Vacarme 86 / Cahier

que signifie republier les pamphlets antisémites de Céline en 2019 ?

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La publication des pamphlets antisémites de Céline par Gallimard, projet provisoirement suspendu, a suscité de nombreux débats dans le champ littéraire. Le statut polémique de ces textes, et leur virtuosité dans ce domaine, leur prétendu caractère « historique », leur sens psychanalytique « caché » ou même leur « intérêt » littéraire, ne justifient en aucun cas une republication dangereuse dans le contexte dans lequel elle viendrait s’inscrire. Ce texte propose une analyse des débats qui ont surgi depuis deux ans autour des questions politiques qui engagent auteurs, critiques, éditeurs et lecteurs dans leur rapport au texte polémique.

Je voudrais réfléchir à quelques-unes des questions surgies dans l’opinion en décembre 2017 et janvier 2018 à la suite de l’annonce présentée comme imminente par la presse d’une réédition « scientifique » des pamphlets antisémites de Céline chez Gallimard [1].

Il n’est guère besoin de présenter longuement Céline, l’auteur du Voyage au bout de la nuit en 1932, qui révolutionne l’idée que l’on se faisait de la langue littéraire et qui manque de peu le Prix Goncourt ; en mai 1936 de Mort à crédit, grand roman de l’enfance, mal reçu par la critique, puis entre 1937 et 1941 de trois pamphlets antisémites les plus violents qui soient depuis ceux d’Édouard Drumont. Cinq volumes de Céline (quatre pour les romans, un pour la correspondance) sont aujourd’hui inscrits au catalogue de la Bibliothèque de la Pléiade, navire amiral de l’édition française pour la littérature. Céline a eu d’abord comme éditeur Denoël et Steele puis Denoël seul — Steele se retirant pour dissensions politiques avec Denoël fin 1936 — jusqu’en décembre 1945, date où Denoël est assassiné après la Libération. Céline est devenu un auteur Gallimard en 1952 à son retour en France, après son procès.

L’affaire a commencé le 1er décembre 2017 sur le site du mensuel L’Incorrect fondé par des proches de Marion-Maréchal Le Pen, par une interview de l’avocat François Gibault, avocat de la veuve de Céline, Lucette Destouches [2]. Il s’agissait de reprendre, augmentée d’une préface de l’écrivain Pierre Assouline, l’édition parue au Québec en 2012 sous la direction de Régis Tettamanzi, sous le titre Écrits polémiques, par la petite maison Editions 8, qui avait tiré parti de la loi canadienne sur l’entrée des textes dans le domaine public — cinquante ans après la mort de leur auteur (contre soixante-dix ans en France).

Livres Hebdo posait la question le 21 décembre 2017 : « Gallimard rééditera-t-il en mai prochain les trois pamphlets antisémites de Louis-Ferdinand Céline ? La question agite la Toile, inquiète les associations et interpelle le gouvernement ».

L’annonce a effectivement suscité un certain nombre d’émotions, de réactions publiques, privées, et officielles : une pétition signée par plus de 16 000 personnes, les menaces de libraires de boycotter les ouvrages de Gallimard, des débats virulents sur les réseaux sociaux, la proposition de débaptiser la nouvelle rue Gaston Gallimard, etc. Le délégué interministériel Frédéric Potier, chargé de la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT au ministère de l’Intérieur, le premier à avoir demandé qu’on retire Charles Maurras, « auteur antisémite d’extrême droite », des commémorations nationales de 2018, a fait parvenir un courrier à Antoine Gallimard, pour lui demander de « lever les inquiétudes » vis-à-vis de cette réédition : « [D]ans un contexte où le fléau de l’antisémitisme doit être plus que jamais combattu avec force, les modalités de mise à disposition du grand public de ces écrits doivent être réfléchies avec soin ». Le président des éditions Gallimard a été reçu par Frédéric Potier. Dans les semaines qui ont suivi, et qui ont vu la publication de nombre de tribunes, l’éditeur a annoncé le jeudi 11 janvier 2018 par un communiqué de presse adressé à l’AFP, suspendre le projet de publication des pamphlets antisémites de Louis-Ferdinand Céline : « Au nom de ma liberté d’éditeur et de ma sensibilité à mon époque, je suspends ce projet, jugeant que les conditions méthodologiques et mémorielles ne sont pas réunies pour l’envisager sereinement », écrivait-il.

Dans une pétition qui a fait suite à l’annonce de ce projet éditorial, un certain nombre d’universitaires et de chercheurs dont Pierre-André Taguieff, Marc Angenot, Annette Becker et Laurent Joly ont indiqué les raisons de leur opposition à l’édition envisagée. J’en cite des extraits :

