Vacarme 86 / Cahier

Harmonies Jaguar

par

lâcheuse endurcie
 
dit c’est à cause des instruments usés
 
J’ai dit, dit, disant
Je vous quitte ai-je dit
quiétude
 
une nouvelle tour quitte d’elle-même, aucune pièce
 
déserte la couleur dont est faite la colère
 
Non Non leur ai-je dit (échos des voix)
 
c’est un visage neutre
 
Personne de cosmétiques partent
 
Personne de responsabilité partent
comment être appelée
 
& à qui répondre ?
 
Ne cesse jamais de répondre

***

qui est
de luth, divines
racines sens sensibles
diverses coutumes
femmes, de diverses fourrures d’animaux et de griffes
orgie de peau, interdictions
puis pleure ton doute lisible entrevu
 
Personne tissée de doute
 
alarme limpide
Dr. Lazare est au mieux
 
quand toutes les personnes les mieux intentionnées se calment à la nuit tombée
 
se couchent et dorment
 
ce sera le siècle plus jamais le tien
 
prends-moi au mot, Personne tissée de mots
 
photon ! écoute, photon !
 
soubresaut de voyage en espace-temps
comme tu es élémentaire
dissimulant ta sous-structure
 
il appartiendra aux gardiens du futur sur lequel nous imprimons notre marque
maintenant ? lève-toi ?
 
va, maintenant ?
 
à l’endroit où les fermions où les quarks où les leptons où les bosons
 
et les bisons ont disparu

***

plus que jamais les riches haïssent le public
 
même si la Richesse parle d’une voix douce et veloutée
 
arrête-ton étrangeté, richesse, ton nom est Diable !
 
dissipe l’argent
 
& les vantardises ont une limite
 
les écussons un nom d’emprunt
car les richesses sont des nutriments
Dr. Lazarus relève-moi
 
Comme je deviens
 
Vieille fille, à manquer
du courage d’aimer la mort !
 
vieux Pullman bruyant brillant insiste
 
sur la Liqueur le cœur
 
s’en prend à
 
non, abandonne
personne tissée de langage floral
 
insensible soudainement
& poids de la joue, lèvre de mandibule
premier discours, sommeil hirsute mais à l’intérieur un pistil une étamine
 
quelqu’un sauva sa madre le consul
 
violence envers lui
 
j’ai vacillé j’ai bégayé
 
conseil
salut
dit dit un crime
 
dit une hallucination
Un pissenlit s’adressa à moi
 
c’est certain
du mystère ses grimaces
 
Che che che chevalerie
 
chèvre de lassitude
 
cash
 
humm délirium
 
Hypérion fantôme
 
dans l’herbarium.

***

Personne tissée de rire
 
tissu se coud sans-coutures et avec
 
trope tropical dans ton esprit diamantique, fille de la voix
 
tesselles ton royaume de transmigration incrémentielle
 
de plusieurs inventions es-tu faite ?
 
couturecouture
 
un plafond
 
un bon enfant
 
mais je ne peux pas payer plus, pardon
 
de bons enfants, aliment pour les bons enfants
 
de plus je ne peux peux pas payer payer plus plus plus
 
c’est un encadrement un un plafond au dessus l’univers céleste
et je ne peux pas pas payer payer payer plus
 
c’est une cruauté
 
c’est une véritable cruauté cruelle
 
comme si tu n’étais pas testée tout d’abord
et de plus d’un châssis d’un plafond
sur l’autre rive fais une grimacefais fondre un rébus
 
enftacru cruune réal apparence de  rébus
 
c’est une cure contre la cruauté
 
& en pauvre pauvreté
 
& en pauvre, pauvre pauvreté
et ce que tu as fait et n’as pas fait
 
personne tissée d’actes faisant et défaisant la cruauté

***

Post-scriptum

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Vincent Broqua.

Ces poèmes sont extraits de Harmonies Jaguar, Bruxelles, Maelström, à paraître.

Poète, artiste, performeuse, depuis les années 1960, Anne Waldman perturbe la poésie et la politique nord-américaines. Avec Allen Ginsberg, notamment, elle a fondé la Jack Kerouac School of Disembodied Poetics, un programme d’études alternatif qu’elle dirige toujours. Ses derniers livres (en français : Archives, pour un monde menacé, éd. Joca Seria, 2014) mettent en rapport la notion d’archive, les dérèglements du monde, et des rituels poétiques.