avant-propos : voix syriennes

par

« Lorsque le Sud sourit. Banlieues sud de Damas assiégées ».
Le Comité « Le peuple syrien sait où il va ».

En mars 2011, dans le raz de marée du Printemps arabe, des manifestations ont éclaté dans plusieurs villes de Syrie, immédiatement et durement réprimées par le régime de Bachar al-Assad. Six ans plus tard, le pays est plongé dans une guerre sanglante au sein de laquelle les acteurs se sont multipliés : la révolution syrienne a laissé place à un conflit internationalisé, dont les enjeux ont étouffé les revendications démocratiques portées par les premiers manifestants.

Avant de devenir une guerre, le « conflit syrien » est pourtant bel et bien une tentative de renverser un régime dictatorial, un système autoritaire et corrompu n’offrant aucun espace de liberté publique à ses ressortissants. Plus encore, les révolutionnaires syriens ont pu expérimenter, dans les zones passées sous le contrôle de l’opposition, des formes d’organisation collective que quarante ans de dictature de la famille Assad avait rendues totalement impensables.

En France et en Europe, le conflit syrien occupe une place non négligeable dans les médias. Toujours traité sous l’angle géopolitique ou militaire, il constitue une sorte d’horizon exotique et dangereux d’une forme de barbarie qui nous serait, par définition, totalement étrangère : or la barbarie évoquée est toujours celle des mouvements islamistes, souvent confondus avec la résistance syrienne, alors que la barbarie première, et de loin la plus meurtrière, est celle du régime.

L’idée directrice de ce chantier est de porter les voix des Syrien·ne·s eux-mêmes, des voix plurielles, émanant de situations et de positions variées, mais qui toutes disent la fulgurance de l’expérience révolutionnaire et le non-retour qu’elle induit, et ce malgré un passé de répression et de torture, un présent d’exil et de défaites, et un avenir plus qu’incertain, loin de leur pays pour beaucoup, loin surtout des espoirs du premier temps du soulèvement. Nous avons souhaité, à travers les textes regroupés ici, partir des situations concrètes, quotidiennes ; décentrer notre point de vue pour donner la parole aux acteurs de la révolution syrienne, à ceux que l’on appelle des activistes et qui sont de simples citoyens, de tous âges, genres et milieux, suffisamment épris des revendications de liberté, dignité et justice pour risquer leur vie et celle de leurs proches pour les défendre.

aux origines de la révolution syrienne

Pour comprendre ce qui se déroule en Syrie aujourd’hui, il faut revenir au système mis en place par Hafez al-Assad, au pouvoir de 1971 à sa mort en 2000, et continué par son fils Bachar. Il est difficile de réaliser le choc représenté par les premières manifestations, y compris pour les manifestants eux-mêmes, si l’on ne se souvient pas de la brutalité de la dictature des Assad et de leur régime, qui ont fait de la détention et de la torture les seuls horizons de l’opposition politique en Syrie. Dans les années 1980, les détracteurs du régime furent massivement emprisonnés. Parmi les détenu·e·s se trouvaient indistinctement des membres de partis clandestins, des étudiant·e·s ayant manifesté pour la démocratie, des islamistes ou supposés tels et, potentiellement, toute personne ayant critiqué le régime ou accusée de l’avoir fait. Les durées de détention dépassaient souvent dix ou quinze ans ; les détenus n’avaient pas toujours droit à un procès, ou bien celui-ci survenait après des années d’emprisonnement. Dans la prison militaire de Palmyre, de sinistre mémoire, des détenus politiques, en grande partie islamistes, subirent des conditions de détention effroyables, où la torture était quotidienne. Enfin, ceux et celles qui finissaient par sortir des geôles du régime rencontraient une situation sociale dans laquelle les ancien·ne·s détenu·e·s étaient rendu·e·s invisibles et où toute possibilité d’expression publique était réprimée, au point que les prisonniers libérés parlaient de passer de la « petite prison », lieu physique de leur détention, à la « grande prison », celle de la société syrienne écrasée par la dictature.