« Qui a lu les pamphlets de Céline en connaît la dangereuse virulence […] L’aura littéraire de l’auteur, qui leur confère une force de séduction supplémentaire, ne doit pas oblitérer leur ancrage historique, ni leur caractère propagandiste pleinement assumé par Céline lui-même. Ces textes ont fait la preuve, pendant l’Occupation, de leur redoutable efficacité en banalisant la haine antijuive, en la rendant “acceptable”, en préparant les esprits aux mesures de discrimination adoptées par Vichy dès 1940. Ces pamphlets se caractérisent par la facilité avec laquelle ils se prêtent au découpage, à la reprise en citations. Pour ces différentes raisons, une réédition de tel ou tel pamphlet de Céline ne peut être envisagée à la légère […] Une édition critique des pamphlets céliniens se doit de prendre en compte le statut très particulier de ces textes et de s’interroger sur leurs effets. S’ils appartiennent à certains égards à la littérature pamphlétaire, ils relèvent aussi, bien évidemment, de la propagande raciste et antisémite d’inspiration nationale-socialiste. […] Ces textes renvoient, par leurs « citations », à l’histoire du judaïsme, à celle de l’antisémitisme, du racisme et de l’antiracisme. L’histoire des idées et des représentations sociales y est impliquée. En ce qu’ils cherchent à faire croire et à faire faire, ils requièrent aussi l’analyse du discours argumentatif. C’est dire qu’une édition scientifique ne pourrait qu’être le fait d’une équipe de spécialistes des différents domaines concernés. […] Pareils textes de propagande requièrent une contextualisation rigoureuse susceptible de mettre en lumière les citations ou les chiffres falsifiés, de démonter les mensonges et les accusations diffamatoires. » [3]

Antoine Gallimard, à la suite de ces mouvements et de ces réactions de l’opinion disait qu’il n’y aurait sans doute jamais de « bon contexte » pour la publication de ces textes. Il a certainement raison. L’essayiste Philippe Muray avait soutenu que les pamphlets n’avaient pas été « écrits », voulant dire par là que, contrairement aux romans, ils l’avaient été à la va-vite. Je le rejoins sur ce point. Ayant en tête ces différentes positions, je voudrais réfléchir sur la question à partir de trois perspectives : 1) le débat sur la nature des textes ; 2) leur réception et la reconnaissance littéraire dont Céline a eu les honneurs en 1937-1938 à l’occasion de Bagatelles pour un massacre, la place qu’a eue le rire dans cette réception ; 3) la signification que prendrait leur republication aujourd’hui. La question est aussi de savoir pourquoi nous nous trouvons ici face à un problème qui ne peut admettre que de mauvaises solutions.

Nous ne sommes pas en présence de textes relevant d’un discours essentiellement littéraire mais devant des textes qui ont été pensés comme des actes.

erreurs de catégorisation de la nature des textes (et effets des interprétations fautives qu’elles engendrent)

Nous ne sommes pas en présence de textes relevant d’un discours essentiellement littéraire mais devant des textes qui ont été pensés comme des actes (c’est le terme que Léon Daudet lui-même, un critique important du quotidien L’Action française, emploie dans sa recension du livre) — des actes de discours, au sens où dire c’est faire, comme l’enseignent Austin et Searle — où l’idéologie et le politique meurtrier viennent annuler de fait tout jugement littéraire sur l’œuvre.

Lorsqu’on a commencé à s’intéresser au cas des pamphlets autour des années 1980, après la parution des romans dans la bibliothèque de la Pléiade, les céliniens se sont fourvoyés, me semble-t-il. Ils ont généralement fait leurs, sans vraiment les questionner, les lectures d’origine psychanalytique proposées au début des années 1980, notamment par Julia Kristeva dans Pouvoirs de l’horreur. Essai sur l’abjection. L’auteur décrivait les pamphlets comme une « construction fantasmatique », un « délire avoué », des textes « sans doute contradictoires, emportés, “délirants” si l’on veut », qui « malgré la stéréotypie des thèmes » prolongeraient la « beauté sauvage de son style ». Cette analyse, l’une des premières à prendre en compte ce versant de la production célinienne, a fait longtemps autorité. Décrire les textes antisémites comme des textes délirants, c’était les traiter comme un exercice d’incohérence dépourvu d’intentionnalité, sans visée d’autrui ni de message, sans interaction avec leur dehors et avec le monde. C’était aussi se priver des moyens de situer le pamphlet parmi les formes de prise de parole et les genres de prises à parti de l’opinion, elles collectives, de la satire ou des libelles, plus près de nous, des manifestes ou des pétitions, comme formes codifiées de protestations, d’accusations ou de dénonciations sociales.

En revanche on n’a prêté que très peu d’attention au grand livre de Marc Angenot, universitaire du Canada francophone, paru au même moment chez Payot, La parole pamphlétaire, Typologie des discours modernes (1982). Angenot s’étonnait que les récents et rapides développements de la poétique narrative aient délaissé l’analyse de ce qu’il appelait le « discours social » et se montrait, plus largement, surpris de l’insuffisance d’un structuralisme non génétique à rendre compte des genres doxologiques et persuasifs. En d’autres termes : « délire » vs « texte ».

Pour tout écrit dit, de près ou de loin, littéraire, la notion de texte primait alors sur celle de discours. On peut en schématisant dire que, pour des raisons liées à la configuration institutionnelle et intellectuelle des études littéraires dans l’enseignement supérieur en France, la critique française a oublié l’existence des genres de discours qu’avait codifiés la rhétorique, donc des types d’occasions et de situations institutionnelles différents pour parler devant des publics également différents, et des discours portant sur des temps également différents : le futur (pour le genre politique) ; le passé pour le genre judiciaire (avec la question à laquelle ce genre avait pour but de répondre : que s’est-il passé ?) La même critique a donc généralement considéré les pamphlets comme des isolats quasiment hors contexte et possiblement « littéraires ». Elle a relégué à l’arrière-plan les études du pamphlet comme genre, de la position de l’énonciateur, de la forme et du contenu du discours pamphlétaire, de la stratégie organisant le développement syntagmatique des textes, des fonctions sociales remplies par les pamphlets, des lieux communs qui voulaient que le pamphlet soit encore alors considéré comme l’expression d’un solitaire, d’un tempérament ou l’expression d’une humeur.

