Vacarme 01 / éditoriaux

éditorial

par

— L’Histoire, c’est où ?
— En face.

Nos conservateurs manquent de fantaisie. Les artistes se retrouvent « Face à l’histoire », titre de l’exposition qui a lieu en ce moment au Centre Georges-Pompidou. Seulement voilà, à partir des années quatre-vingt, il semble que les artistes croisent les journalistes sur le terrain du direct (la guerre du Golfe, la Bosnie, le Rwanda) et du reportage chirurgical, et se laissent inspirer par eux. Catalogue d’horreurs fétichisées pour être élevées au rang d’œuvre. Les artistes ne sont plus face à l’Histoire, essayant d’y instiller leur création comme pensée critique. Ils nous sont présentés dans le bain d’événements qui n’ont plus d’autre lieu que les cadres du spectacle et de ses propres fins. C’est là qu’au musée, l’accrochage, avec les artistes, décroche de l’histoire. Pourtant, elles continuent bien, les petites histoires du monde qui ont tant fait pour la grande. Mais si nos conservateurs manquent de fantaisie, nos révolutionnaires n’en ont plus guère.

En attendant qu’elle leur revienne, la fantaisie, en espérant très fort qu’elle vienne à d’autres, VACARME s’est posté, entre la toile et le cadre. Il prend la température de la santé publique. Il écoute des réfugiés parler de ces histoires qui (par sympathie au moins, par engagement au mieux) furent un peu les nôtres : Chili, Iran, Espagne, Algérie... Il examine la Palestine, sans faire de cadeaux (même pour le nouvel an) ni aux uns ni aux autres. Il écoute des vieux qui attendent... Et, dans R.I.P., VACARME résiste, en inventant.

Parmi les histoires, il y en a une qui, non pas avec ses grandes haches, mais avec ses petites machettes, trace sa route dans le continent africain. Celle-ci, bien qu’on en ait eu plein l’écran cathodique, ce n’est pas face à nous qu’elle s’est jouée.

Les dernières livraisons d’armes que la France (entendons là, le
gouvernement français) aurait faites au Rwanda dateraient de début 1994. Peu avant le génocide des Tutsis. Bien sûr rien n’était prévisible pour les émissaires de cette puissance post-néo-coloniale qui s’entête à faire de l’Afrique sa zone d’influence et sa chasse préférées. De peur que les Américains ne la lui dérobent. Rien n’était prévisible, à en croire les porte-paroles de ses bonnes âmes. L’année précédente, l’aide militaire française au Rwanda s’était élevée à 55 millions de francs. Somme certes modique pour des armes sophistiquées, mais bien suffisante pour celles que réclamait la cavalerie génocidaire.

Voilà ce que nous apprenions, la dernière semaine de novembre 1996, deux ans après. Attendons deux ans encore, et nous apprendrons à combien se monte de l’aide policière et militaire accordée par la France (entendons là, le gouvernement français) à l’État algérien. Non, nous ne le saurons pas de si tôt, l’Algérie est trop proche de notre cœur. Pourtant, nous aurions mieux pu comprendre pourquoi des bouteilles de gaz se mettaient à exploser dans le RER.