Chinese whispers
par John Ashbery
mordred
À présent je n’ai ni avant ni arrière.Je suis comme certaines personnesqui ne vous disent jamais comment elles sontet pourtant vous savez à quel point elles sont comme vous et elles.
J’étais d’une sagesse surnaturellemais c’était le printemps, il n’y avait personne pour se soucier ni pour faire.C’était le printemps et les jets d’arrosage fonctionnaient.
Baie, enfoncement, rochers visqueuxqui sont le plaisir de quelqu’un. Des plaisirs que ne s’en vont pasmais ne restent pas tout à fait,ne restent pas comme ils auraient dû être.J’en ai attrapé un avec des ailes,je l’ai regardé droit dans les yeux :Quelle est votre hypothèse ? Oh, moi j’aime juste continuer à vivre,le reste ne m’importe pas tant que ça,pas du tout, si vous voulez.Mais si, dis-je. Alors, eh bien, c’est comme une clairièredans l’obscurité qu’on ne voit pas. L’obscurité est faite pour nous tous.Nous nous y habituons. Puis le jour revient.C’est ce que je veux dire lorsque je parle de vivrecela pourrait continuer, prendre une autre direction,mais non, c’est ici, plus ou moins.Il faut le défendre, puis il se bat pour vous,mais ce n’est pas nécessaire. De toutes façons il continuera de vivre.Dites si ça ne vous ennuie pas je fatigue.
Mais il y a encore une dernière chose qu’il me faut savoir à ton sujet.Te souviens-tu d’une forge à minuitautour de laquelle rôdaient des fantômes de lépreux, qui avaient été forgeronsà une époque qui persistait à rester indéfinie, et puis tu faisais comme ça ?Tu te souviens comme le marteau tombait lentementemportant toute cette chanson avec toi.Tu te souviens de la musique des chevaux de traitqu’ils ne pouvaient faire que contre un mur.D’accord, combien cela te coûte-t-il, alors ?Tu étais écolier, à présent tu as dépassé l’âge mûr,et le grand dessin ne s’est pas produit.
Je vois que je dois partir.Tout ce que j’aime, c’est vivre,je n’aime que vivre.Il faudra qu’un jour tu me parles de tes intentions,mais pour l’instant je dois rester sur cette voie rapideau cas où les provisions arriveraientdont je n’ai pas besoin, étant un être vivant et qui respire.Mais je t’ai demandé des nouvelles de ton chapeau.Ah oui eh bien c’est important d’avoir un chapeau.
l’américain
C’est ennuyeux, sans réalisme. Une non-couleur. À quelleabsence de forme sommes-nous engagés ? Comme j’y suisattaché souffla le pensionnaire pensifaccroupi parmi les lilas, hésitant, comme la viande aime le sel.De telles scènes ne sont pas rares dans cetunivers de genièvre décent, ce tas de fumier dont la diaboliquepuanteur pille toutes les insertions d’un journal tenable.
Pourquoi les appeler des pierres ?Échanger et tricher sont en quelque sorte une œuvre d’amourpour toutes les personnes concernées. Je cherche un sensau compte rendu mais en général je me fais refouler,comme le linge roussi hurle après la note d’ornementation d’intriguede la planche à repasser. Tôt ou tardnous les envoyons promener, et ils nous quittent – c’estsimple à ce point ? Tu n’adores pas ? Demande plus tard si nousétions aimés, nous et eux. Quelqu’un doit le savoir. Dans 150, 160 ansils seront nos débiteurs, c’est sûr. Et le fait de ne pas savoir ceque veulent ces autres était une petite minute, tout le temps.L’étagère est annulée
de l’Adriatique à l’Antarctique, mes pas jettentdes ombres prodigieusement longues, bien qu’il ne t’appartienne pas de le macérer.Ou de la mastiquer. Moi, qui ai matricé, j’étais peut-êtreappelé à être un amant pour toià travers les hublots de la tempête toujours rugissante – chéri, nous sommesici parce qu’il nous a demandé d’attendre encore un peu.
bénie soit la porte de sortie
Ceux qui étaient les plus proches en étaient loin.L’inconnu se pencha vers eux ;puis ce fut l’après-après-midi. Oui, c’est Va-vite qui l’a construit.Il y en a beaucoup dans la vieille ville.
De fil en aiguilletu m’as donné toutes sortes de cadeaux de fourrure, tu sais.C’était bon de revenir. Les distributeurs de chewing-gum meublentle style de vie austère de la bibliothèque.