Les pamphlets céliniens sont des textes très savants, très habilement manipulateurs.

Dans le cas qui nous intéresse, les pamphlets céliniens sont des textes très savants, très habilement manipulateurs : j’entends ici manipulation au sens communicationnel du terme, comme une dissimulation et une dissymétrie voulue dans le rapport d’information entre l’auteur et son lecteur. Ils étaient interprétés non dans la logique de la rhétorique qui est la leur mais comme une parole mue par la passion singulière d’un sujet placé hors de lui, mettant en scène un énonciateur que les textes s’efforçaient toujours de présenter comme indépendant, libre de tout lien partisan et mandaté par lui seul. Le travail de la recherche entrepris pour Bagatalles pour un massacre par Alice Kaplan et systématisé ensuite par Regis Tettamanzi a, à l’inverse, montré comment on pouvait rapprocher ces textes des feuilles et brochures antisémites et pro-nazies de l’époque et comment nous nous trouvions face à une littérature du couper/coller, du montage et du plagiat, faite à coups de ciseaux là, où l’énonciateur pamphlétaire ne cessait de faire de l’authenticité de sa parole sa première vertu [4].

reconnaissance littéraire de Céline en 1938 et réception de Bagatelles

On peut difficilement se dérober aux constats qu’impose l’analyse du succès éditorial et de la réception critique de Bagatelles pour un massacre. Parmi les ouvrages publiés par leur auteur au cours des années trente, il est celui qui a bénéficié, avec Voyage au bout de la nuit, de la plus importante couverture de presse et du meilleur accueil critique [5]. On estime à 75 000 exemplaires ses ventes entre 1938 et 1944. Sur la soixantaine d’articles qui ont été consacrés à Bagatelles pour un massacre entre décembre 1937 et l’automne 1938, moins d’une dizaine ont pris position nettement contre son contenu [6]. Dans la presse quotidienne, les positions hostiles ont essentiellement été le fait de titres de faible diffusion. Les grands hebdomadaires, au contraire, devaient en rendre compte de manière élogieuse, et enthousiaste. Le Canard Enchaîné assurait — je cite — : « Voici de la belle haine, bien nette, bien propre ». Son chroniqueur parlait de « chef-d’œuvre » — un terme fréquent et que la presse n’avait jamais employé pour qualifier Voyage en 1932 : « sous l’angle littéraire, écrivait un autre, Bagatelles pour un massacre est un chef-d’œuvre de la plus haute classe ». Gringoire, Candide comme Je Suis Partout saluaient dans ce pamphlet l’apparition d’un antisémitisme « populaire ». Brasillach, qui sera condamné et fusillé en février 1945 au terme d’un des procès retentissants de l’Épuration, voyait dans le volume le signe de l’annonce d’une révolte prochaine des « indigènes » :

« Il est impossible qu’un Français né Français n’en lise pas au moins quelques pages avec soulagement […] ce sont quatre cents pages d’invectives, quatre cents pages grand format d’injures […] Lisez ce livre, faites-le lire » [7].

Devant le succès grandissant du volume, L’Action Française devait bientôt lui consacrer les honneurs de la une du quotidien. Léon Daudet s’y interrogeait sur le sens d’un livre « symptomatique » :

« Qu’on ne s’y trompe pas, ce livre est UN ACTE et qui aura peut-être, un jour, de redoutables conséquences […] c’est un livre carnassier, et qui paraît sous un ciel d’orage, à la lueur des éclairs […] l’allumette enflammée ici est capable de mettre le feu à vingt kilomètres plus loin […] si après l’Allemagne et la Roumanie, la France se jetait à l’antisémitisme, nous ne pourrions plus l’arrêter » [8].

J’en viens à la réaction critique de l’intelligentsia littéraire. C’est de « chef-d’œuvre » encore qu’il était question dans une revue respectable comme les Cahiers du Sud : « il y aurait une évidente manifestation d’imbécillité dans le fait de contester à Bagatelles pour un massacre, le titre de chef-d’œuvre, sous prétexte que son auteur traite les Juifs de youtres » (sic). La NRF a, elle, réservé, on le sait, un sort tout particulier au volume. En février 1938 Marcel Arland déclarait y retrouver l’authenticité de la langue du premier roman de son auteur :

« Bagatelles pour un massacre, c’est M. Louis-Ferdinand Céline en liberté […] Il s’en donne à cœur joie […] joue son personnage avec un parfait mélange d’abandon éperdu et de conscience […] C’est d’abord au Juif lui-même, dans sa race précise, dans ses traits distinctifs que s’en prend Céline […] Parti pour exprimer une haine très nette, ce sont toutes ses haines qu’il expose. Et le mot juif prend un peu le sens qu’avait naguère et jadis encore le mot bourgeois. C’est au nom de l’indépendance, de la franchise, et de l’émotion lyrique qu’en vient à parler Céline. […] il est bon que de tels réquisitoires s’élèvent, même confus, même brouillons, même faux sur la moitié des points […] Le Céline de Bagatelles rejoint et prolonge celui du Voyage. Il ne fait pas de doute que c’est aux instants où il est directement ému et réagit à son gré, sans souci de fiction ni de composition, que Céline donne le meilleur de son œuvre ».

