Vacarme 01 / éditoriaux

sur un quai de la gare de l’Est

par

c’est toujours la même histoire juive, entre Lemberg et la Place de la République, il commence : « mais pourquoi tu me dis que vous voulez lancer un nouveau journal politique pour me faire croire que vous ne faites rien alors que je sais bien que vous êtes en train de le faire ce journal,... ». L’histoire est infinie, mais le voici enfin ce journal politique, politique au sens le plus large, au sens d’une époque où la politique est d’autant plus essentielle qu’elle doit se faire modeste : moins le rêve d’un grand soir que l’énumération de tout ce qui fait que nous pouvons et voulons encore vivre ensemble, ici, en France, avec l’Europe toute proche, et le monde entier au dehors et encore, heureusement, un peu au dedans. Il s’agit donc, en principe, d’un journal critique, polémique, réflexif, généreux. En principe, parce que ce premier numéro n’est pas encore le journal dont nous rêvons, il n’a pas encore toute la légèreté et l’inconvenance que nous lui souhaitons, mais c’est déjà celui que nous sommes capables de faire, avec les moyens du bord : une équipe d’une trentaine de bénévoles qui ne sont pas des professionnels, quelques économies personnelles, le soutien de nos premiers abonnés (autour de 300 aujourd’hui), et une sérieuse envie de ne pas nous laisser enfermer dans nos passions privées et nos indignations muettes. Ce n’est pas grand-chose, c’est encore tout petit, mais après tout il faut bien se lancer, et une démocratie vivante, et un art fécond, et un monde humain, ont peut-être davantage besoin de multiplicités de petits groupes minoritaires, qui agissent à leur niveau, à la hauteur de leurs forces et de leurs désirs, que de colosses immobiles, de stars publiques et d’institutions prestigieuses, qui ne savent que promettre des exploits et des mondes meilleurs.

Nous aimerions nous inscrire au milieu de ces groupes qui ne se réclament que d’eux-mêmes, et prouver qu’il n’y a jamais d’excuse pour ne rien faire, quels que soient sa formation, son argent, son statut et son âge, quels que soient l’époque, l’effondrement des horizons, le chômage, les peurs, les souffrances, la nécessité de gagner d’abord sa vie.

Nous aimerions ainsi que ce journal s’adresse à tout le monde, qu’il puisse travailler avec d’autres, défendre et relayer tous ceux qui aujourd’hui ne peuvent admettre que la seule alternative soit entre le réalisme cynique et l’extrême-droite. Nous aimerions qu’il puisse faire un vacarme de tous les diables, avec mille voix différentes, audibles pourtant partout et par tous.

Mais cela dépend aussi de nos lecteurs, de vous. Nous publions ce premier numéro grâce à nos premiers abonnés qui nous ont soutenu et nous ont fait confiance. Nous ne pourrons durer et progresser que si d’autres nous envoient leurs critiques, mais d’abord s’abonnent, nous soutiennent, font abonner leurs amis. Un abonnement, pour vous, c’est réellement 6 numéros assurés de 80 pages. Pour nous, c’est déjà un soutien, matériel et psychologique, et le gage de notre indépendance. Alors, voilà. Achetez-nous, nous ne voulons pas nous vendre.