élections municipales de Rio ce que nous disent les urnes, ce que nous montrent les ruines

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élections municipales de Rio

Le gouvernement du Parti des Travailleurs a mené une politique d’expulsion, de destruction et d’oppression dans les favelas de Rio, dont les populations ont appris à lutter, dans la souffrance. La rupture entre la gauche gouvernementale et les habitants des favelas est consommée, comme le marquent les résultats aux dernières élections municipales. C’est cette rupture entre les pauvres et la gauche qu’expliquent et dénoncent par l’image les photographies de Luiz Baltar.

Les élections municipales viennent d’avoir lieu au Brésil. Alors que le Parti des travailleurs (PT) a perdu environ 400 villes (638 villes en 2012, 254 en 2016), le Parti de la social-démocratie brésilienne (PSDB), son opposant le plus direct, en a gagné une centaine (695 villes en 2012, 803 en 2016). Et le PMDB, Parti du mouvement démocratique brésilien, qui n’est pas tout à fait au centre mais qui, néanmoins, participe toujours au gouvernement, est resté stable (1021 villes en 2012, 1038 en 2016).

Le PMDB était présent dans le gouvernement du président Fernando Henrique Cardoso du PSDB de 1995 à 2002. Il participait également au gouvernement du président Luiz Inácio Lula da Silva (PT) de 2003 à 2010 et a gagné un poids plus considérable encore sous la présidence de Dilma Rousseff. Celle-ci a été élue en 2010, a gouverné jusqu’en 2014 avant d’être réélue pour un deuxième mandat, interrompu en 2016 par un impeachment, dénoncé comme un « coup d’État » par le PT et les partis qui lui sont le plus proches.

C’est en adoptant le point de vue des couches défavorisées de la ville de Rio de Janeiro, gérée par l’alliance PMDB-PT, que nous proposons ici d’appréhender ces récents événements politiques à commencer par ce coup d’État.

Les attaques et atteintes aux droits des pauvres de cette ville n’ont pas attendu ce tumulte institutionnel pour se manifester. La ville de Rio de Janeiro est comme une île dans l’océan du territoire brésilien. Pourtant son cas n’est pas isolé, c’est même sans doute celui qui permet de mieux comprendre l’un des aspects les plus controversés de la crise nationale. C’est le cas emblématique d’un modèle de gestion des villes sur le schéma des années 70, avec la réalisation de travaux à grande échelle — des ouvrages hydro-électriques aux grands ensembles de logements éloignés du centre-ville — aux effets désastreux sur des communautés locales. Malgré les expériences négatives accumulées partout dans le monde, ce modèle donnait au pays l’illusion d’un développement. Tout un enchaînement d’événements spectaculaires — Rio+20 en 2012, la Coupe des confédérations et la Journée mondiale de la jeunesse en 2013, la Coupe du monde en 2014 et les Jeux olympiques en 2016 — provoquant de gigantesques transformations urbaines a provoqué l’exode des plus démunis du centre ville vers les périphéries les plus lointaines. Cette politique urbaine menée conjointement par le maire Eduardo Paes au niveau de la ville et au niveau de l’État de Rio par le gouverneur Sérgio Cabral, tous les deux membres du PMDB, a reçu l’appui sans faille de Lula comme de Dilma. Et il se pourrait bien que ces phénomènes de développement urbain et les résultats des urnes, qui traduisent l’effilochement des liens entre le PT et sa base électorale — les pauvres — soient intimement liés.

des expulsions de 2011 aux manifestations de 2013

En 2011, à l’occasion de la visite de chercheurs européens à Rio de Janeiro, nous nous sommes rendues au Morro da Providência : c’est une communauté située dans la zone portuaire reconnue comme la première favela de Rio de Janeiro. Quelques mois auparavant, les habitants de cette favela avaient été, du jour au lendemain, surpris de découvrir des inscriptions sur leurs murs : SMH suivi d’un numéro. C’est de cette façon que le Secrétariat municipal du logement avait décidé de les avertir de la démolition de leurs maisons pour permettre la construction d’un téléphérique ainsi que des travaux d’amélioration à but touristique dans le cadre de la rénovation urbaine de la zone portuaire de la ville. La mairie offrait quelques contreparties insuffisantes à la communauté et les habitants se sont organisés pour résister.

Luis Baltar (tous droits réservés).