Gide n’avait pas jugé bon, jusque-là, de se prononcer sur les œuvres de Céline. En avril 1938, dans la NRF, il choisit on le sait, l’affaire prenant une tournure publique au-delà du seul champ littéraire, de rendre compte du pamphlet en même temps que d’un ouvrage de Jacques Maritain, dans un article d’une provocation calculée où il approuvait l’auteur au nom de la liberté et des droits de la littérature :

« Céline excelle dans l’invective. Il l’accroche à n’importe quoi. La juiverie n’est ici qu’un prétexte. Un prétexte qu’il a choisi le plus épais possible, le plus trivial, le plus reconnu, celui qui se moque le plus volontiers des nuances, qui permet les jugements les plus sommaires, les exagérations les plus énormes, le moindre souci de l’équité, le plus intempérant laisser-aller de la plume. Et Céline n’est jamais aussi meilleur que lorsqu’il est le moins mesuré. C’est un créateur. Il parle des Juifs, dans Bagatelles, tout comme il parlait, dans Mort à Crédit, des asticots [sic] que sa force évocatrice venait de créer ».

Ceux qui approuvaient le pamphlet s’attachaient à mettre en avant la qualité de la langue, les qualités de style d’un écrivain.

Dans son analyse des sources du pamphlet, A. Y. Kaplan écrit très justement que Bagatelles « a transmis au monde des belles lettres une matière qui, normalement, n’aurait pas quitté les confins de la petite littérature pamphlétaire à diffusion populaire ». Céline est, de fait, parvenu à brouiller les partages entre niveaux de culture, entre le haut et le bas, à relier entre eux des secteurs de l’opinion qui n’étaient pas censés se croiser et à tracer ainsi, comme l’écrivait un chroniqueur, « un trait d’union entre le stupre et la pureté, entre l’idéal et la fange, entre la bassesse et la grandeur » [9].

Pour le louer, ceux qui approuvaient le pamphlet s’attachaient à mettre en avant la qualité de la langue, les qualités de style d’un écrivain dont ils avaient, auparavant, éreinté les romans au nom du bon goût et de l’esthétique. L’académisme trouvait enfin l’usage social de la transgression de la norme et admettait Céline dans la grande famille et dans le giron de la littérature nationale : « il est providentiel, acquiesçait le chroniqueur de La Revue hebdomadaire, qu’un Céline se soit trouvé pour parler de ces choses dans les termes qui convenaient et, quand on regarde son objet, on est bien près d’excuser son vocabulaire ». Il rendait fréquentable un auteur « peuple » : « le temps de cette lecture », signalait Brasillach : « je n’ai eu aucun regret de fréquenter M. Céline ». On peut dire que l’antisémitisme a été le prix du ticket d’entrée dans la « littérature française », payé et acquitté par Céline à ceux que, pour le dire crûment avec les mots d’E. Berl, la répétition obsédante du mot « Juif » gênait moins que celle du mot « merde » [10].

Ceux qui, dans cette partie de l’opinion politico-littéraire, se déclaraient en faveur du pamphlet avaient en effet jusque-là refusé d’accorder la moindre valeur littéraire et artistique à la production romanesque antérieure de l’écrivain. Leurs enthousiasmes étaient proportionnels au mépris avec lequel ils avaient accueilli Mort à crédit, un an plus tôt à peine, lorsqu’ils demandaient que le roman soit brûlé ou pour le moins censuré. J.-P. Maxence, qui avait fait part de son « écœurement » devant Mort à crédit, trouvait Bagatelles pour un massacre « admirable » :

« M. Louis-Ferdinand Céline donne sa mesure. Il a trouvé sa vraie formule […] nous sommes comblés […] Dans le roman, il peut arriver que ce vocabulaire et cet argot lassent. […] L’injure — et surtout peut-être le langage de l’injure — ne convient pas toujours au roman. Dans le pamphlet au contraire, l’injure porte […] Il ne s’agit plus d’atteindre des êtres d’imagination, mais des figures bien réelles, des trognes bien en chair. De ce point de vue, comme de bien d’autres […] Bagatelles pour un massacre est bien le meilleur livre de M. Céline » [11].

Le ralliement enthousiaste de l’académisme au ton « peuple » de Bagatelles peut s’analyser en termes de division du travail consommée en matière de discours antisémite. Loin d’être seulement reçu comme le pamphlet antisémite que l’histoire a retenu, Bagatelles pour un massacre a, en réalité, constitué un moment important dans la carrière de son auteur. Il a été l’occasion d’une reconnaissance de l’écrivain, en tant qu’écrivain, par une fraction non négligeable du monde littéraire qui avait d’abord refusé cette qualité à l’auteur de Voyage au bout de la nuit et de Mort à crédit. L’ensemble approbateur des jugements critiques, que je viens de rappeler, informe suffisamment sur l’antisémitisme présent dans la culture littéraire française de l’époque.

