« Voir comme on ne voit jamais » dialogue entre Pierre Bourdieu et Toni Morrison

Figure puissante de la littérature américaine contemporaine, Toni Morrison compose, livre après livre, une œuvre polyphonique, portée par les passions, les voix, les rythmes de ceux que l’on opprime [1]. Une oeuvre dont on pressent sans mal qu’elle intéresse la sociologie de Pierre Bourdieu, mais à quel titre, exactement ? Pour ses affinités ou pour sa distance avec le savoir sociologique ? Parce qu’elle reflète une condition sociale, ou parce qu’elle s’en affranchit ? Comme invention littéraire ou comme intervention politique ? L’entretien qui suit permettra d’en juger. Il a eu lieu à Paris, le 22 octobre 1994.

Pierre Bourdieu : L’intention de mes questions est d’essayer de vous donner l’occasion de dire des choses que vous n’avez pas dites. J’aurais bien aimé vous interroger sur Howard University, sur les maîtres que vous avez eus là-bas, par exemple Frazier, le grand auteur de Bourgeoisie noire ; et aussi sur votre rôle de Senior editor de Random House, où vous avez publié un certain nombre d’ouvrages importants de grands écrivains et analystes noirs. J’aurais aimé évoquer la controverse qui a entouré le prix Pulitzer en 1988, parce qu’il me semble que c’est une affaire très significative qui permet de réfléchir sur la situation particulière de l’écrivain noir dans le monde intellectuel américain. Mais j’en viens à quelque chose qui me paraît plus important. Vous avez analysé dans Playing in the Dark les images, secrètes, que la littérature blanche donne des Noirs. Mais il y a aussi une image blanche de la littérature noire, image terriblement stéréotypée : par exemple, même si vous n’aimez pas, et c’est très légitime, être traitée comme un écrivain noir, vous êtes un écrivain noir parce qu’on pense que vous êtes un écrivain noir — parce qu’il y a un stéréotype attaché à cette image, et qui oriente la lecture de votre œuvre. Ce stéréotype, quel est-il ? Par exemple, on fait de manière systématique le lien entre littérature noire et sciences sociales. Et, de façon générale, ce n’est pas un compliment... Albert Murray parlait de « social-science fiction », ce qui n’est pas une manière de faire honneur à cette littérature. On réduit l’œuvre littéraire au document, et lorsqu’on accorde aux écrivains noirs une capacité subversive, on la leur accorde sur le terrain socio-politique, pas sur le terrain formel. Par exemple, de même que le jazz a introduit des innovations tout à fait extraordinaires, qui ont été à la fois reçues et non reçues parce que cataloguées, cantonnées dans une région inférieure de l’art musical, de même un certain nombre d’innovations esthétiques de la littérature noire ont été renvoyées au folklore, et neutralisées dans leur spécificité littéraire ; par exemple dans Jazz, ce qui a été perçu, c’est le rythme beaucoup plus que la structure ; or, ce qui est intéressant, c’est la pluralité des voix et le fait qu’il n’y a plus de voix principale, de discours central... On pourrait dire la même chose sur l’écriture noire. On parle de sensualité, de chaleur, de sexualité, etc. Autrement dit, on trouve dans le discours sur votre œuvre tout ce que vous trouvez chez les écrivains blancs à propos des Noirs.

Toni Morrison : Être considéré uniquement comme témoin d’une certaine situation, ou comme quelqu’un qui n’a rien d’autre à dire que : « Aïe ! J’ai mal ! » ou « Je proteste ! », est profondément humiliant, même s’il est très important que les écrivains soient considérés dans leur contexte. J’ai essayé de faire de Beloved un roman historique, mais qui échappait aux limites de la discipline historique. Lorsque je l’ai fini, j’ai décidé de faire un livre consacré à la période historique suivante, qu’on appelle le Jazz Age (l’ère du Jazz). Mais ce que je voulais surtout, c’est que les lecteurs soient avant tout conscients de la construction, de l’élaboration apparente, dans laquelle je voulais utiliser, autant que possible, les structures du jazz. La comparaison avec cette musique est fondamentale car, s’il est vrai qu’on associe toujours à l’heure actuelle la culture du jazz à la sensualité, à l’illégalité, aux tam-tams et à l’exotisme, il est devenu difficile de s’en tenir là. À partir du moment où l’on fait la moindre analyse critique de cette musique, on ne peut en ignorer la sophistication. Mais ce n’est pas encore le cas dans le domaine de la littérature : quelle que soit la sophistication des œuvres, quelles que soient les réponses nouvelles, les subtilités et les innovations qu’elles apportent, tout cela est absolument ignoré ; la réaction est toujours des plus banales : on y voit quelque chose de « naturel », d’accessible, de magique ou de folklorique.

