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Corse, régionales 2015

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Pendant que sur le continent l’heure était aux « triangulaires », en Corse se tenait une quadrangulaire dont le résultat fut sans appel : quand le candidat Front national réussissait à perdre des voix entre les deux tours, la liste d’union des nationalistes l’emportait assez largement. De manière d’autant plus nette que le taux d’abstention y a, à chaque fois, été bien inférieur à la moyenne « nationale ». Depuis, Gilles Simeoni a été élu président du Conseil exécutif de Corse et Jean-Guy Talamoni président de l’assemblée. Cette situation, inédite, vient poursuivre la dynamique ouverte par l’élection de Simeoni comme maire de Bastia en 2014, mettant ainsi fin à la quarantaine d’années de mandat de la famille Zuccarelli.

Si le gouvernement est jusqu’alors resté plutôt discret, on remarquera que les dirigeants de droite ainsi que Jean-Pierre Chevènement et Florian Philippot se sont publiquement alarmés du danger, notamment après que Talamoni a choisi de prononcer une partie de son discours en Corse et de prêté serment sur un ouvrage totémique du nationalisme corse, La Justification de la Révolution corse. L’inquiétude des « dits » souverainistes tient à la désintégration de la République française que feraient courir les nouveaux dirigeants du « parlement » corse. Mais outre que c’est ne pas être du tout au fait de l’histoire politique récente des nationalistes et des rapports de force en son sein – le parti Corsica Libera de Talamoni y est minoritaire –, on s’étonne que les uns comme les autres ne se réjouissent pas de voir désavoués des responsables qui ont aussi œuvré à la désintégration de la Corse. Il est certain que le mot « nation » ne facilite guère l’entendement. Sans aucun doute, il y a parmi les dits « nationalistes » des racistes et des tenants d’une Corse fermée. Peut-être certains ont-ils manifesté contre l’arrivée de réfugiés en septembre. Mais il se trouve qu’une autre partie a porté au même moment la nécessité d’une politique d’accueil. On s’étonne aussi qu’il soit à ce point impossible de penser cette configuration politique au même titre que ce qui a pu se produire en Écosse, il y a un an et demi, et qui avait suscité, de ce côté-ci de la Manche, une vague de sympathie. Cette victoire est aussi celle de ceux qui ont défini l’agenda de la Corse depuis quarante ans : prôné la protection de l’environnement lors du scandale des boues rouges, la maîtrise du foncier face à la spéculation, la protection du littoral… On constatera toutefois que l’héritage a tout de même encore de beaux jours devant lui : il y a quarante ans, c’était Edmond Simeoni, le père de Gilles, qui, à Aleria, avait inauguré le combat « nationalistes ». Mais c’est évidemment maintenant que les choses commencent.

Il y a deux ans Vacarme avait voulu ouvrir ce chantier, notamment en rendant compte des échanges qui s’étaient tenus autour du travail de Gérard Lenclud à l’université de Corte, et en s’entretenant avec François Alfonsi, alors député européen. La relecture de ces échanges permet de saisir ce qui constitue l’armature idéologique de ceux qui aujourd’hui gouvernent l’île – jusqu’à la prochaine échéance décisive de 2018, qui doit voir s’installer une nouvelle assemblée avec des pouvoirs redéfinis.