Fils de la favela, le photographe Mauricio Hora connaît leur drame. Inspiré par le travail de l’artiste français JR, Mauricio Hora a pris en photo les habitants menacés d’expulsion, puis a collé ces images tirées en grand format sur les murs des maisons, de façon à ce que les ouvriers de la mairie soient pris dans un face à face difficile à soutenir au moment des démolitions. Ces images ont fait le tour du monde.

Un autre artiste, portugais cette fois, a lui aussi entrepris un travail sur les murs. Alexandre Farto connu sous le nom de Vhils a sculpté les portraits des habitants. Avec leurs œuvres, Hora et Vhils ont crié à la mairie de Rio et au monde entier que ces maisons étaient habitées.

Les portraits des habitants menacésd’expulsionont été a chés sur les murs des maisons promises à la démolition.

Malheureusement, les expulsions n’étaient pas limitées au Morro da Providência. Toute la zone portuaire était visée par ce projet de rénovation urbaine inspiré par d’autres villes du monde, ainsi que la favela do Metrô et celle de Vila Autódromo, aux alentours du stade de football Maracanã et de ce qui allait devenir le parc olympique dans le quartier de Barra da Tijuca. La SMH était alors gérée par le PT (avec Jorge Bittar et puis avec Pierre Batista), tandis que la ville était sous gestion du PMDB avec Eduardo Paes (maire) et du PT avec Adilson Pires (vice-maire). Pour supprimer ces favelas, une des tactiques consistait à démolir les maisons des résidents qui avaient accepté un logement HLM et de laisser leurs ruines. Ces « ruines » avaient un impact si fortement négatif sur l’espace que les autres habitants se voyaient obligés de le quitter.

les images de Luiz Baltar

Originaire du quartier de Bento Ribeiro, le photographe Luiz Baltar a fait de ses voyages entre la périphérie et le centre de Rio de Janeiro un des thèmes principaux de son travail. Ce va-et-vient implique de traverser de nombreuses favelas. Au Morro da Providência, le photographe a affiché les portraits des habitants menacés d’expulsion sur les murs des maisons promises à la démolition. Tem morador est le titre de l’ensemble de ces images qui dénoncent aux pouvoirs publics la démolition non seulement des maisons mais des vies. Un autre ensemble, Vazios Forçados, montre les effets du temps sur les portraits des habitants et le vide de plus en plus présent.

Luis Baltar (tous droits réservés)

Baltar a aussi enregistré les manifestations d’autres formes de mobilisation dans les communautés et dans les quartiers. Les militants pour le logement étaient depuis un certain temps organisés en forums à l’image du Comité populaire de la Coupe du monde et des Olympiades : les manifestations de 2013 leur ont donné un souffle inouï.

Ces manifestations ont démarré pour exiger la baisse des tarifs des transports à São Paulo, on les appelait « les révoltes des 20 centimes ». Elles se sont peu à peu répandues dans tout le pays. Or, cette revendication spécifique en cachait d’autres. D’une part, il ne s’agissait pas uniquement d’exiger une baisse des tarifs ou une amélioration des transports mais de revendiquer une plus grande mobilité dans la ville. La validité très limitée des titres de transport exerçait une contrainte sur la mobilité de la population, la limitant à un aller-retour de la maison au travail. Enfin, juste après les premières manifestations pour le « passe-libre », les revendications se sont multipliées en nombre mais ont aussi diversifié leurs thématiques.

Après dix ans au pouvoir, les politiques sociales du PT semblaient s’essouffler et les rues des villes du Brésil étaient prêtes à s’enflammer. La violence des luttes et celle de la répression par la police militaire (PM) de l’État de Rio de Janeiro ont été considérables. Les images de Baltar, Paz Armada, montrent la population des favelas traitée en ennemie, sans pitié.

Les ruines urbaines photographiées par Luiz Baltar sont à l’image des ruines de la gauche. Ce sont nos ruines auxquelles il faut apprendre à faire face.

Dans les favelas cariocas, de nouvelles forces d’occupation se sont installées : ironiquement, elles sont appelées unidades de polícia pacificadora (unités de police pacificatrice, UPP) et, à l’approche de grands événements comme la Coupe du monde et les Jeux olympiques, les forces militaires du gouvernement fédéral appelées Força nacional (Force nationale, FN) leur sont venues en aide [1]. La « pacification » de Rio est un assemblage de PM, UPP et FN. Mais, en ville, les manifestations ont persisté sans recevoir la moindre écoute de la part des différentes instances du gouvernement tout au long de 2013 et 2014. Au contraire, non seulement les manifestants ont été réprimés sur place, mais les plus engagés ont subi des enquêtes judiciaires, voyant leurs actions criminalisées par une « loi antiterroriste » (loi 13 260/2016) mise en place par le gouvernement fédéral de Dilma Rousseff.