J’ajouterai que les journalistes sont tenus par les contraintes de leur métier. Mais je peux vous garantir que personne ne traite de ce qui m’intéresse : la structure enchâssée, la manière dont les histoires sont racontées, le refus de toute domination dans la narration par l’éclatement de la voix du narrateur.

Pierre Bourdieu : Tout ce que vous avez dit de l’écrivain noir vaut pour le sociologue : il s’efforce souvent de faire des choses assez sophistiquées, qui sont ramenées au pur « content. » C’est peut-être ce qui fait que j’ai été sensible à l’injustice qui est faite aux écrivains noirs. Maintenant, ce qui me paraît important, et que vous avez confirmé à l’instant, c’est qu’on prend souvent sur la littérature noire un point de vue non littéraire. Et pour adopter un point de vue proprement littéraire, il est important de resituer un écrit littéraire dans l’histoire littéraire, dans l’histoire des prédécesseurs, et évidemment, il nous faudrait beaucoup plus de temps — j’aimerais que vous puissiez nous dire un peu comment vous vous situez par rapport à ces gens du Harlem des années vingt, dont vous avez retrouvé l’époque dans Jazz ; ou par rapport à des gens comme Zora Neale Hurston, par exemple, qui est très importante pour nous, sociologues, parce qu’elle est à la fois écrivain et anthropologue. J’aimerais que vous nous disiez ceux de vos prédécesseurs dans lesquels vous vous reconnaissez, les écrivains noirs, mais aussi les écrivains blancs : Faulkner, Virginia Woolf, Garcia Marquez.

Toni Morrison : Comme tous les écrivains, je rêve d’être un auteur à part, sui generis, et assez original pour être au-delà de toute comparaison. Mais le fait est que nous avons tous beaucoup lu, et que nous aimerions ne pas avoir à reconnaître nos influences. Je suis cependant tout à fait consciente d’avoir été marquée par beaucoup d’auteurs américains ; des auteurs noirs et des auteurs blancs, parfois pour des raisons différentes, et parfois pour les mêmes raisons. Les gens qui ont le plus compté pour moi sont les écrivains des années vingt, des gens comme Jean Toomer [2] ; et surtout je me suis montrée très curieuse et attentive à l’égard de la littérature noire, ce qui m’a permis de découvrir des trésors jusque-là ignorés, pas des romans, mais des récits d’esclaves ou d’anciens esclaves. La littérature inclut à mes yeux cette quantité incroyable de récits écrits par des gens qui, par la plume, se défaisaient du joug de l’esclavage et entraient dans le monde de la liberté. Je ne connais pas, dans l’histoire de l’humanité, de peuple opprimé qui ait autant médité, écrit et publié sur sa propre situation. Et puis il y a eu aussi cette mine inépuisable de chansons, de paroles, de « spirituals », qui étaient et resteront toujours la voix du jazz ; cette forme de poésie m’a immédiatement parlé. Ces antécédents sont donc clairement présents dans mon œuvre. Mais dans certains cas, je remets en question ces écrivains : chez Ralph Ellison [3], par exemple, je m’interroge sur certaines voix narratives, j’essaie de voir si on ne pourrait pas les modifier, les diviser, pour créer un effet différent. Je comprends combien il était important pour tous ces écrivains, aussi bien ceux qui vivaient encore l’esclavage que ceux qui ont écrit au début du siècle, de prouver à un public blanc qui dictait les règles du jeu leur capacité à bien écrire. Ils approchaient l’écrit en utilisant une langue excessivement correcte et érudite. Ou bien, à l’inverse, ils essayaient de reproduire ce qu’on appelait alors le « dialecte » noir, faute de terme plus approprié ; mais ils le faisaient bien souvent avec maladresse, dans la transcription orthographique, pour essayer de mettre en valeur les spécificités de la langue noire. Ce problème m’intéresse particulièrement dans mon travail ; c’est dans cette mesure que je peux prétendre faire un effort conscient pour me rattacher à des auteurs du passé.