Terreur du rire

J’en viens à mon deuxième point : le rire et la Terreur. Il se trouve que le rire et le comique sont aujourd’hui un argument souvent invoqué par nombre de lecteurs et de critiques favorables à la republication des pamphlets, rire et comique valant ici comme témoins et gages de l’innocuité, sinon de l’innocence, d’un discours et d’un style. Voici ce qu’il en était en 1937-1938. Il y aurait une histoire à écrire de la manière dont le rire de ces années-là sous ses diverses formes a contribué à miner et à détruire la République et les valeurs démocratiques.

Les contemporains ont lourdement insisté sur le rire que Bagatelles pour un massacre avait fait naître et libéré chez eux. Le rire appartenait, de fait, à la panoplie des moyens déployés par Céline pour détruire le sérieux, tourner en dérision, vaincre les résistances de ses lecteurs et parvenir à les unir en une communauté complice. Brasillach déclarait s’être « royalement amusé » en le lisant et y avoir trouvé « joie et consolation » : « nous ne demandons que la permission de nous amuser », concluait-il. L’auteur du compte rendu de L’Émancipation Nationale expliquait que la lecture l’avait rendu « malade de rire ». Celui de La Revue de France confiait avoir « beaucoup ri en lisant ces effarantes “bagatelles” ».

Le rire carnassier qui se faisait entendre se donnait pour objet de détruire la culture et l’esprit des salons et du monde.

En indiquant qu’il jugeait le pamphlet de Céline un exercice avant tout littéraire, Gide signifiait, en même temps, qu’il ne voulait rien savoir du type de plaisir que les blagues et les jeux de mots antisémites de son auteur déclenchaient et procuraient au lecteur. Le rire carnassier qui se faisait entendre se donnait pour objet de détruire la culture et l’esprit des salons et du monde. Le rire destructeur, indifférent à la nature de ce qui est détruit, était, dans Bagatelles, le moteur des jeux de mots (« je vous Zay », pour le ministre de l’éducation, du Front populaire, Jean Zay), des déformations onomastiques (« Mme Valéry ») et des mutilations scatologiques et symboliques du nom propre (« Blaoum », « Bloum », « Bloom-Bloom », « Bite-Blum »). La déformation infligée à la langue donne la mesure de l’ambition idéologique d’un pamphlet, qui cherchait à déplacer les mots et le rire terroriste sur le terrain de la politique, là où ils devaient finalement être pris au sérieux.

Chez les publicistes de l’extrême droite qu’étaient Daudet, Béraud, Brasillach ou Rebatet, le rire faisait partie de la culture de la polémique et de la politique. Le rire carnassier des caricatures et des articles de la presse française de la fin de l’entre-deux-guerres voyait converger de multiples traditions : l’anti-républicanisme, l’anarchisme fin de siècle, la bohème, l’esprit de fumisterie des revues et des cabarets montmartrois, où l’intérêt pour la politique se mariait constamment au refus de la prendre au sérieux [12]. Dans son Bréviaire du journalisme (1936), Daudet soutenait que le programme de L’Action française consistait à « émouvoir nos lecteurs, les faire rire, les faire penser », la forme la plus accomplie de la polémique étant, à ses yeux, celle qui parvenait à unir « le comique à l’injure ». Dans Notre Avant-guerre (1941, Plon), où il fait part de l’amusement constant que lui procuraient les événements, Brasillach se souvient de Bagatelles pour un massacre comme d’un livre « d’une verve grandiose » et « d’une férocité joyeuse ».

Cherchant à répondre aux menaces proférées par Darquier de Pellepoix, nommé en mai 1942 par Pierre Laval à la tête du Commissariat général aux questions juives, quand il usait de la formule rira bien qui rira le dernier dans La France Enchainée (journal auquel Céline était abonné), Bernard Lecache, le fondateur de la Ligue internationale contre l’antisémitisme, en était réduit à répliquer dans Le Droit de Vivre :

« Les grands mots, les grands principes, il y a belle lurette qu’on les a mis au rancart. On ne dit plus : “crève donc, Société !” La société a du bon. Que les Juifs crèvent, tout ira bien ! […] Protestons-nous ? C’est que nous ne comprenons pas le français, que nous n’apprécions pas la plaisanterie » [13].

En 1938, très rares étaient les écrivains à même de comprendre la signification réelle du mouvement de dérision qui était en train d’emporter la société. Jean Giraudoux faisait le constat que le rire était le cheval de Troie de la propagande : « La satire est un espion qui rit » [14]. Bernanos avait lui aussi l’intuition du lien qui existait entre le dénigrement du rire et l’impuissance de la société à se défendre. Il annonçait dans Scandale de la vérité : « pour ma part, j’ai fini de rire. Comme un grand nombre de braves gens à travers le monde, j’ai fini de rire ». Paulhan, notait qu’en voulant chasser les lieux communs et la rhétorique, la Terreur littéraire accouchait de slogans et de mots d’ordre.

Entre 1937 et 1939, alors que Céline faisait paraître ses pamphlets, Breton préparait son Anthologie de l’Humour noir qui devait voir le jour en juin 1940. Il pensait pouvoir préserver l’humour, le « seul commerce intellectuel de haut luxe », en le définissant contre la gauloiserie, la « plaisanterie lourde » et la « gaieté triviale » du comique rabelaisien, « dans lesquels se plaît à se reconnaître l’esprit français ». Il s’appuyait sur les pages de Freud où celui-ci, en 1928, avait exalté le ferment de révolte, le caractère grandiose de l’humour et mis en avant sa dimension libératrice, sublime et élevée. Breton choisissait d’ignorer la part de violence et de férocité destructrices que le rire pouvait contenir. Il passait sous silence l’analyse baudelairienne du rire satanique, tout comme le texte de 1905 sur le mot d’esprit où Freud avait exposé les mécanismes psychiques du plaisir agressif, de la haine inconsciente refoulée, de la communauté instaurée par le rire sur le dos d’un tiers exclu.