Les extraits du livre de Nathalie Bontemps Gens de Damas, sous le titre « Jeudi soir et vendredi matin », permettent de se représenter le moment où la Syrie de l’avant-révolution prend son essor vers l’insurrection, entre exaltation, émancipation et terreur devant une répression d’emblée impitoyable.

de la révolution à la guerre : violence, répression et terrorisme d’État

Rien d’étonnant, donc, à ce que les Syrien·ne·s opposé·e·s au régime, lorsqu’on les interroge sur le terrorisme et la violence, mettent en avant la violence de l’État et son recours systématique à la terreur. L’une des particularités du conflit syrien, aujourd’hui, n’est pas véritablement le degré inouï de violence auquel certains protagonistes ont recours, mais plutôt le fait que cette violence s’exerce de la part d’un État envers ses propres ressortissants. Dans le conflit armé, qui a découlé de la répression des mouvements pacifiques de protestation contre le régime, ce dernier a systématiquement recouru à des procédés de destruction et de mort ciblant sa population civile : bombardements aux bombes-barils (des bombes artisanales et peu coûteuses, simples barils bourrés d’explosifs et de ferraille, larguées par hélicoptère sur les zones d’habitat ou d’activité), attaques ponctuelles aux armes chimiques, massacres de civils, mise sous siège de zones d’habitation, destruction ciblée des installations sanitaires, des entrepôts de nourriture ou même des boulangeries, sans compter les arrestations et la détention, accompagnées de torture, de viols et d’exécutions. Ces pratiques sont documentées par de nombreuses sources, et recensées par des organisations comme le Centre de documentation des violations, l’Observatoire des droits de l’homme en Syrie ou Amnesty International.

Dans le processus qui a fait passer le pays de la révolution à la guerre, la responsabilité du régime est donc patente. Les femmes syriennes payent un prix élevé dans cette situation. Elles ont perdu la place primordiale qu’elles jouaient dans la révolution, en tant qu’activistes et manifestantes, pour se replier vers des activités relevant de l’humanitaire. Si une partie des hommes se sont armés et participent aux combats, les femmes sont globalement éloignées des lignes de front, mais aussi des décisions tactiques. Elles restent cependant en première ligne des victimes de la répression, courant les mêmes risques que les hommes — détention, torture, mort et rétorsion sur leurs proches, auxquels s’ajoutent la pratique systématique du viol pour « punir » les femmes activistes mais également pour atteindre, à travers des épouses politisées ou non, les hommes qui participent au mouvement anti-régime. Enfin, de très nombreuses femmes ont perdu leur mari (et souvent leurs fils adolescents ou adultes), ainsi que leur logement en raison des bombardements systématiques des zones civiles, et se trouvent parmi les rangs des déplacé·e·s internes, ayant charge de famille alors que le soin d’apporter un revenu au foyer était en général laissé au père.

la diversité des situations de terrain dans la Syrie d’aujourd’hui

Aujourd’hui, les conditions de vie sont loin d’être homogènes sur l’ensemble du territoire syrien. L’accès aux services, aux soins et même à la nourriture est difficile dans presque toutes les régions, mais les situations pratiques varient selon les forces qui contrôlent le terrain : le régime et ses alliés russes et iraniens, les groupes d’opposition, le soi-disant « État islamique » (que les acteurs locaux appellent Daesh) ou encore les forces kurdes. Il faut aussi discerner, au sein des territoires aux mains des groupes anti-régime, de nombreuses localités assiégées par l’armée d’al-Assad, depuis plusieurs années parfois. Cinq types de zones peuvent ainsi être distinguées, chacune porteuse de ses propres contraintes, de ses particularités dans la façon d’imposer la guerre à ses habitants. L’article de Gabrielle Latour « Vivre en guerre » présente ces différentes régions sous le prisme des besoins humanitaires de leur population et de l’aide qui peut ou non y être délivrée. Outre le degré de violence avec lequel elle atteint les civils, l’une des particularités de la guerre en Syrie est la criminalisation de l’action humanitaire, action avant tout organisée et assumée par les Syrien·ne·s eux-mêmes : ceux qui apportent leur aide à leurs concitoyens sont assimilés à des auxiliaires des « terroristes », et se trouvent parmi les premiers destinataires des exactions du régime.

Nous avons souhaité décentrer notre point de vue pour donner la parole aux acteurs de la révolution syrienne, à ceux que l’on appelle des activistes et qui sont de simples citoyens.

