Vacarme 10 / chroniques

ex nihilo

par

Le monde qui, celui-ci, est ici donné et rien d’autre, et qui ci-gît (cliquez ici pour ouvrir ce monde), tombé là d’une exhalaison noire d’énergie instantanée, onde élémentaire, déflagration de photons dans la densité d’un vide abîmé, en soi retourné sombre et sonore citerne : pur dehors de soi, large étalement craquant, déchirure de quarks, scansion métrique pulsée, jet sans projet, projection tous azimuts, création d’éclats, jection.

De rien fit poussée, fut poussé, excroissance à cru d’un bulbe d’univers, tubéreuse dilatée, crue de galaxies, expansion de constellations et de poussières, montée lacteuse exubérante, hyperbole exponentielle de mondes grouillant dans le monde, fait de rien, autant défait, occupant place aucune dans nul espace hors lui, tout de partout entretissé de liens de rien.

Matière pas même formée d’informe : mais informe moelle informée de rien. (« Qui mène ce monde malmené ? » : pas question, non, pas question, mais à corps et à cris se récrie.) L’âme du monde : ballon de gaz prêt à claquer.

Le temps se tend. Craque sans avoir commencé, tasse et casse une masse de présent sans passé, écarquille l’instant sans précédent, crevasse de rien.

Présent se tend hors du présent, cesse brutal d’être présent et d’être rien. Cesse d’être égal à soi, inerte trajectoire sur place. Cesse hurlant de rien, ne cesse pas, mais presse.

Sans modèle, sans référence, sans premier pas, sans provenance, sans possibilité de dire « sans » : puisque rien n’est là que de lui, de rien. Rien sans lui, et lui, de rien. Nuit ou puits, lui ne luit pas.

Monde tout pareil à celui-ci et que mon industrie fera surgir devant vos yeux, en telle sorte que vous ne le pourrez distinguer du vôtre. Sinon distinguer que de rien, et découvrir l’angoisse et l’espace.

Sursauts gamma, trous noirs, profusion d’immanence levée, pâte au four de quelque chose.

Minéraux spongieux fusionnés refroidis, croûtes liquides, fosses et pics, fougères, ombelles et prêles, osmondes, protozoaires, grands squelettes charnus, de rien, estomacs osseux, bêtes accouplées, bipèdes sans plumes, roseaux à gorge déployée, ombre d’une pensée, de rien.

Fresques et pieds d’argile, pots et poêles, sel, ouvrages mécaniques, érections, actions secrètes, incendies, trafic, commerce, marchandise, l’âme du monde : le monde lui-même, le monde même, de rien, d’une inexistence jusqu’au drame rejouée. L’aurore aux doigts de rose et l’homme au terrible savoir-faire. Tout un drame de rien.

Décharge d’immondice ouverte à la pelleteuse, orifice du monde. Déjections, carcasses, sentiments brisés.

Forêts vierges mais pas pour
longtemps, philosophies éléphantesques. Théologies remerciant obligées pour ce monde, et réponse : « de rien ». Matière inqualifiable et nul ouvrier qualifié. Casse ou bricolage à sec.

Matière bornée se bornant de partout. Bornant esprit. Expansion des choses infinies évaporée dans un parfum funèbre. Navettes, puces. Grand deuil, fracas, pleurs, grincements et os pourris : à peine fait de rien ça s’use, ça se ronge. Cancer serrant le cœur. N’a pas d’autre usage. Et rien à dire enfin. Enfin et surtout rien de rien. Rien à regretter ni attendre.

Pourquoi attendre ce qui déjà est là, de rien ? Quoi en attendre ? Un rien de plus, un rien en plus (il s’en faut de rien) : c’est un excès, ou un accès. De rien, à rien. On l’a toujours su, et l’on vient trop tard. Mais ça recommence toujours. Ça n’est jamais trop tard. Jamais à temps, toujours hors temps. Juste des écarts de cadence. Un temps, un seul, à contretemps, et voilà l’effarante réalité des choses.

Te voilà effaré hibou dans la nuit du grenier qu’une torche allume d’un coup. Pupilles dilatées éblouies de jour blanc qui révèle : rien que son éclat blanc. Optique en aiguille fichée cœur aveugle de l’œil saisi qui ci-gît ravi offusqué de rien. (Cliquez ici pour quitter.)