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ENCORE UN MORT PAR MANQUE DE SOINS ET DE RESPECT DES PERSONNES AU CENTRE PENITENTIAIRE DE LONGUENESSE - PLATE-FORME

Le 25 juillet 1999, en début de matinée, Daniel Giacomin, jeune père de famille de 31 ans, est mort dans sa cellule de la maison d’arrêt, après une journée et deux nuits de souffrance et d’appels non suivis d’effets.

Depuis plusieurs jours, il se plaignait de gros troubles intestinaux, de malaises et de nausées, sans rencontrer le moindre écho du service médical. Le samedi 24, il est enfin reçu à l’infirmerie. L’infirmière s’attribue les compétences et l’autorité nécessaires pour « diagnostiquer » une gastro, et le renvoie en cellule avec du Maalox et du Spasfon, sans examen complémentaire ni appel au médecin. Daniel Giacomin passe ensuite de longues heures à se vider, ne pouvant plus retenir ses excréments et le contenu de son estomac, ne supportant plus aucune boisson. Aucun des appels de son compagnon de cellule ne sera suivi d’effets, et il restera seul, de longues heures durant, ce qu’il ne sait pas encore être une longue agonie.

Le dimanche 25, à la ronde d’ouverture des portes de 7 heures, Daniel Giacomin est inconscient dans son lit, son compagnon est choqué, mais le surveillant ne prend aucune initiative. À
8 heures, le compagnon renouvelle ses appels à l’aide, et l’infirmière se décide à venir, sans aucun moyen de soins. Lorsqu’elle revient après être allée en chercher, il est trop tard, et la porte de la cellule se referme sur un vivant en compagnie d’un mort.

La première intervention de l’administration sera de sortir le vivant, après une longue attente, pour le stocker dans une cellule voisine. Un aller-retour de Daniel Giacomin à l’infirmerie. sans qu’on sache et dise s’il est mort ou vivant, ajoute à la confusion  ; en milieu de matinée, les surveillants viennent emporter le corps laissé seul, sur le chariot laissé seul à cet usage. Ils servent alors à la cantonade leurs habituelles plaisanteries grasses et vulgaires sur la maigreur du mort, sa pâleur, le sordide de son décès (ex  : «  La voiture n’a pas la direction assistée mais le passager reste calme.  »  ; «  La viande n’est plus fraîche, mais on est pas pressés  »  ;
«  Pas grand-chose à se mettre sous la dent.  »  ; «  Pas appétissant ça  », etc.).

À partir de ce moment, plus aucune nouvelle de Daniel Giacomin n’est possible.

Son codétenu, par contre, n’est pas encore au bout de son calvaire. Il sera remis dans la cellule funeste, où il ne lui restera qu’à nettoyer les déjections et le vomi de son camarade. Le lundi, il est interrogé par le directeur du centre Pénitentiaire qui lui annonce la thèse officielle  : mort par overdose. Il sera interrogé plus tard par le médecin, le « docteur » Follet, qui ne cherche, lui aussi, qu’à camoufler la négligence criminelle de l’administration en étayant la thèse diffamatoire de la drogue. Tous les détenus qui connaissent Daniel Giacomin depuis plus d’un an sont formels  ; il y a longtemps que Daniel Giacomin a renoncé à la drogue, il s’est attaché à son fils, et il lutte pour mériter une nouvelle chance auprès des siens. Une fouille approfondie sera d’ailleurs menée dans les affaires du compagnon de cellule, sans résultat. Le lundi, aucune autopsie n’était encore pratiquée aux dires du service médical (mais la direction assurait la thèse de l’overdose) — on met moins d’une heure à mourir d’une overdose. Pas deux jours. Et il faut de la drogue, et il n’y en a pas. Que va inventer l’administration pour maquiller ses fautes, priver un petit garçon orphelin et une famille victime comme les autres de leurs droits légitimes à la vérité et aux poursuites contre les responsables de cette mort étouffée  ?

La liste est trop longue des suicides et morts suspectes à Longuenesse et elle s’accompagne du silence de plomb imposé par une administration obsédée de sa propre sécurité, et d’une vision strictement disciplinaire et matérielle des hommes. Aucune information n’est apportée, et le mépris est le seul discours audible.

L’incurie médicale du docteur Follet est marquée d’innombrables refus de soin, erreurs de diagnostics, manipulations. Combien de victimes faut-il prévoir  ? Toute mort suspecte devrait entraîner ipso facto une enquête  ; des mesures sanitaires devraient être prises.

À Longuenesse, aucune précaution d’hygiène ou de lutte contre l’infection n’a été prise, le compagnon de cellule n’a subi aucun examen médical ni appui psychologique, seulement des interrogatoires et une fouille humiliante.

Ces faits provoquent une vive émotion et une grande colère parmi les détenus. Ils révèlent des carences coupables du système de soins et des pratiques hypocrites d’une administration coupée de tout respect des droits de la personne, et du droit tout court. Ils veulent seulement que ces faits soient connus.

Des détenus écœurés

Post-scriptum

Ce texte est parvenu à la Commission Prisons d’Act Up-Paris, en août 1999.