Nous avons voulu donner une place à des voix provenant de ces différentes zones ; si les régions sous contrôle kurde n’y sont pas représentées, ce n’est pas par volonté politique mais par manque de contact direct avec des acteurs locaux. Pour rester le plus fidèle possible aux voix de nos interlocuteurs, tous les entretiens de ce numéro ont été réalisés en arabe avant d’être restitués en français. Afin de ne pas mettre en danger celles et ceux qui encourent le risque d’être reconnu·e·s, une partie des noms ont été changés et certains articles paraissent sous pseudonyme.

révolution, répression, exil

La parole a tout d’abord été donnée à deux activistes des zones gouvernementales et d’opposition, chacun auteur d’un ouvrage de témoignage évoquant les premières années de la révolution et de la guerre, vues de l’intérieur de la Syrie. Wajdan Nassif, ancienne détenue devenue institutrice à Damas, a raconté dans ses Lettres de Syrie (2014, parues sous le pseudonyme de Joumana Maarouf) la façon dont le début du soulèvement fut vécu à Damas, dans les milieux plutôt pro-régime où elle travaillait alors. Majd al-Dik, lui, représente la génération des jeunes activistes, ceux qui avaient une vingtaine d’années en 2011, et qui se sont jetés à corps perdu dans le mouvement révolutionnaire. Il a retracé dans son livre À l’est de Damas, au bout du monde. Témoignage d’un révolutionnaire syrien (2016) les trois premières années de la révolution, sa participation aux manifestations dans la ville de Douma, une banlieue de Damas très hostile au régime, son arrestation et sa détention, puis ses activités au sein de Douma assiégée, dont il est finalement sorti en mai 2014. Wajdan Nassif et Majd al-Dik sont aujourd’hui réfugiés politiques en France, la première avec sa famille, le second seul. Ils s’expriment également sur la difficulté de l’exil, sur la poursuite de leurs activités en soutien aux autres réfugiés, pour la première, ou aux populations civiles syriennes, pour le second.

Le troisième entretien a été réalisé en Turquie, principale destination des populations syriennes quittant leur pays, qui pourtant n’y obtiennent pas le statut international de « réfugiés ». Tarek Matarmawi, représentant du Conseil local de Darraya, petite localité au sud de Damas, présente l’activité des Conseils locaux, ces institutions collectives créées dans les zones rebelles avec pour objectif de proposer des alternatives démocratiques au modèle des institutions assadiennes et de pallier la défaillance des services publics interrompus par le régime.

Aujourd’hui, l’heure est à la reconquête de nombreux territoires par le régime de Bachar al-Assad et ses alliés. Le moment le plus médiatisé en fut la prise d’Alep-est en décembre 2016. Une partie des personnes fuyant les zones reprises par le régime se sont réfugiées dans les derniers bastions rebelles, en particulier dans la ville d’Idlib, proche de la frontière turque. Rien ne s’oppose à ce qu’Idlib connaisse bientôt le sort d’Alep.

l’enfer des villes sous siège

Les zones les plus terriblement touchées par la guerre à l’intérieur de la Syrie sont sans aucun doute les villes assiégées par le régime, qui restreint voire interdit les entrées et sorties des habitants de localités considérées comme soutiens des groupes anti-gouvernementaux, quels qu’ils soient, et y coupe progressivement l’arrivée de denrées alimentaires et de médicaments. Les populations civiles y sont prises au piège, affamées, réduites à l’incapacité de se nourrir et de se soigner, et qui plus est presque quotidiennement bombardées. Le siège peut durer de plusieurs mois à plusieurs années : certaines localités sont assiégées depuis 2012. Dans deux courts textes, Mohammad Wadeh, journaliste palestinien, raconte les neuf mois de siège qu’il a vécus dans sa ville, le camp palestinien de Yarmouk, en banlieue sud de Damas.

l’absurdité des règles imposées par Daesh

Une autre zone peu explorée est celle des régions contrôlées par Daesh. L’organisation islamiste se revendique d’un islam sunnite ultra-rigoriste, dans lequel les habitants de ces régions, bien que sunnites et parfois même plutôt conservateurs, ne se retrouvent absolument pas. La tutelle de Daesh est perçue pour ce qu’elle est : une occupation étrangère, imposant d’absurdes règles soi-disant islamiques que les populations civiles supportent très mal et jugent contraires à toutes leurs habitudes et pratiques. « Récits de Raqqa, la nuit » propose de faire entendre des voix féminines, celles d’habitantes de la ville de Raqqa, sur l’Euphrate, passée en juin 2013 sous le contrôle de Daesh et de ses milices.

révolution, « terrorisme » et martyrs

Nous espérons, à travers ce dossier, battre en brèche certaines idées reçues sur le conflit syrien et ses acteurs. Certains choix de vocabulaire ont été faits, car comme dans tout conflit, les termes désignant les différentes parties sont idéologiquement polarisés et polarisants. Les médias du régime qualifient ainsi d’« actions terroristes » ce que les activistes nomment « révolution » (thawra), « soutien au terrorisme » ce qui est objectivement de l’aide humanitaire, et « maintien de l’ordre » ce qui relève de la répression, voire de l’écrasement des populations civiles. Il n’est à cela rien de bien nouveau, mais le choix des termes implique une prise de position politique. Nous assumons ouvertement de désigner ici comme « révolution » la tentative d’une bonne partie de la population civile syrienne pour renverser le régime dictatorial d’al-Assad. Nous avons aussi adopté d’autres termes qui sont ceux des acteurs eux-mêmes et qui indiquent leur positionnement dans le conflit : chabbihas pour désigner les milices pro-régime devenues de véritables mafias locales, l’acronyme péjoratif « Daesh » pour nommer l’organisation qui s’auto-définit comme « État islamique », mais que de très nombreux musulmans ne reconnaissent pas comme tel, etc.