Luis Baltar (tous droits réservés).

Pour la gauche au pouvoir et, plus largement pour la gauche institutionnalisée, la foule des rues et des réseaux était décidément fasciste. À l’Académie de la police militaire, la déclaration de Marilena Chauí, l’une des principales intellectuelles du PT et de la gauche institutionnalisée, selon laquelle les Blacks Blocs étaient fascistes, et non pas anarchistes, légitimait la répression.

les ruines dans la ville, les ruines aux élections

C’est donc au sein de ce cycle de revendications ignorées et de manifestations réprimées que la crise de la représentation se développa au Brésil. Si au niveau national, Dilma Rousseff a subi un impeachment en faveur de son vice-président du PMDB, à Rio de Janeiro le maire Eduardo Paes (PMDB) et le vice-maire Adilson Pires (PT) n’ont pas réussi à faire élire leurs successeurs. Ce qui est significatif d’un rejet populaire profond. À la place du candidat Pedro Paulo (PMDB) et de sa vice-maire du PT Cidinha Campos, se sont affrontés aux municipales Marcelo Crivela (PRB) et Marcelo Freixo (PSOL). Le premier était perçu comme conservateur parce qu’il était évêque de la Igreja universal do reino de Deus (Église universelle du royaume de Dieu) et qu’il avait des positions agressives à l’encontre des adeptes de religions d’origine africaine et des groupes LGBT, deux communautés très présentes à Rio. Alors que le second était perçu comme progressiste compte tenu de son engagement pour les droits de l’homme.

Si l’on essaie de les situer dans le spectre idéologique droite-gauche, Crivela est par son conservatisme social classé à droite, ce qui ne l’a pas empêché d’obtenir un fort appui du PT lors de sa candidature au gouvernement de l’État de Rio et d’obtenir un ministère dans le premier gouvernement de Dilma ; Freixo lui, est spontanément classé à gauche, même s’il a soutenu le gouvernement de Dilma, tout en tenant des propos très critiques son égard. À Rio de Janeiro, Crivela a gagné chez les classes les moins aisées, Freixo chez les plus riches.

C’est le populisme de droite qui a gagné les élections municipales avec le vote des pauvres, très affectés par la gestion PT-PMDB de la ville. Mais c’est avant tout le vote nul qui a fait le plus grand score : Crivela a obtenu 1 700 030 votes contre 1 663 662 de Freixo, tandis que le vote blanc s’élève à 1 314 950.

Les ruines urbaines photographiées par Luiz Baltar sont à l’image des ruines de la gauche. Ce sont nos ruines auxquelles il faut appendre à faire face. Avec la fin des Jeux olympiques, les habitants de Rio ont manifesté dans les urnes leur rejet de cette politique de développement et du logement, soutenue par des alliances entre partis qui ne représentent plus personne, mais qui bénéficient aux plus grands entrepreneurs accusés tous les jours de corruption dans les journaux.

Le résultat est catastrophique pour la ville mais aussi pour l’État de Rio de Janeiro. À l’échelle de la ville, au lieu de rénovations urbaines qui intégreraient les favelas, les élus et la SMH (PMDB et PT main dans la main) ont opté pour des expulsions, renforçant ainsi toujours davantage la ségrégation sociale. Au niveau de l’État de Rio, à côté du stade Maracanã rénové pour la énième fois, neuf et clinquant, l’Universidade do Estado do Rio de Janeiro université de Rio est en ruine, comme l’Hospital Universitário Pedro Ernesto.

Établissements en ruines, fonctionnaires ruinés, menacés de perdre leurs droits, leurs salaires et même leurs emplois. Restent quelques habitants qui persistent à vouloir vivre au milieu des décombres des favelas, où de jeunes garçons jouent au football. La nuit, on peut apercevoir de rares lumières. À l’image des lucioles évoquées par Georges Didi-Huberman [2], elles résistent aux projecteurs d’un projet de développement et d’une gestion des villes qui ont articulé discours de gauche et pratiques de droite.

