Une bonne nouvelle

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Du plus noir de l’été est venue une bonne nouvelle. Même une nouvelle assez extraordinaire qui redonne énergie et confiance en l’avenir, dans les générations qui viennent, même dans le présent. Une sorte d’aller simple vers le bonheur. Elle n’est certes pas venue de Terre sainte, cela fait bien longtemps qu’aucune bonne nouvelle ne nous parvient plus de ce site ravagé par la colonisation, la haine et la violence. Elle vient encore moins de Mésopotamie, ni de Syrie ni d’Irak, où il y aurait plutôt de quoi désespérer s’il n’y avait cette bonne nouvelle. Elle ne vient pas de l’Orient en général — demandez donc aux Érythréens réfugiés en Égypte ce qu’ils en pensent, de leur nouveau refuge. Elle ne vient pas non plus d’Occident. D’abord, parce qu’entre Obama qui ne nous promet que plus de drones, plus d’attentats ciblés, plus de muscles et de forces, et Poutine tout occupé à la réinvention de la tyrannie et de l’expansionnisme grand-russiens, il n’y a guère de quoi se réjouir. Et ensuite, parce que l’Occident comme l’Orient n’existent plus depuis des lustres dans un monde mondialisé, et cela aussi est une bonne nouvelle, mais de très faible ampleur par rapport à celle qui nous occupe présentement. Ne parlons même pas de la France et de son gouvernement tout occupé à réhabiliter la notion qu’on croyait un peu passée, un peu simpliste, de « social-traître ». Même pas de l’Europe malade d’austérité et de replis nationaux. Sauf peut-être de l’Écosse. Elle aurait pu venir de l’Écosse cette bonne nouvelle : oui à l’Europe, non au libéralisme anglais, pour sauver le Welfare State et un modèle de société un peu plus solidaire, ce n’était pas mal, cela donnait un peu de cœur à l’ouvrage. Mais elle n’est pas venue d’Écosse. Et pas davantage d’Afrique, ni d’Asie, ni d’Océanie, ni de l’Amérique du Sud, ni de l’Antarctique, ni de l’Arctique où la banquise continue à fondre et refondre.

Non, elle est venue d’ailleurs, mais elle s’adressait à toutes et tous. Elle disait aux pessimistes de ne pas trop jubiler, qu’ils n’avaient choisi après tout que la voie de la facilité et du renoncement, qu’on triomphe trop facilement de la nature humaine et que vitupérer l’époque est toujours répétitif et emmerdant. Elle disait aux désespérés : là où il n’y a pas d’espoir, il n’y a pas de désespoir. Elle disait aux apeurés : même pas peur. Elle disait aux abouliques : ne rien faire, quel filon. Elle disait aux optimistes : heureux les simples d’esprit, et aux ultimes ravis de la crèche : ravis les ravis. Elle parlait aux majorités et elle parlait aux minorités, disant à tous : patience et longueur de temps… Elle n’oubliait pas non plus les bourreaux exceptionnels, et les racistes communs, susurrant à l’oreille de chacun : tu trembles, carcasse, mais tu tremblerais davantage si tu savais où je te mène. Elle avait même un mot pour les tièdes qu’elle se gardait étrangement de vomir.

Elle disait aux apeurés : même pas peur. Elle disait aux abouliques : ne rien faire, quel filon.

Et dans le détail alors, que disait-elle ? Dans le détail, elle annonçait effectivement quelque chose d’extraordinaire. Plusieurs choses même, qu’il faudrait pouvoir raconter une à une. Tout le problème est qu’un tel récit ne pourrait constituer qu’un nouvel, cinquième ou énième, Évangile. C’est cela que veut dire evangélion en grec : bonne nouvelle. Or veut-on d’un nouvel Évangile ? Très vite, il se répandrait en démultipliant autour de lui de nouvelles cohortes de prêtres, commentateurs, théologiens, illuminés, enragés, hérétiques, et autour d’eux tout un nouveau cortège de querelles, anathèmes, martyrs et bûchers. Veut-on le retour des ariens et des pélagiens, des nestoriens et des monophysites, des iconodules et des iconoclastes, des orthodoxes et des papistes, des cathares et des vaudois, des réformés et des apostoliques, des baptistes et des anabaptistes ? Non. Alors gardons son site et son message scellés, à jamais déchiffrables. Mais la bonne nouvelle n’en est pas moins là et il y a de quoi se réjouir, tout de suite, sans attendre.