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Décontamination maintenant : que voir, que dire ? Demi-vie à Fukushima, Mark Olexa et Francesca Scalisi

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Décontamination maintenant : que voir, que dire ?

Demi-vie à Fukushima, Mark Olexa et Francesca Scalisi, Suisse, France, 2016, 61’, Japonais
, sous-titré Français, Anglais // Montage : Marzia Mete, Francesca Scalisi // Production : Mark Olexa, Francesca Scalisi et Christian Lelong // disponible sur Tënk jusqu’à mi-mars 2017.

J’aime les films qui parlent. Tant pis pour l’idée qu’un film, c’est ses silences. J’adore les films qui savent mettre en scène le discours, le débat, le désaccord, l’explication, la mauvaise foi, le rabâchage, le récit de vie, le raisonnement, l’élaboration, l’argutie et la plaidoirie, le doute, la parole amoureuse, l’écoute, bref j’aime ce que le cinéma a à faire avec les mots. Demi-vie à Fukushima ne livre que le minimum d’explication et l’errance d’un homme qui a pris la décision de rester vivre dans sa maison avec son père, de nourrir ses vaches, de déambuler dans la « zone rouge », sans masque, là où ne pénètrent que les décontamineurs, qui « ne connaissent pas la région ». Ce défaut d’explication laisse entière la question de ce que ça raconte. On se souvient du dialogue philosophique des hommes épuisés face contre terre dans Stalker de Tarkovski. Rien ici que quelques mots échangés entre un père et un fils à propos du champ du voisin récemment décontaminé. (La radioactivité pourtant ne dure-t-elle pas des centaines d’années ?) De toute façon, il ne reviendra pas, ou bien il sera trop vieux pour travailler la terre. Quelques mots donc de-ci de-là qui ne disent qu’une chose, qu’on ne sait pas, que d’autres en savent peut-être un peu plus, mais pas beaucoup plus que ces deux-là, rien en tout cas de l’essentiel. L’homme en restant, la caméra le suivant, font acte de résistance contre un projet d’invisibilisation. Il s’agit de présent. Ni SF (la référence est évidente et pourtant inopérante), ni passé (ses traces, évidemment, dans la ville abandonnée, même si la caméra ne s’attarde pas à une nostalgie outrancière), ni futur (invisibilité irrémédiable de cette radioactivité qui a probablement déjà engagé son processus de mutations profondes), le film donne à voir un présent, et ses questions, dont certaines sont indicibles. Est-ce que la résistance est souvent un combat silencieux ? La forêt s’irise dans la lumière du matin et sous la main de celui qui la touche encore maintenant, ou qui se laisse toucher.

Post-scriptum

http://www.tenk.fr/ecologie/demi-vie-a-fukushima.html#auteur