En janvier 1938, Raymond Queneau, qui écrivait alors un Traité des vertus démocratiques, faisait paraître contre les manifestations surréalistes autour de l’humour un article de polémique remarquable pour notre affaire, « L’humour et ses victimes ». Il y faisait remarquer que l’humour n’avait plus rien du grand rire dadaïste des débuts. Il relevait que l’humour de Jarry et de l’anarchisme littéraire de la bohème avait tourné au conservatisme le plus réactionnaire et qu’il servait désormais la propagande anti-démocratique :

« Pour celui qui ne sait que démolir et qui se cantonne dans la plus stérile des formes mentales […], il est extrêmement malaisé de faire honnêtement une carrière littéraire ou artistique et de récolter quelque gloire ; pour arriver à ce résultat, il lui faut sortir de son cantonnement et s’avancer masqué sur le terrain de la poésie, de la politique, etc. Mais une excuse envers soi-même devient nécessaire : c’est l’humour, et vis-à-vis des autres, c’est aussi l’humour. L’humour devient alors synonyme de cynisme. Il y a des gens qui font de l’humour, de cet humour, une pratique quotidienne […] Quoi qu’ils fassent, l’excuse est prête. Commettent-ils une saloperie, c’est par humour, et du moment que c’est par humour, il n’y a plus qu’à s’incliner. Commettent-ils une lâcheté, c’est aussi par humour ».

Le rire avait ici changé de camp, il était devenu le rire du lynchage, une « absorption du grand par le petit » et l’une des formes de l’aide finalement apportée par le terrorisme littéraire au mouvement de destruction des valeurs et à la déroute des idées démocratiques :

« La lâcheté de cette exploitation de l’humour à laquelle nous assistons actuellement », c’est, concluait Queneau, de s’attaquer « à ce qui est le plus difficile, à ce qui demande le plus de vertu, à tout ce qui s’élève, et de faire ainsi cause commune avec la médiocrité. Il est une force qui tend à tout déprécier, à tout abaisser, — et l’on y vient prêter aide. Les médiocres ne peuvent tolérer qu’il puisse exister parfois quelque grandeur ; les humoristes non plus […] l’humour donc, il le fallait bien pour les buts qu’on se proposait avec plus ou moins d’inconscience » [15].

Nous devons nous poser des questions simples : rirait-on aujourd’hui à la lecture de ces textes ? Qui rirait ? De qui et de quoi rirait-on ?

La place prise par la calomnie, le travail de sape opéré par le rire et la part qu’il a prise dans la liquidation de l’esprit comme du langage républicain et démocratique témoignent avec éclat de cette alliance alors passée entre la populace et l’élite dont H. Arendt parlait, à propos du phénomène totalitaire, alliance qui « reposait en grande partie sur le plaisir réel avec lequel la première observait la seconde détruire la respectabilité » du langage distingué, des faux semblants et de la fausse culture du monde bourgeois : « l’élite était heureuse chaque fois que la pègre réussissait, par la terreur, à se faire admettre sur un pied d’égalité par la société respectable » [16]. Sartre, après la guerre, fera dans son « Portrait de l’antisémite », l’analyste de cette fonction terroriste du rire de plume :

« Ils savent que leurs discours sont légers, contestables : mais ils s’en amusent, c’est leur adversaire qui a le devoir d’user sérieusement des mots puisqu’il croit aux mots ; eux, ils ont le droit de jouer. Ils aiment même à jouer avec le discours car, en donnant des raisons bouffonnes, ils jettent le discrédit sur le sérieux de leur interlocuteur ; ils sont de mauvaise foi avec délices, car il s’agit pour eux, non pas de persuader par de bons arguments, mais d’intimider ou de désorienter ». [17]

Confrontés à l’hypothèse d’une réédition scientifique des pamphlets plus de soixante-dix ans après ces réflexions, nous devons nous poser des questions simples : rirait-on aujourd’hui à la lecture de ces textes ? Qui rirait ? De qui et de quoi rirait-on ? Rirait-on de citations et d’extraits choisis à dessein ? Céline étant devenu au cours des trente dernières années, depuis les premiers spectacles de Fabrice Lucchini, un auteur pour acteurs (Podalydès, Gallienne, Balmer, Dana, Lavant, Deutsch, etc), pourrait-on intégrer au corpus des textes lus en public, dans un théâtre, des morceaux choisis des pamphlets ? Quel type de communauté éphémère produirait ce rire ?

liberté d’expression et « censure »