inventaire des ruines, invention d’une autre politique

Un nouveau maire vient d’être élu : quelles sont les perspectives pour ces populations marginalisées ? Ces dernières années ont été extrêmement difficiles pour les communautés cariocas. Elles ont vécu avec la mairie, la sous-mairie et le Secrétariat municipal du logement, sous la menace permanente d’expulsions. Certaines ont résisté et ont obtenu le maintien de leurs habitats, d’autres ont été rasées. À Estradinha, une centaine sont restées, à Vila Autódromo, une vingtaine seulement. Tout démarre avec des rumeurs, puis arrivent les menaces, la violence et l’expulsion. Prêter l’oreille aux récits des habitants des favelas de la ville, c’est toujours aussi se laisser prendre par l’émotion. Fátima Amorim, du quartier de Estradinha-Tabajaras, se déclare évangéliste. Jorge Santos de Vila Recreio II aussi. Issus de deux communautés différentes, ils déclarent que lorsque commencèrent ces expulsions, ils ne savaient même pas qu’ils avaient le droit de résister. Ils ont beaucoup appris auprès des défenseurs publics du Núcleo de Terras e Habitação (NUTH, Centre pour la Terre et l’Habitation [3]), qui ont pris la décision de quitter le confort de leurs cabinets pour les défendre. Mais surtout des luttes elles-mêmes. Alors le droit au logement est finalement apparu moins comme une norme qu’une pratique de résistance, produite grâce à la coopération entre les défenseurs et les résidents. Après avoir informé le Comité olympique international de la situation de la Vila Autódromo, petite favela près du parc olympique de Barra da Tijuca, le NUTH a été lui-même menacé et soumis, entre autres interventions politiques, à un processus de suppression de postes. Malgré cela, les acteurs du NUTH ont maintenu des rapports étroits avec les habitants menacés et ont poursuivi leur activité juridique, renonçant à se laisser prendre au chantage des puissants et à la multiplication des procédures bureaucratiques destinées à enrayer leur action.

L’impeachment de Dilma Rousseff ressemble plus à un « arrangement entre ceux qui sont toujours au pouvoir » qu’à un « coup d’État ».

Si ces luttes ont permis tout au long de ces dernières années un apprentissage pour tous ceux qui s’y sont engagés, ces événements sont marqués par des pertes sévères : pour les habitants perte de leurs maisons, et souvent aussi de leur travail et de leur vie en communauté. Altair Guimarães, un habitant de Vila Autódromo, affirme sans hésiter : « nous avons perdu ». À l’autre bout de la ville, après sa défaite aux urnes, Marcelo Freixo rumine une autre perte — la sienne et celle de la gauche — liée à celle des pauvres, également à l’échelle nationale : « Nous pouvons affirmer qu’il s’agit du pire moment pour la gauche depuis la dictature. Je ne me rappelle pas d’une crise aussi grande. La gauche ne doit pas dire que la faute incombe aux autres acteurs et oublier sa responsabilité. C’est le moment de faire une autocritique et de comprendre nos erreurs. C’est la fin d’un cycle. Tout le projet de la gauche est en train de payer cher les erreurs liées à ce modèle de gestion gouvernementale, erreurs commises surtout par le PT. Mais s’il est inutile de crucifier le PT, il est toutefois fondamental que la gauche ne se pose pas en victime. » Puis, dans une perspective plus locale, Marcelo Freixo parle ouvertement de ses difficultés à pénétrer la zone ouest, la plus pauvre de la ville, celle qu’iront occuper les expulsés des favelas. Pour Freixo, le manque d’implantation de la gauche dans cette région n’est pas uniquement dû à la présence de la milice sur le territoire : « c’est un défi. Est-ce dû uniquement à la milice ? Non. C’est un fait que la candidature de Crivella a un caractère populaire très fort. Cela vient de l’Église universelle et de la Record (la chaîne de télévision appartenant à l’Église universelle) qui ont une grande influence dans ce secteur. Il est inutile de penser résorber la distance qui nous sépare de la population de cette zone ouest en ne s’y rendant qu’au moment des élections. Il est plus facile de dialoguer hors de cette période, car la crédibilité du candidat augmente s’il n’y va pas uniquement en campagne électorale. Nous sommes parvenus à y entrer mais cela doit être permanent. Ce travail de base doit être fait dans la zone ouest. Il est encore précaire et fragile, de la part de la gauche entière. »

Si nous allons au bout des réflexions de Freixo, nous pouvons dire qu’à Rio, le gouvernement PMDB-PT, en déplaçant plus de 60 000 habitants des favelas vers les périphéries de plus en plus lointaines de la ville, en les abandonnant à leur propre sort au nom des grands projets chiffrés en billions de reais, a contribué à la défaite de la gauche. Plus la politique de base recule, plus la politique providentielle jouxte la religion. Le PT, qui, un jour, a fait des Comunidades Eclesiais de Base (communautés tenues par des prêtres de la Théologie de la libération latino-américaine) sa base pour une autre politique le sait bien.