Il est difficile de réaliser le choc représenté par les premières manifestations, y compris pour les manifestants eux-mêmes, si l’on ne se souvient
pas de la brutalité de la dictature des Assad et de leur régime.

Un terme qui appelle un commentaire particulier est celui de « martyr ». En France, nous n’aimons ni les martyrs, ni la martyrologie, et le terme même sonne désagréablement à nos oreilles, comme un reste malvenu d’ancien régime, un relent catholique vaguement fanatisé. C’est cependant le terme employé par les acteurs du soulèvement syrien pour désigner leurs morts, et ce, qu’ils soient laïques ou religieux. L’espoir que les martyrs accèdent au paradis est souvent l’unique réconfort des familles musulmanes ayant perdu l’un des leurs. Mais il ne faudrait pas systématiquement comprendre le terme comme « martyr de la foi » : le martyr (shahîd) est, en arabe comme en français, avant tout un témoin. Bien des Syriens laïques vous diront que leurs martyrs sont morts pour la révolution, pour les valeurs évoquées plus haut de dignité, liberté et justice. Garder cela à l’esprit peut aider le lecteur à ne pas surinvestir ce terme de connotations strictement religieuses. De même, au début de la révolution, les manifestations se déroulaient le vendredi après la prière collective, car le vendredi est le jour de congé et les mosquées étaient les seuls endroits où l’on pouvait former un groupe de plus de deux personnes sans tomber sous le coup de la loi d’exception. Cela ne fait pas pour autant de ces manifestations des démonstrations religieuses ou confessionnelles.

une guerre confessionnelle ?

L’une des idées prégnantes en Europe, qui peut être renforcée par une mauvaise lecture de la terminologie, est que le conflit syrien serait une « guerre de religion », opposant des groupes par ailleurs diversement identifiés : sunnites contre chiites, musulmans contre « minorités » qui seraient parmi les premières victimes de la guerre. Or la guerre en cours en Syrie n’est pas un conflit confessionnel, bien que le régime de Bachar al-Assad, suivi par certains autres acteurs, aient tout fait pour le confessionnaliser et le présenter comme tel aux yeux du monde. Wajdan Nassif rappelle que tout est né du soulèvement d’un peuple contre son régime, et que les violences inouïes apportées par celui-ci en réponse touchent toute la population rebelle. S’il est vrai que celle-ci est majoritairement composée de sunnites, ce n’est pas le fait d’une polarisation religieuse du conflit, mais un simple reflet de la répartition confessionnelle de la population syrienne qui compte environ 75 % de sunnites. On trouve d’autre part, parmi les opposants au régime, bien des représentants des autres groupes confessionnels de Syrie (chrétiens : environ 10 % ; druzes et chiites : environ 3 % chacun), y compris des Alaouites (11 % de la population).

L’alliance du régime alaouite avec les Iraniens et le soutien que lui accordent les milices chiites du Hezbollah est donc à considérer comme une alliance politique, ne possédant aucune base religieuse — le régime syrien baathiste se présente d’ailleurs comme un régime laïque, dégagé de toute influence confessionnelle. Il ne viendrait pas à l’esprit des observateurs de penser l’alliance entre Assad et Poutine comme une coalition religieuse : il en va de même pour ses rapports avec l’Iran et le Hezbollah.

Enfin, l’hostilité des populations sunnites à Daesh est une autre preuve de l’inanité d’une lecture confessionnelle de la guerre en Syrie. Majd al-Dik rappelle qu’avant le début du conflit, rien ne s’opposait aux relations sociales interconfessionnelles, et que rien ne s’y oppose encore aujourd’hui. À la longue cependant, le discours « confessionnalisant » du régime, qui se présente comme le « protecteur » des minorités syriennes contre des sunnites uniformément désignés comme des terroristes jihadistes, risque d’avoir un effet auto-réalisateur, et ce d’autant plus qu’il est relayé hors de Syrie par des médias peu au fait des réalités locales, comme une clé facile pour interpréter un conflit réputé « complexe » — ce qui permet de faire l’économie de son analyse réelle.

chaos, exil, futur ?

