Vacarme 77 / Vacarme 77

annus horribilis ?

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L’année qui s’ouvre a des chances d’offrir à nos yeux effarés le défilé de nos pires cauchemars. Elle commencerait par l’élection de Donald Trump, se continuerait par celle d’un Nicolas Sarkozy passé avec Républicains et bagages à l’extrême droite du Front national et se finirait par le triomphe de Pegida au Parlement allemand. Entre-temps, périodes électorales obligent, on assisterait à plus de réfugiés et encore moins d’hospitalité, plus d’attentats et encore plus de xénophobie et de violences policières, plus d’inégalités et toujours moins de protection sociale, plus de nationalismes et encore moins de solidarité européenne, plus de conneries générales et plus de conneries particulières. On aurait toutefois tort de se contenter de crier aux loups entrant dans Paris, Washington et ailleurs. Non seulement le Pierre de Prokofiev est un crétin, Serge Reggiani un vieux barbon et Cassandre une pauvre fille, mais surtout c’est toujours par la peur que de tels cycles de catastrophes naissent et se perpétuent.

Il serait donc assez ingénieux de s’apprêter à autre chose. Par exemple, en imaginant des utopies courtes, assez utopiques pour revitaliser le présent, détourner le regard de l’absurdité médiatique vers tout ce qui refuse de s’accabler stérilement en nous et autour de nous ; et assez courtes pour ne pas fuir vers l’ailleurs et continuer à tâcher de se coltiner le réel comme on peut, aussi sombre soit-il.

Par exemple, on pourrait imaginer que Hillary Clinton, accablée de pneumonies à répétition, doive définitivement jeter l’éponge et laisse à la dernière minute sa place à Bernie Sanders qui serait élu contre toute attente. Des tonnes de glaces Ben et Jerry sont alors immédiatement larguées en Syrie et en Irak par les drones de combat américains reconvertis en glaciers volants. Stupéfaits par leurs parfums inédits dans cette région du monde, notamment la Chocolate Fudge Brownie, les belligérants décrètent une paix immédiate, nomment Jean-Pierre Filiu premier ministre par intérim et pendent Bakr al-Bagdadi avec les tripes de Bachar-el-Assad avant d’abolir la peine de mort. Six mois plus tard, la Syrie ouvre ses premiers camps de réfugiés pour accueillir les socialistees et les Républicains français fuyant la honte et le déshonneur après leur double désastre du premier tour. L’image du petit Macron repêché in extremis au large des côtes syriennes après le naufrage de son zodiac fait le tour du monde. Celle de Hollande et Schäuble se consolant mutuellement autour d’une glace Raspberry Cheesecake dans la banlieue d’Alep aussi. Car les élections françaises et allemandes n’ont finalement pas pu être menées à leur terme. Une révolution européenne citoyenne s’est déclenchée entre les deux tours de la présidentielle française emportant avec elle toutes les vieilles institutions nationales vermoulues d’Europe. Yánis Varoufákis, Jean-Luc Dardenne et Sophie Wahnich constituent le premier triumvirat européen en charge de mettre en place une assemblée constituante. S’entendant comme larrons en foire, l’Europe et les États-Unis lancent de concert un vaste plan Marshall pour l’ensemble des pays en voie de développement baptisé plan Bernifakis. Ne voulant pas être en reste, Poutine se retire de la Crimée et du Donbass puis démissionne pour aller vivre au milieu des ours tandis que le Parti communiste chinois s’auto-dissout et décrète la démocratie. À l’été 2017, une photo immortalise ce nouvel ordre mondial : on y voit Sanders, Varoufákis, Svetlana Alexievitch, la nouvelle présidente de Russie et Biélorussie, Gao Xingjian, le nouveau président chinois, Elia Suleiman et Eyal Sivan, les co-présidents du tout nouvel État judéo-palestinien unifié, se tenir confraternellement par la main aux obsèques d’Erdogan.

Voilà. Évidemment, tout cela est un peu court, encore un peu trop réaliste. Mais c’est normal pour une utopie courte. Dans trois mois, on tâchera d’en trouver une plus drôle et plus folle, dans tous les sens du terme.