Luis Baltar (tous droits réservés)

Avec la « PMDBésation » du PT, les pauvres de Rio ont voté pour Crivella. D’ici, de Rio de Janeiro, de ce point de vue particulier mais emblématique des pauvres du Brésil, l’impeachment de Dilma Rousseff ressemble plus à un « arrangement entre ceux qui sont toujours au pouvoir » qu’au « coup d’État » tant dénoncé par les intellectuels brésiliens et étrangers. Pour les pauvres, si violence politique il y a, c’est celle qui s’exerce contre eux au jour le jour.

Une des plus importantes revues de gauche a publié en une : « Pauvre peuple brésilien : les élections municipales prouvent son incapacité à agir politiquement et à comprendre que les putschistes le choisissent comme victime. Et pauvre Brésil… » Faut-il donc culpabiliser le peuple brésilien ?

C’est l’effilochement des liens entre le PT et sa base électorale que les urnes ont démontré. C’est l’abandon des pauvres de Rio par le PT que les images de Luiz Baltar ont dénoncé. Quelques uns abandonnent leurs maisons, avec une misérable compensation, d’autre récupèrent des bouts de leurs maisons et vivent au sein de décombres. Le spectacle des Jeux Olympiques est fini, le prochain maire va bientôt devoir composer avec l’état des finances de la ville. Entre temps, le gouverneur de l’État justifie les retards de paiement de ses fonctionnaires par une faillite financière. D’autres États brésiliens font part au gouvernement fédéral de leurs difficultés, celui de Rio étant considéré comme le cas le plus grave. À la fin du mois de novembre 2016, les manifestations ont repris avec les fonctionnaires de la sécurité, de la santé et de l’éducation, tous touchés par cette situation. De nombreuses écoles et universités sont occupées contre les réformes qui veulent réduire les dépenses publiques. Ce ne sont plus seulement les pauvres que les pouvoirs publics livrent aux entrepreneurs de la construction civile, pour se maintenir au pouvoir sans se soucier de leur propre corruption. Ce sont des classes moyennes qui ne veulent pas de l’austérité et avec qui les gouvernements devront négocier malgré la situation catastrophique. Il va falloir que la gauche affronte les ruines causées par son modèle de développement au lieu d’accuser le libéralisme. Pour sauver des vies, réinventer la politique au Brésil, il faut construire un pacte social d’un type nouveau. Celui établi par Lula il y plus d’une décennie, malgré les avancées obtenues dans les mesures d’inclusion sociale, a rencontré sa limite en fermant toute possibilité au débat et à la critique.

Post-scriptum

Barbara Szaniecki est professeure et chercheure à l’École supérieure de dessin industriel (Université de Rio de Janeiro). Ses recherches portent sur l’esthétique des mouvements sociaux et sur le design en coopération. Elle a collaboré au livre de Giuseppe Cocco, Creative Capitalism, Multitudinous Creativity (Lexington, 2014).

Clarissa Moreira est professeure à l’École d’architecture et d’urbanisme de Rio de Janeiro. Ses recherches portent sur la réhabilitation urbaine et l’introduction du logement dans le centre des villes.

Clarissa Naback est doctorante en droit à l’Université de Rio. Ses recherches portent sur les conflits urbains et le droit à la ville.

Luiz Baltar est un photographe documentariste. Ces dernières années, il a réalisé une importante documentation des expulsions des habitants des favelas ainsi que de l’occupation par des forces policières et militaires de ces territoires. http://luizbaltar.com.br

Notes

[1Les Unidades de policiia pacificadora sont constituées par des policiers militaires de l’État de Rio de Janeiro. Ces unités ont été créées en 2008 pour renforcer la sécurité dans les favelas de Rio. Les résultats n’ont pas été à la hauteur de l’intention initiale. Les manifestations de 2013 ont fortement critiqué les abus de pouvoir des unités. La Força nacional est liée au gouvernement fédéral ; elle est mise au service des États lors de catastrophes naturelles ou pour permertre le bon déroulement d’événements internationaux (Coupe du monde, Jeux olympiques…) entre autres.

[2 La survivance des lucioles, Georges Didi-Hubermann, Éditions de Minuit, 2009.

[3Le Núcleo de Terras e Habitação est une institution publique de l’État de Rio qui gère les conflits sur la terre et le logement et, en particulier, qui défend les intérêts des personnes qui ne peuvent le faire grâce à un avocat privé.