Tu ne peux pas concurrencer ce quela voiture dit à son propriétaire. Un par un tu es mortelsi l’idée-charnière a du succèset si c’est à nous qu’on attribue nos paroles.
Ils pensaient que la chance était la plus belle chose au monde.Ils avaient raison. Tandis que la roue agrippe,d’autres inspirations la cloutent.
On n’avait jamais vu une année pareille pour les impôts.Roosevelt annonça un grand programme de travaux publicsqu’il fallait bien financer d’une manière ou d’une autre.Inévitablement, on le fit avec des impôts.
Tout comme, lorsqu’un rouge-gorge chante, il y a quelqu’un pour l’entendre.On colla du calicot sur le trou de souris.Que faisons-nous dans un théâtre se demandaplus d’un. Les feuilles s’enfuyaient comme des actions à la baisse.
extrait du journal d’une taupe
Insérer de force son propre hommage à la hargne est pour lui une autre forme de vie. Quelque chose est alors sorti de nous. Dans l’aube païenne, trois ours polaires se tiennent dans la révélation en jus de raisin du ciel volumétrique.
« Il est temps d’aller à la maison pensive. »
Peut-être ne vous amèneront-ils pas ici, peut-être ne vous amèneront-ils pas là, peut-être ne vous amèneront-ils pas partout, mais ils vous amèneront quelque part. Pourtant, la proposition n’est pas arrivée jusqu’au vote,n’a pas été soumise au vote. Tu en vois le réalisme ? Non, bien entendu, parce qu’il s’y trouve encore quelque chose, quelque chose pour tout remplacer d’un seul bloc. Pour le déversoir : ses crimes sont superbes mais ne comptent pas pour le moment.
Plus tard nous lui en ferons rendre compte. Lorsque cela s’apaisera. C’est-à-dire tout.
Juste une larme de lait, merci. Ne crois pas ce torchon. Il a insinué que nous avons été des adolescents autrefois, que le sexe nous est passé dessus comme une avalanche de boue, en rugissant, puis nous a laissés. Nous étions perdus. Si perdus en fait que sa mère ne m’a pas reconnu avant que je ne sorte vers elle, et elle me connut et n’eut pas peur, en fait fut contente, de l’arc-en-ciel tardif dans sa mousse de nuages posée au-dessus de la bassine. Puis je lui ai fait envoyer un chandail prérétréci et demandé s’il y avait autre chose. « Rien, une brise fraîche. » Tout de même, les feuilles sont endormies. Les ours font comme s’il n’y avait personne. Elle se recroqueville dans le nid du courlis, pleurant sur ses œufs d’or. Il a fallu la cruauté de siècles de conflit animal pour nous mener tout juste avant cela, et toi, pourquoi as-tu fait ?
Oh, je suppose que je ne compte pas pour beaucoup. Si c’est tout, je vais y aller. À la boîte dans laquelle est cachée une écriture cruelle, trop dense pour que tu puisses la déchiffrer, trop désolée pour qu’un monde la démaille pour le moment, mais comme ils disent je vais te faire un procès. Alors vraiment ça ira jusqu’à Noël je pourrai le supporter, gringalet, je continuerai de m’épanouir dans ma boîte, inconscient des choses que les païens endormis disent de nous, content de m’affaler, de replier le haut-de-forme, jardin fait et je suis crevé et j’aspire à prendre mon souffle. Entre donc. Qu’est-ce que ce monde.
vue de Delft
L’après-midi est lente, plus lente, toujours plus lenteavant qu’on en arrive à l’arrêt completbien avant que quiconque ne s’en soit rendu compte.Seul un très léger pincement dans l’airfait que ces bourgeois se rendent compteque leur temps passe aussi, et encore, par à-coups.
Va entasser ces briques là-bas.Regarde ce que fait le cheval.Tout autour de toi attend.À présent, on s’est excusé de lui.Le ciel porte un doigt à ses lèvres.Les projections les plus optimistes confirmentla théorie de la fuite. On anticipeune nouvelle baisse de température. Tout cela concerne l’immobilité,non ? Cela, et rester en contact avecune impression flottante de soi-même :soi-même à quinze ans, de sortie le soirou à une fête pendant la journée.Bien sûr, je savais tout le temps que c’était moi.
Puis les éternuements se levèrent pour partir.
Post-scriptum
Traduit de l’américain par Anne Talvaz