Aujourd’hui, la reconquête des zones rebelles est ratifiée par le silence des organisations internationales, voire par le rapprochement de certaines avec le régime de Damas. Dans ce contexte, et au vu de la répression féroce touchant les activistes dans les zones contrôlées par le régime, l’avenir de la révolution syrienne se dessine en grande partie en dehors de la Syrie, ce qui n’est pas sans rappeler l’après-guerre d’Espagne ou l’exil des opposants aux dictatures sud-américaines des années 1960 à 1980, de l’Argentine au Brésil et au Chili. Se dessine ainsi un avenir d’exil pour les opposants les plus « chanceux », dans une conjoncture qui n’est plus à l’accueil enthousiaste des militants de la démocratie ou des victimes des conflits mais à la méfiance envers une population perçue par beaucoup comme trop musulmane pour être facilement soluble dans l’Europe. Aujourd’hui, une partie des personnes dont ce chantier relaie la voix ont dû quitter la Syrie. Wajdan Nassif et Majd al-Dik ont obtenu le statut de réfugié en France ; la première habite dans un logement HLM à Metz avec son mari et ses filles, le second à Paris. Mohammad Wadeh est réfugié politique en Allemagne avec sa femme et ses trois enfants. Tarek Matarmawi s’est installé à Gaziantep, dans le sud de la Turquie, avec sa femme et ses cinq enfants. Zeina et Maha sont aussi en Turquie, tandis que leur frère Mohammad a regagné Raqqa. De nombreux activistes vivent encore en Syrie, encourant quotidiennement la répression du régime ou les diverses violences de la guerre. Les Syriens avec lesquels nous nous sommes entretenu·e·s expriment cependant la volonté de poursuivre leur action en faveur de la démocratie et des valeurs révolutionnaires : comme l’exprime Tarek Matarmawi, « tant qu’il y a des révolutionnaires, il y a de l’espoir ». Résistance et créativité restent deux caractéristiques essentielles de la société syrienne ; nous espérons qu’au-delà du fracas des bombes, ces textes s’en font l’écho.

Ce dossier doit beaucoup aux Syriens, et à des personnes engagées auprès d’eux. Que soient particulièrement remerciées ici Charlotte Loris-Rodionoff et Nathalie Bontemps, sans qui ce travail n’aurait pas pu se faire, ainsi que les éditions çà et là, qui ont autorisé la reproduction de plusieurs pages du roman graphique de Hamid Sulaiman, Freedom Hospital.

Dossier coordonné par Vanessa Van Renterghem.


À lire et à voir

  • Mohammad Ali Atassi et Ziad Homsi, Our terrible country, Bidayyat, 2014 (film documentaire).
  • Nathalie Bontemps, Gens de Damas, al-Manar, 2016.
  • Majd al-Dik, avec Nathalie Bontemps, À l’est de Damas, au bout du monde. Témoignage d’un révolutionnaire syrien, Don Quichotte, 2016.
  • Aram Karabet, Treize ans dans les prisons syriennes. Voyage vers l’inconnu, traduit par Nathalie Bontemps, Actes Sud, 2013.
  • Moustafa Khalifé, La coquille. Prisonnier politique en Syrie, traduit par Stéphanie Dujols, Actes Sud, Babel, 2012.
  • Joumana Maarouf (alias Wajdan Nassif), Lettres de Syrie, Buchet-Chastel, 2014.
  • Yassin al-Haj Saleh, Récits d’une Syrie oubliée. Sortir la mémoire des prisons, Les Prairies ordinaires, 2015.
  • Yassin al-Haj Saleh, La question syrienne, articles traduits par Nadia Leila Aïssaoui, Ziad Majed et Farouk Mardam-Bey, Sindbad, Actes Sud, 2016.
  • Axel Salvatori-Sinz, Les Chebabs de Yarmouk, Docks66, 2015 (film documentaire réalisé en 2011).
  • Hamid Sulaiman, Freedom Hospital, éditions çà et là/Arte, 2016 (roman graphique).

Post-scriptum

Historienne et arabisante, Vanessa Van Renterghem travaille sur l’Islam médiéval et enseigne à l’Inalco (Paris). Pour ses recherches, elle a vécu près de dix ans au Proche-Orient, dont cinq ans à Damas. Elle compte parmi les membres fondateurs d’une association qui apporte une aide humanitaire aux populations civiles à l’intérieur de la Syrie.