Un deuxième argument important souvent avancé aujourd’hui en faveur de la publication des pamphlets antisémites est que ne pas les publier reviendrait à faire acte de censure, dans un climat présenté comme de plus en plus puritain, de contrôle des mœurs, et à bafouer la liberté d’expression. On entend encore également dire que l’antisémitisme serait une opinion et qu’il n’y pas lieu de punir une opinion : or l’antisémitisme dans la République est une atteinte à l’ordre public, ça n’est pas une opinion, c’est un délit. L’argument de l’empêchement de la liberté d’expression est la variante d’un argument d’ordre supérieur : « on veut empêcher la réédition des pamphlets antisémites de Céline », que l’on rencontre décliné sous diverses formes dans le public le plus divers : il faut « faire confiance au public », à son « intelligence », à son « jugement critique », « il faut vider l’abcès, les publier au plus vite » ; « le public est adulte » cette dernière formule ayant pour pendant une revendication d’exceptionnalité pour la littérature (« tout est publiable ») et, enfin, dans sa version populiste du moment : « de quel droit priverait-on le public de la lecture de ce texte ? » ou bien encore « n’importe qui, pas seulement les chercheurs, doit pouvoir avoir accès à ces textes et les lire ». En termes états-uniens, il faut donc cesser de vouloir purifier les paroles, les actes, les usages, de tout ce qui pourrait être considéré comme une insulte, un acte de mépris, par les communautés concernées : en d’autres termes, si on admet la publication des caricatures du prophète, il faudrait admettre la publication des pamphlets de Céline.

C’est là l’argument classique du libéralisme, celui du voile d’ignorance, du jugement in abstracto, beaucoup discuté et contesté depuis sa reprise par John Rawls dans sa Théorie de la justice (1971). Le voile d’ignorance est cette expérience de pensée qui consiste à se mettre dans une position originelle et à faire abstraction de ses goûts, ses attributs et sa position dans l’espace social, pour se placer dans la position de choisir les principes de justice — le voile d’ignorance garantissant l’équité. La situation hypothétique est une façon de penser le système sans interférence de ses intérêts propres. Parce que les principes auxquels parviennent les individus sont opposés à toute forme de discrimination, ces individus défendront donc le principe de liberté qui veut que chaque personne a un droit égal aux libertés les plus étendues compatibles avec la liberté des autres : Toute personne a un droit égal à l’ensemble le plus étendu de libertés fondamentales égales qui soit compatible avec un ensemble de libertés pour tous. L’argument s’applique difficilement aux pamphlets céliniens : il n’est tout simplement pas possible de les juger in abstracto. Comme tous les textes d’action, ils naissent et vivent d’abord d’un contexte et d’une actualité, de la rencontre d’un contexte et d’une actualité. C’est pourquoi les republier reviendrait à les faire revivre, à rendre vie à leur parole et à leurs mots.

Le chantage à l’accusation de censure vient de ceux qui privilégient avant tout la liberté individuelle et ignorent l’intérêt général et notamment, sa garantie qu’est la loi. Ils font le plus souvent, implicitement ou explicitement, référence à la définition du free speech tel qu’il est protégé par le premier amendement de la Constitution des États-Unis. Rappelons au passage que l’éditeur nord-américain de Céline au cours des années 1930, Little, Brown et Cie, après avoir publié ses deux premiers romans, s’était récusé en janvier 1938 pour Bagatelles pour un massacre [18]. Le premier amendement définit une notion de la liberté d’expression qui n’existe tout simplement pas en France. Elle est, ici, garantie, elle n’est pas absolue. Elle est précisément encadrée par des lois qui la restreignent dans un certain nombre de cas : incitation au meurtre, à la haine raciale, à la discrimination etc. Les pamphlets de Céline tombent précisément sous le coup de l’incrimination d’incitation à la haine raciale. C’est de ce point de vue et non d’un point de vue « littéraire » qu’il faut les considérer. Et on ne voit pas pourquoi la loi ferait une exception générique dans leur cas.

prestige et crédit

Un troisième obstacle à la republication des pamphlets est, me semble-t-il s’agissant d’une maison comme Gallimard, précisément, le prestige et le crédit de l’éditeur. La banalisation dont la publication ferait bénéficier ces textes ainsi que la légitimité qu’elle leur octroierait ne seraient pas rien. L’actualité de Céline n’est plus aujourd’hui d’ordre littéraire, comme elle l’a été dans les années 1980, avec la publication des romans dans la Bibliothèque de la Pléiade, la multiplication des essais critiques et des thèses universitaires. Elle est d’ordre politique comme on a l’a encore vu avec l’émoi suscité par la commémoration nationale d’abord prévue puis annulée en 2011 et comme l’ont montré les réactions de l’opinion en décembre 2017 et janvier 2018. Elle résonne aujourd’hui avec le retour des démons xénophobes et antisémites partout en Europe comme en France. Elle s’inscrit, qu’on le veuille ou non, dans une reconstruction de ce que dans les années trente on appelait une « bibliothèque antisémite » : les Romans, récits et nouvelles de Drieu la Rochelle sont dans la Pléiade depuis 2012, Le dossier Rebatet (qui contient Les Décombres, bestseller de la période de l’occupation avec 250 000 exemplaires vendus) est désormais disponible (Bouquins, Laffont 2015), Un choix des textes de Maurras, L’avenir de l’intelligence et autres textes vient de paraître cette année dans la collection Bouquins (Laffont).

