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Le nom et la voix Le Pendule de Costel, par Pilar Arcila, 68 mins.

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Le nom et la voix

Le Pendule de Costel, par Pilar Arcila, film de 68 minutes produit en 2013 en France // Scénario : Pilar Arcila avec la complicité de Costel Kalman // Image : Pilar Arcila, Thomas Hakenholz, Costel Kalman, Jean-Marc Lamoure// Son : Cécile Février, Frédéric Salles // Montage : Nicolas Burlaud, Pilar Arcila // Création sonore : Pali Meursault // Production : Kamatomi Films, Ab Joy Productions, Télé locale Provence

En ligne sur le site Tënk jusqu’au 23 Septembre.

Les « sans-noms » ont une voix. J’aime infiniment ce film Le Pendule de Costel comme l’écrin qui met en valeur cette idée plus rare qu’il n’y paraît. Il ne donne pas voix. Il cherche et trouve précisément cette place qui permet de la recueillir et de nous offrir un nom : celui de Costel Kalman.

De voix, au son, il n’y en a donc qu’une pour poser les questions : celle de ce roumain installé « chez lui » à Marseille avec sa femme, la parentèle et d’autres familles rencontrées au hasard des squats.

Pilar Arcila est venue à Costel Kalman avec une caméra super 8 noir et blanc. Elle l’a filmé. Il y avait là un film d’artiste sensible de cette vie de récup, dans les rues de Marseille, dans les arrière-cours et les éboulis, entre les immeubles squattés et les bâtiments qu’on détruit, les sons bruitistes et les sons diégétiques délicatement transformés.

Costel et les siens ont aimé ses images, et l’ont laissée approcher de squat en squat selon ce mouvement pendulaire qui les jettent dans les rues de Marseille et sur les routes d’Europe. La femme de Costel se laisse filmer abandonnée dans la contemplation concentrée de son miroir.

Enfin, Costel a demandé à la réalisatrice de lui prêter sa caméra vidéo. « Quand j’ai rencontré Costel et sa famille élargie, ils avaient déjà une pratique de l’auto- filmage et de l’archive familiale grâce au téléphone portable. » dit Pilar Arcila dans un entretien paru sur le site lesmutins.org.

« Peut-être pour compléter mes propres images en noir et blanc, peut-être par volonté de documenter son quotidien, Costel m’a demandé de lui prêter ma caméra vidéo.

Je ne donnais pas d’instructions à Costel et malgré mes invitations il ne voulait pas monter ses images, mais nous sentions tous deux que cet échange pouvait enrichir le film. Quand j’ai découvert les images tournées par Costel du départ nocturne en bus vers la Roumanie, il m’est apparu très clairement qu’elles devaient figurer au montage et dialoguer avec mes images. »

Pilar Arcila et son monteur Nicolas Burlaud trouvent les formes qui permettent d’aller et venir sans trouble entre ses images d’artiste soucieuse d’archiver les traces de leur passage et celles de Costel.

Lorsqu’ils partent en Roumanie, les images ressemblent un peu à celles d’un film de vacances ; qui filme ? Cela se complique mais cela n’a plus d’importance. Les présences à l’écran me tiennent et j’apprécie la pudeur de la réalisatrice et de Costel Kalman qui autorise à ne pas s’en soucier.

Rien n’est dit finalement de l’artiste ou du filmeur qu’est Costel qui laisse penser que ni l’un ni l’autre n’aient hésité à malmener la place de l’auteur.

Au ras du sol, à Lausanne, une caméra est posée à terre et filme celui qui, assis, mendie. Nous sommes avec lui.

Jamais je n’avais entendu plus clairement ces voix normalement annihilées, dans le battage médiatique, par le simple mot de « Roms ».