Vacarme 27 / Cahier

Cut up

Sur un mur

« La recherche est fondamentale »
– Banderole accrochée aux murs de l’Institut Curie, à Paris / mars 2004

Mardi 9 mars 2004, jour de bouclage de Vacarme, 14 heures. Plus de deux mille directeurs d’unité ou de laboratoire de la recherche publique viennent de rendre publique la démission de leurs fonctions administratives. Le conflit s’ouvre vraiment. On y revient.

Sept avril

L’histoire offre parfois de troublantes coïncidences. Arrêté le 10 février, Cesare Battisti a été remis en liberté sous contrôle judiciaire le 4 mars. Pour ses avocats, Mes Terrel et De Felice, c’est déjà « une première victoire du droit contre la raison d’État », en attendant le 7 avril prochain. Car ce jour-là, la Chambre d’Instruction de la Cour d’Appel de Paris rendra un avis sur la nouvelle demande d’extradition formulée par l’Italie – la précédente a été déboutée en 1991 – à l’encontre de Cesare Battisti, condamné pour des faits datant des années 70. Or ce 7 avril en rappelle un autre.

Ce même jour, il y a vingt-cinq ans, la police italienne lançait dans tout le pays une gigantesque opération, souvent nommée « rafle du 7 avril », où furent arrêtés les intellectuels et leaders politiques de ce qu’on appelait alors le movimento. À cette occasion, Toni Negri, Oreste Scalzone et bien d’autres furent incarcérés : on les accusait d’être les têtes pensantes du mouvement armé qui s’était développé pendant toute la deuxième moitié des années 1970 – période de violence politique diffuse, commise autant par des groupes d’extrême-gauche que par des groupes d’extrême-droite, auxquels se mêlaient certains services spéciaux des forces de l’ordre.

La rafle du 7 avril 1979 mettait en application les lois spéciales votées quelques mois plus tôt, notamment pendant l’enlèvement d’Aldo Moro. La participation à des manifestations interdites, ou tout fait dit de « subversion contre l’État », devenaient passibles de dizaines d’années de prison : l’État italien venait de mettre en branle une justice politique implacable, tendant à criminaliser tout l’espace politique situé à la gauche du mouvement ouvrier traditionnel. Ce qui explique d’ailleurs que les tribunaux français aient systématiquement rendu des avis défavorables aux demandes d’extradition des réfugiés italiens, considérant que leurs condamnations avaient été prononcées sans toutes les garanties juridiques nécessaires. En 1985, le président de la République énonçait en outre à la tribune du congrès de la Ligue des Droits de l’Homme ce qu’on appellera la « doctrine Mitterrand » : la France n’extraderait pas ceux qui ont « rompu avec la “machine infernale” de la violence armée ». Le 7 avril prochain, il faut donc que Cesare Battisti reste en France, libre.

Olivier Doubre

Glissements

Le rapport publié par l’INSERM le 26 février dernier sur le sujet des psychothérapies (jugé « douteux » par Le Monde, Libération et Le Figaro), conclut à l’inefficacité de la psychanalyse, repoussée au rang de vieillerie impuissante et dépassée – les chiffres des experts sont là pour le prouver.

Deux soirs de suite, sur Arte, Heinz Bennent prêtait son visage et sa très belle présence à Freud. Le film de Benoît Jacquot mettait en scène Freud à la fin de sa vie, qu’une femme, « la princesse Marie » (Catherine Deneuve) sauve in extremis du nazisme. En 1896, Freud invente la psychanalyse. Sa découverte, de l’inconscient, et la théorie qu’il élabore, en rupture avec toutes celles de son époque, va modifier de fond en comble tout l’abord de l’être humain. C’est une révolution d’un genre inédit : celle d’une recherche où la rigueur et l’audace s’allient à la plus grande délicatesse. Freud se penche sur les dires de femmes hystériques, enfermées, dites folles, ne recule devant rien, ouvre une place inédite à la souffrance, accueille l’inguérissable, l’inclassable, l’immonde, découvre le nouage fondamental de l’être à la sexualité, invente une science, la psychanalyse, qui se fonde sur la psyché, sur l’unique, le singulier, l’exception. Depuis Freud, puis avec Lacan, la clinique analytique n’a cessé de s’appuyer sur une éthique du singulier, de veiller à ce que la tentation universalisante du discours scientifique ne se referme pas sur le sujet, de maintenir un entrebâillement où accueillir ce reste, ce rebut, qu’aucun modèle anatomo-
clinique ne résout, qui ne se laisse ni évaluer, ni réduire à un résultat, ni saisir par une expertise (et laquelle ?).

L’efficacité — dont la psychanalyse contrairement aux TCC (thérapies cognitivo-comportementalistes) serait dépourvue — s’appuie sur le principe de comparaison. L’invention de Freud c’est celle d’une place où abriter l’incomparable de l’être.

Ariane Chottin

sens de la pente

« Évolution du nombre de postes au capes externe [de philosophie] depuis 1993 : 300, 300, 280, 240, 180, 130, 60 (Claude Allègre), 50 (idem), 53, 60, 60... 38 cette année. Il n’y a pas eu aussi peu de postes depuis la toute fin des années 1970 (il était alors question de supprimer l’enseignement philosophique en lycée) ; au-delà, il faut remonter aux années 1960 ».

Pierre Arighi, « Lettre à ceux qui aiment la philosophie », extraits / fin janvier 2004

banquise

Mercredi 3 mars, à 14h15 GMT, Severny Polious 32 (SP-32) a été presque entièrement engloutie. SP-32 était une station de recherche météorologique dérivante, installée sur un morceau de banquise qui a parcouru 2750 km en neuf mois, et qui s’est rompue alors que l’installation venait de franchir le 84ème parallèle nord. Elle étudiait notamment les changements climatiques au Pôle Nord – champ d’études abandonné depuis douze ans – où la température moyenne de l’air a augmenté d’entre 1,5 et 2 degrés celsius depuis 1950. Le 6 mars, l’expédition se trouvait à 700 kilomètres du Pôle Nord géographique, dans le bassin de Nansen, entre le Groenland et la terre François-Joseph, selon les coordonnées fournies par les gardes-frontières. Elle attendait les secours.

Lu sur le web, source AFP / 6 mars 2004

la formule

Le calcul de l’indemnité journalière imaginé par la Coordination des intermittents et précaires d’Île-de-France repose sur un critère redistributif et réintroduit un SMIC journalier pour tous. Il répond à une exigence de répartition plus juste des allocations sur un principe mutualiste et réduit les écarts entre faibles et fortes indemnités.