Pierre Bourdieu : Peut-être pourriez-vous, sur ce point qui me paraît important, dire un petit peu quelle est votre solution propre : entre ces deux limites, l’hyper-correction et l’hyper-fidélité textuelle au vernaculaire, qu’il soit linguistique ou culturel, comment avez-vous trouvé votre voie propre d’écrivain : dans l’alternance, dans la combinaison ?

Toni Morrison : Discréditer la langue de l’autre est la première chose à laquelle s’emploient ceux qui tiennent les fusils ; quand on a une armée et une marine, on peut dire à l’autre que sa langue n’est pas une langue, que ce qu’il dit tient plus du langage des animaux. Savoir gérer cette position subordonnée par rapport à la langue est un problème fondamental pour tous les peuples dominés. Nous savons tous qu’en théorie toute langue provient d’autre chose. Le jeu de toutes ces langues est extraordinaire ; et si l’on veut protéger la pureté de l’une d’entre elles, il faut mettre en œuvre une démarche extrêmement compliquée qui implique une très grande part d’autodéfense. Et la raison pour laquelle cette part de défense est nécessaire, c’est qu’elle est constamment menacée d’être écrasée par quelqu’un. C’est ainsi que la langue peut être un véritable champ de bataille, un lieu d’oppression, mais aussi de résistance. L’anglais-américain pose moins de problèmes à cet égard, d’une part parce que c’est déjà une langue polyglotte par essence ; et puis, grâce à l’influence de tous les gens qui vivent en Amérique et qui refusent, comme les Noirs, la domination d’une langue sur les autres. C’est quelque chose qui m’a toujours sidérée, ce refus absolu des Noirs, de tous les Noirs, quel que soit leur niveau social et culturel : ils restent toujours fidèles à leur langue ; c’est à la fois quelque chose de très intérieur pour eux, mais aussi une marque de rébellion.

Je pense que ce qu’il y a de passionnant dans le fait d’écrire en anglais au XXe siècle, c’est précisément cette possibilité d’évoluer entre divers niveaux de langue, du vernaculaire de la langue de la rue à la langue lyrique ou biblique, en passant par le registre courant. Toutes ces langues disent des choses différentes. Alors, ce qui me paraît intéressant, c’est de les fondre, de les mêler les unes aux autres pour dire en-core autre chose, peut-être quelque chose qui n’a encore jamais été dit exactement de la même manière auparavant. Je pense que cette recherche était la définition même de la « modernité », de la langue des gens qu’on appelle les « moderne », tels que Ezra Pound, T. S. Eliot, Gertrude Stein, même une grande partie de l’œuvre de Hemingway, et puis E. E. Cummings. Tous ces auteurs, lorsqu’ils cherchaient à être d’« avant-garde » [4], à dire quelque chose d’entièrement nouveau, avec le plus de liberté possible, ils utilisaient justement la langue vernaculaire des Noirs. Voyez Ragtime [5], par exemple, ou même la correspondance de ces écrivains, on y trouve énormément d’expressions tirées de cette tradition folklorique : lorsqu’ils s’écrivaient, T. S. Eliot et Ezra Pound se surnommaient mutuellement Possum et Bro’er Rabbit [6]. Ils se sont même mis à adapter l’orthographe et la typographie, en utilisant en particulier des minuscules là où l’anglais standard utilise des majuscules. Ainsi, au moins pour ceux qui se réclament de ce courant, la langue noire a toujours été la marque, non d’un retour vers le triste passé, mais au contraire d’un pas vers un avenir moderne et passionnant.

