Vacarme 12 / arsenal

des salariés d’associations soutiennent les grévistes de France Terre d’Asile (FTDA)

Rédigé avant la fin de la grève, le texte suivant est ouvert à la signature des salariés d’associations. Envoyer les signatures au GISTI, 3, Villa Marcès, 75011 Paris et par mail à gisti@ras.eu.org

À la suite d’une réunion organisée le 13 mars 2000 à la Bourse du travail de Paris, des salariés de l’ANAFE, du CEDRE-Secours catholique, de la CIMADE, de la Croix Rouge française, du GISTI, des Journalistes africains en exil, du MRAP, du SSAE de Créteil, et aussi des militants de la CGT et de SUD, ont manifesté leur solidarité aux salariés en grève de France Terre d’Asile (FTDA). Ils ont voulu ainsi mieux comprendre les raisons de leur grève exceptionnellement longue, puisqu’elle en est à sa huitième semaine.

Il leur fallait comprendre ces grévistes pour plusieurs raisons :

  • De la grève à FTDA émanent surtout des bruits de
    souffrances.
  • Dans le petit monde des associations dites "de solidarité", les
    grèves sont rares.
  • Toute grève de cette importance, par sa durée et par le
    nombre de participants (près de la moitié du personnel), a
    nécessairement des causes importantes.

Après avoir écouté les grévistes de FTDA, les salariés des autres associations sont stupéfaits de l’intensité du cri unanime de souffrance — individuelle et collective — qu’ils ont entendu. Il ne fait aucun doute que les salariés de FTDA ont fait l’objet, depuis trois ans, de persécutions qu’ils appellent "harcèlement moral".

Ces persécutions paraissent ne pas simplement relever de l’autoritarisme d’un directeur qui en use et en abuse. Ce directeur a été recruté et il est aujourd’hui maintenu, voire soutenu par un conseil d’administration et un bureau. Il l’est, parce qu’il paraît servir un rôle social que l’État confie de plus en plus fréquemment aux associations : celui de soigner les effets des inégalités que cet État ne cesse de sécréter. Pour assurer cette fonction sociale rémunérée par des subventions, les associations tendent à se métamorphoser en entreprises. À la tête des entreprises, il y a des patrons.

Il est d’ailleurs intéressant de noter que le management particulièrement autoritaire du directeur de FTDA s’accompagne d’une conception de l’asile qui serait, selon lui, un « secteur concurrentiel » comme un autre, dans lequel les associations se disputeraient des « parts de marché ». Il ne paraîtrait pas étonnant qu’il y ait un lien entre management et conception marchande des associations, qu’il en existe un autre entre les fonctions déléguées par l’État aux associations et le fait qu’un directeur autoritaire plaise à un conseil d’administration associatif.

La grève à FTDA pose à nouveau des questions récurrentes : les associations ne sont-elles pas en train de devenir, de plus en plus nombreuses, des entreprises en concurrence sur le marché des subventions publiques ? La performance quantitative n’est-elle pas, avec la neutralité politique, le critère de plus en plus décisif de versement par l’État des subventions aux associations ? La gestion de type néo-libéral n’est-elle pas, de ce fait, un phénomène d’avenir dans les associations ?

Ce constat, ces interrogations font que la solidarité avec les grévistes de FTDA est totale. Les participants à la réunion appellent leurs propres associations à porter un regard attentif sur cette grève. Ils vont s’efforcer d’élargir le soutien aux grévistes à d’autres associations. Ils ont aussi décidé de créer, avec les grévistes et les salariés non grévistes de FTDA qui voudraient y participer, un comité interassociatif de vigilance sur l’exercice de l’autorité hiérarchique à FTDA. Ce comité dénoncera les violences, les violations du droit du travail, les entraves à l’exercice du droit syndical.

Les participants demandent avec insistance au conseil d’administration de FTDA de sortir de la contradiction dans laquelle il s’enferme : défendre les droits de l’homme en général ; mais les ignorer quand ils sont oubliés au sein même de l’association.

Paris, le 16 mars 2000

Premiers signataires

des salarié(e)s de : Association Nationale d’Assistance aux Frontières pour les Étrangers (ANAFÉ), CIMADE (Service OEcuménique d’Entraide), CEDRE (Secours catholique), Fédération des associations de solidarité des travailleurs immigrés (FASTI), Femmes de la Terre, Forum Réfugiés, Groupe d’information et de soutien des immigrés (GISTI), Ligue des droits de l’homme (LDH), Service social d’aide aux émigrants (SSAE) ; pour la fédération SUD-PTT, la secrétaire générale, Isabelle ALOUJES.

Les salariés du MRAP ont signé un texte de soutien différent, qui va globalement dans le même sens.