ça signifiait
moins de rires éteints, néanmoins j’ai
vu d’autres poissons voler, tels des poèmes
dans des pièces pleines de marteaux.
Chaque rêve pourrait faire monter son contraire
ainsi dire «  oui  » pour un «  non  »
mais pas exactement l’inverse. Une multitude
de styles voulaient entrer au club, et pourquoi pas,
la mort et les journées n’étant jamais particulières
ni les réponses appropriées. La procession
des tramways et des désirs, embourbés malgré la
clameur, disait qu’au moment même où tu sens
qu’il n’y a rien à dire, un nouvel angle d’attaque
fait craquer les chaînes. Bien sûr les pigeons
approchaient, et les vieux amis prenaient plus de coups
que de génie. Mais on pouvait s’en sortir
à la manière de l’air, quand il rabat la fumée
sur le trafic.
Ce qui était censé arriver sur le papier, hormis le fait
des instants qui trébuchent, ou du langage qui a perdu
ce qu’il a jamais possédé, je laisse la syntaxe
se tordre et vaciller dans la nuit, source
de déplacement, parfois saisie au bond,
et si le ciel titube, qu’il en soit ainsi.
Il y avait des ordonnances et des avis, au cœur des groupes
et des mots d’ordre, des citations, des loteries et des fuites.
Serait-il aujourd’hui démodé
de se pointer avec une seule chaussure ; aussi pourquoi ne pas en porter trois
et tout rater d’un coup. Johnny Thunders est arrivé
à New York en tombant. Sa guitare était si approximative
que tout le monde a écouté, et la mort de sa colère
n’a servi à rien, pas plus qu’une épopée ou une pilule,
mais toute la nuit on a remis le disque.

Post-scriptum

Mark Wallace vit à Washington, DC, où il enseigne à l’Université. Il est l’auteur de plus de dix livres de poésie, dont Temporary Worker Rides A Subway (Green Integer Books) qui a reçu le Gertrude Stein Poetry Award en 2002. Il est également éditeur, critique et romancier.

Traduit de l’américain par Juliette Valéry.