avant-propos
Les coqs de bruyère sont beaux avec leur plumage lustré et absurdement noir, avec la couleur écarlate de leurs sourcils... Ils se font mourir en retenant obstinément leur respiration.
Les animaux sont de plus en plus l’objet de publications, d’expositions, d’émissions... Leur « cause » semble largement diffusée et entendue. Tout le monde connaît les grands organismes qui luttent pour la protection des espèces menacées. Tout le monde est sensible au calvaire des éléphants, au massacre des baleines et des phoques.
Et pourtant, dans l’ombre de cette reconnaissance apparente, l’allure ogresque de la société de consommation que rien ne vient endiguer n’en finit pas de frapper les animaux. À l’heure où la viande déborde des étals de supermarchés, à l’heure du clonage, de la maladie de la vache folle et de la grippe du poulet, les animaux arrivent, dans le plus grand silence, au seuil de leur disparition : ils habitent de moins en moins le monde que nous partageons avec eux, voilà le triste corrélat de leur célébrité.
L’animal n’a-t-il d’autre statut que d’être un corps sans âme, le brouillon raté de l’être humain ? Quelle place — animal familier, domestique, animal d’élevage, de loisir, de consommation — lui réservons-nous dans la société ? Doit-il être exclu des questions politiques, juridiques, éthiques ?
Quelle considération lui accordons-nous ?
Florence Burgat, dans son livre Animal mon prochain,remarque que la charte de la Déclaration des droits de l’animal « présente un ensemble de prescriptions idéales particulièrement éloignées de l’actuelle condition de l’animal. C’est peut-être cet écart qui rend ces articles si difficiles à entendre : l’appropriation de l’animal semble tellement aller de soi que ces injonctions ont à première vue un caractère déconcertant ».
Ces prescriptions passent par la reconnaissance du principe fondamental de l’égalité, lequel n’exige pas l’égalité ou l’identité de traitement ; il exige l’égalité de considération — une vigilance.