Vacarme 69 / Indéchiffrables

Écritures

par

Entre 1989 et 1991, Michel Behagle (1958-2007) entreprend la réalisation d’un ensemble d’acryliques sur papier auquel il donne pour titre de travail Écritures. De cet ensemble, il ne semble survivre dans les archives en cours de classement du peintre que six planches et un dossier préparatoire purement documentaire collectant en particulier un ensemble de fac-similés de manuscrits de Mallarmé, Artaud, Barthes et quelques autres. Les six Écritures connues donnent toutes à voir l’imitation du « tremblement » d’une graphie clairement identifiable mais indéchiffrable, soit parce que les lettres demeurent illisibles, soit parce que, lisibles dans leur mise bout à bout, elles consignent des mots inintelligibles. Ce que le peintre propose ainsi au regardeur, par projection, touche au léger vertige d’un trouble de la reconnaissance, d’abord parce qu’avec la réduction au ductus une épaisse vitre passe entre le geste zébré par la pensée dit « écriture » (le ductus) et ce qui de cette pensée s’y incarne. Ensuite parce que les Écritures inscrivent des marques nettement reconnaissables mais qui ne sont pas de la main qui les identifie.

Pour le reste, il semble que Michel Behagle, en plus d’« écrire » avec outil et médium de peintre, ne copiait pas selon les techniques de l’anamorphose. Il regardait, faisait disparaître, puis se souvenait, et c’est la mémoire elle-même qui informait alors à proportion qu’elle déformait le ductus, d’autant qu’à la reconstitution s’ajoutait le trouble d’une analyse, au sens étymologique — et d’une main. [Philippe Petit]

Souvenir de l’écriture de Philippe n°1
Acrylique sur papier teinté, env. 12,5 x 65 cm, 29 octobre 1989.
Michel Behagle
Écritures n°1 [Artaud]
Acrylique sur papier, 21 x 29,7 cm, circa 1991.
Michel Behagle
Écritures n°2 [Joyce]
Acrylique sur papier, 21 x 29,7 cm, circa 1991.
Michel Behagle
Écritures n°2 [Mallarmé]
Acrylique sur papier, 21 x 29,7 cm, circa 1991.
Michel Behagle