Pierre Bourdieu : Ce qui m’impressionne, quand je regarde votre itinéraire, c’est que vous avez une attitude qu’on pourrait dire à la fois engagée et retenue. Autant que je sache, vous n’êtes jamais entrée dans les formes ouvertes d’engagement. On ne vous voit pas engagée fortement dans le mouvement féministe, bien que le mouvement féministe se réclame de vous ; on ne vous voit pas ostentatoirement engagée avec le mouvement noir, bien que ce mouvement vous réclame. En même temps, vous avez pour vous définir une formule assez belle, une sorte de formule génératrice de ce que vous êtes : vous dites que vous êtes « une femme écrivain africaine-américaine, dans un monde sexualisé et racialisé ». Manifestement, vous êtes très puissamment engagée dans votre œuvre ; et aussi dans vos actions : je pense à ce que vous avez fait récemment à propos de l’affaire de ce juge accusé de harassement. Vous êtes donc très engagée, mais d’une manière très spéciale, « engagée-dégagée ». J’aimerais bien que vous nous disiez la philosophie de cet engagement... qui me plaît beaucoup.

Toni Morrison : C’est très vrai. J’ai un gros problème : comme vous l’avez rappelé, je vis dans un monde totalement racialisé et sexualisé, et je dois y faire ce pour quoi je me sens vraiment bonne. Or je ne me sens pas bien dans le milieu des organisations : je ne suis jamais là quand il faut, et je n’aime pas recevoir des ordres ; j’ai donc une marge de manœuvre très limitée dans certains milieux politiques. Mais je crois qu’écrire est l’acte politique par excellence. J’en veux pour preuve que la première mesure des gouvernements oppresseurs, c’est de censurer ou de détruire les livres, ou encore de bâillonner les gens. Et ils font cela justement parce qu’ils ne sont pas stupides, parce qu’ils savent très bien que l’acte même d’écrire est séditieux, potentiellement séditieux en tout cas, et toujours porteur d’interrogations. Mes livres ne répondent pas uniquement à des préoccupations esthétiques, pas plus qu’ils ne ré-pondent exclusivement à des préoccupations politiques. Je pense que, pour pouvoir être pris au sérieux, l’art doit faire les deux à la fois. Il n’y a au-cune raison pour qu’une œuvre d’art ne prenne pas son propre monde au sérieux, aucune excuse pour ne pas faire la meilleure œuvre possible. Mais, d’un autre côté, je pense que les écrivains se doivent aussi de s’engager dans un certain type d’action collective. Comme vous le savez, nous n’avons pas aux États-Unis cette longue tradition d’« intellectuels » politiquement actifs ; elle a existé par moments, puis a disparu, et je crois que nous traversons en ce moment une de ces périodes où cette tradition est plus enterrée que vivante, au contraire de la France. C’est pourquoi ce qui s’est passé il y a deux ans aux États-Unis, lors de la nomination d’un certain juge, a créé une situation politique exceptionnelle. Le problème était de trouver quelqu’un qui fût capable de succéder au juge Marshall, ce juge afro-américain absolument extraordinaire qui, durant cinquante ou soixante ans, s’était battu sans relâche et avait remporté de nombreuses victoires au service de deux causes : celle des droits de l’homme, et celle des droits civiques des Noirs. Or le président Bush a choisi un homme noir plus jeune, parce que c’était un Noir de droite et malléable. Pour commenter cette nomination, Bush a déclaré : « Je veux que vous compreniez qu’il n’est pas question de race dans cette affaire, cette nomination a été décidée en dehors de tout critère racial. » C’est alors que sont arrivées les accusations de harcèlement sexuel ; ce fut un véritable fiasco, et tout le monde a été absolument fasciné par cette histoire. Je ne sais pas ce que vous avez pu en percevoir en Europe, mais tout cela était presque paralysant ; ils ne suffisait pas d’appeler les sénateurs par téléphone, parce qu’aussitôt ils vous demandaient : « Pour qui votez-vous ? Qu’est-ce que vous voulez ? » Quoi qu’il en soit — me voilà en colère à nouveau, ce n’était pas prévu ! —, j’ai fait appel à tout un groupe d’écrivains, à des gens de diverses disciplines universitaires : histoire, anglais, droit, droit critique, anthropologie, religion, éthique, philosophie, etc. Nous étions dix-huit ; il y avait des Blancs et des Noirs, des hommes et des femmes. En très peu de temps, parce qu’il y avait urgence, nous avons écrit une anthologie dans laquelle chacun d’entre nous utilisait le point de vue de sa discipline pour déconstruire, analyser et clarifier la situation politique qui nous avait amenés jusque-là. Nous avons intitulé ce livre Race in Justice Engendering Power, jeu de mots un peu compliqué [7]...