Je voudrais conclure en citant Annie Ernaux. Voici la réponse qu’elle a fournie à la question de savoir ce qu’elle pensait du projet de republication des pamphlets antisémites de Céline par sa maison d’édition :

« Je suis absolument contre le projet de publication des pamphlets antisémites de Céline et je précise que je les ai lus […]. Je pense que c’est une chose que les pamphlets soient facilement accessibles sur Internet et je pense que c’est autre chose qu’ils soient en vente libre, édités, en plus par une maison prestigieuse comme Gallimard. Ils s’en trouvent ennoblis, et cela en réduit leur charge intolérable. Il sortirait aujourd’hui un livre avec ce contenu, et sans le nom de Céline, il ne serait évidemment pas publié. L’écrivain n’est pas au dessus des lois. Soit ce qu’on écrit compte, a un impact, soit ce qu’on écrit ne compte pas, n’a pas d’impact. Dans le cas des pamphlets antisémites de Céline, on parle de la mort d’autrui » [19]

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Post-scriptum

Philippe Roussin est directeur de recherche au CNRS, directeur-adjoint du Centre de recherche sur les arts et le langage (CNRS-EHESS). Il est notamment l’auteur de Misère de la littérature, terreur de l’Histoire, Céline et la littérature contemporaine (Gallimard, 2005).

Notes

[1Cet article est la version remaniée d’une communication au Colloque international, « Céline et le politique, Paris, Sciences Po, 4-7 juillet 2018, et d’une conférence à l’EPhEP, Paris, Centre Sèvres, 22 novembre 2018. L’auteur remercie Hélène l’Heuillet et Anne Simonin.

[2Voir la revue de presse consacrée à l’affaire sur le site en ligne Le Petit Célinien qui fait remonter son origine à un entretien accordé par Philippe Sollers à la revue en ligne La cause littéraire, le 18 juillet 2017 : « La seule édition critique des pamphlets est disponible au Canada, aux éditions 8, édition critique de Régis Tettamanzi, et c’est cette édition-là, probablement, qui sera enfin publiée en France, c’est un scoop que je vous donne là, c’est ce que m’a confirmé Antoine Gallimard. Une édition critique, ça change tout. Au lieu que les gens se fournissent de clichés ou de phrases détachées de leur contexte, vous avez une étude critique de l’époque. […] Céline apparaît comme une fusée, certes qu’on peut juger abominable, mais d’abord, il y a le talent littéraire qui est ce qu’il est, et puis voilà on n’y peut rien. S’il fallait être bien sur le plan des opinions pour être reconnu grand écrivain, ça serait facile ».

[3« À quelles conditions rééditer aujourd’hui les pamphlets antisémites de Céline », BibliObs, 28/12/2018. Pierre-André Taguieff, et Annick Duraffour avaient publié en 2017 Céline, la race, le juif. Légende littéraire et vérité historique, Paris, Fayard.

[4A. Y. Kaplan, Relevé des sources et citations dans Bagatelles pour un massacre, Tusson, Du Lérot, 1987 Régis Tettamanzi, Esthétique de l’outrance, idéologie et esthétique dans les pamphlets de Céline, 2 volumes, Tusson, du Lérot, 1999.

[5André Derval, L’Accueil critique de Bagatelles pour un massacre, Paris, Éditions Écriture, coll. « Céline & Cie », 2010.

[6Dossier de presse, Fonds Céline, I.M.E.C. ; archives du C.D.J.C.

[7R. Brasillach, « L.-F. Céline : Bagatelles pour un massacre », L’Action française, 13 janvier 1938, p. 3.

[8L. Daudet, « Un livre symptomatique, Bagatelles pour un massacre », L’Action Française, 10 février 1938, p. 1.

[9S. Doring, « L’Ecole des cadavres », Rex, 9 décembre 1938.

[10E. Berl, « Louis-Ferdinand Céline antisémite », L’Homme libre, 21 janvier 1938.

[11J.-P. Maxence, Gringoire, 22 mai 1936, p. 4 ; id., « Louis-Ferdinand Céline : Bagatelles pour un massacre », Gringoire, 4 mars 1938, p. 4.

[12J. Seigel, Paris Bohème, culture et politique aux marges de la vie bourgeoise 1830-1930, Paris, Gallimard, 1991, p. 208 et suivantes ; D. Grojnowski, Aux commencements du rire moderne, l’esprit fumiste, Paris, Corti, 1997.

[13B. Lecache, « Haines en commun et feux croisés. Droite, gauche : pan sur les Juifs ! », Le Droit de Vivre, n° 102, 19 février 1938, p. 1.

[14J. Giraudoux, « Caricature et satire », Littérature (1941), Paris, Gallimard, Idées, 1967, p. 147-148.

[15R. Queneau, « L’humour et ses victimes », Volontés, n° 2, 20 janvier 1938, Le Voyage en Grèce, op.cit., p. 80-88. L’article fait suite à une conférence de Breton sur l’humour en octobre 1937.

[16H. Arendt, Le Totalitarisme. Les Origines du totalitarisme, Paris, Gallimard, Quarto, p. 646.

[17J.-P. Sartre, « Portrait de l’antisémite », Les Temps modernes, n°3, décembre 1945, p. 442-470.

[18Cf. A. Kaplan, « Selling Céline : The Céline-Little Brown Correspondance (1934-1938) », Céline, USA ?, South Atlantic Quaterly, 93 :2, Spring 1994, p 373-419.

[19Annie Ernaux, « La lutte c’est la vie », Le Journal du Dimanche, 27 mai 2018, p. 37.