7 jours bruitistes aux Buttes Chaumont

Cinquième jour, toujours dans l’ancienne petite ceinture : vendredi

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La cinquième journée d’écoute a été imaginée par un de mes amis qui, apprenti cinéaste, s’interroge, lui aussi, sur la pratique du découpage et la question de l’écoute située. Cet ami, musicien, nourrit une passion de longue date pour une toile d’Olle Bonniér, Plingeling. Sur fond blanc, une constellation de particules colorées semble en expansion. Pour ne pas déplaire à Morton Feldman – qui préférait la peinture abstraite à la musique – cette toile est aussi une partition pour contrebasse et deux tubas (il existe aussi une version pour piano et saxophone baryton) : l’ensemble des points colorés correspond à un système de notation dont le déchiffrage est laissé à la discrétion des trois interprètes.

Joe Williamson, Per-Åke Holmlander et Mats Äleklint interprètent « Plingeling » au Moderna Museet de Stokholm en 2012.

L’idée de mon ami consiste à jouer cette pièce de manière itinérante et d’observer (toujours par le truchement du microphone) ce que l’interprétation fait à l’espace sonore. Tubiste, il fait appel à deux de ses camarades, tubiste et bassiste, pour mener à bien l’expérience. Nous voilà tous les trois à nouveau sur l’ancienne petite ceinture, munis d’un micro, de deux tubas et d’une basse acoustique, à tenter de transcrire en son la partition d’Olle Bonniér. En réécoutant, je comprends que mes camarades interprètent la pièce de mémoire, en traduisant en petites cellules rythmiques et notes parcimonieuses les points colorés de la toile. Plus le temps passe, plus mes camarades espacent leurs notes, selon le principe de la toile. À mesure que nous avançons, ils accordent le tempo de leur jeu sur le rythme de nos pas qui devient, dans mon enregistrement, un métronome de fortune. Ce concert improvisé et itinérant éveille, le long de notre parcours, les oiseaux qui occupent la petite ceinture ; à chaque salve de notes des pépiements se font entendre. Plus les notes s’espacent, et plus le chant des oiseaux occupe l’espace sonore et trouve une place importante dans la performance. En appliquant la méthode de Brian Eno, je finis par trouver cohérent l’échange qui se construit entre les oiseaux et le trio et j’oublie la nature des différents instruments : cordes, cuivres et becs de corne, c’est tout un sur la bande enregistrée.