Pierre Bourdieu : Vous m’avez dit que vous travaillez à un roman avec deux « héroïnes », l’une noire et l’autre blanche, et que tout votre effort consiste à faire disparaître complètement la catégorie du blanc et du noir. D’abord, est-ce possible ? Quelles difficultés particulières rencontre ce travail de quasi « transcodage » ? C’est une expérience dont on peut trouver un analogue dans ce que fait Perec lorsqu’il essaie d’écrire sans recourir à la voyelle e, mais, dans ce cas particulier, c’est une catégorie fondamentale de la perception du monde social que vous excluez. Donc, est-ce que vous n’êtes pas conduite à une recherche formelle extrêmement complexe, qui est en même temps une recherche politique : l’utopie d’un monde dans lequel la catégorie blanc-noir ne serait plus pertinente, n’existerait plus ?

Toni Morrison : Le livre sur lequel je travaille en ce moment est très ancré dans la réalité d’un lieu que j’ai délibérément choisi comme étant exclusivement noir : une ville noire au début du XIXe siècle. Pourtant, j’y parle de quatre femmes dont je dis : « L’une d’entre elles était blanche, les autres ne l’étaient pas. » Ensuite, j’espère décrire si bien chacune de ces femmes que le lecteur pourra toutes les connaître de façon intime, comme s’il était dans leur peau ; qu’il saura tout d’elles, sauf leur race. Je pense que le lecteur se demandera vraiment qui est blanc et qui est noir ; mais, si je réussis, et je n’en suis pas sûre encore car je n’ai pas terminé, cette question finira par ne plus avoir aucune importance. Mais la difficulté est énorme, car il n’existe pas de langue pour ça. Comment décrire l’âme d’un personnage sans aucune référence aux codes raciaux, sans utiliser ce langage secret, explicite ou implicite, que tout le monde utilise pour marquer la race ? Et, en même temps, il faut donner au lecteur ce à quoi on n’a jamais droit : un regard immédiat, qui lui permette de voir comme il ne voit jamais. Tout cela nécessite un nouveau discours, un nouveau langage. C’est difficile, mais je crois que c’est gratifiant. Je pense vraiment que ce langage peut être tout aussi subtil, tout aussi fort, et faire passer tout autant d’émotions, sans aucune référence à la couleur. Je l’espère. Mais, de toute façon, ce qui m’importe en ce moment, c’est moins la réussite de ce projet que la recherche elle-même, la construction d’une langue qui me permette de rendre ces personnages terriblement présents, de les faire connaître absolument... race exceptée.

Post-scriptum

Remerciements à Didier Eribon.

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Notes

[1C’est son roman Beloved qui a fait connaître Toni Morrison en France. Elle fut lauréate du prix Nobel de litérature en 1993. Quelques titres traduits en français : Beloved, Tar Baby, La chanson de Salomon, Sula, Playing in the dark, L’œil le plus bleu. Ces titres sont disponibles dans la collection 10/18.

[2Jean Toomer (1894-1967), auteur noir américain, dont le roman Cane (1923) fut une œuvre majeure de la Renaissance de Harlem.

[3Ralph Waldo Ellison (1914 -), auteur de Homme invisible, pour qui chantes-tu ? (Invisible Man) (1952), roman qui, dans une atmosphère absurde et étouffante, décrit la vie d’un jeune homme noir à New York.

[4En français dans le texte.

[5Roman de E. L. Doctorow, publié en 1974 ; ce roman, hommage à la forme musicale inventée par Scott Joplin, offre une fresque effrénée de la société américaine du début du siècle, où se mêlent personnages historiques et fictifs, et dans laquelle l’auteur tente de saisir l’esprit de la « modernité » qui allait fonder le XXe siècle.

[6Le « Frère Lapin » des contes noirs américains.

[7Littéralement : « Le problème de la race dans la justice comme générateur de pouvoir » ; le jeu de mots porte sur « engendering » qui évoque à la fois la notion de génération et de sexe (« gender »).