chapitre II : fils et filles de bundistes

LE GAMIN DE LA BUTTE QUI EMBRASSA LA CAUSE DU YIDDISH

Journaliste, historien, ancien président du Centre Medem, diplômé de l’École des Hautes Études en Sciences sociales, Henri Minczeles est spécialiste des communautés juives d’Europe orientale. Il raconte la prise de conscience de son identité juive durant la guerre et comment, plus tard, il a répondu à la question : comment revendiquer une identité juive socialiste, laïque, yiddishiste et diasporique !

PARIS, 1926

« Mon père est arrivé à Paris en 1924. Un an plus tard, il a fait venir ma mère à laquelle il n’était que fiancé. En 1926, je suis né, en 1931, ce fut mon frère. C’est aussi simple que cela. Je suis né dans un milieu yiddishophone, mais selon la volonté de mon père, nous nous sommes astreints à parler français au sein de la famille. Peut-être qu’en tant qu’émigré, il voulait faire un trait sur le passé. Il venait de Pologne, de Varsovie. Il avait eu des activités politiques au sein du parti communiste et était devenu persona non grata en Pologne. Il voulait rompre avec la langue du ghetto. La France représentait le pays de l’universalité par excellence, la patrie des Droits de l’homme et il a dit : je vais me franciser. Donc, chez nous, nous parlions français. Mais comme dans beaucoup de familles, entre eux, nos parents parlaient yiddish... Surtout quand il s’agissait de parler de nous. À la longue, autant dire que nous finissions par tout comprendre. Au point qu’ils avaient fini par se parler en polonais ! »

ENFANCE

« Nous avons vécu dans la dualité : une sorte de yiddishkeit diffuse à la maison ; et en même temps la francisation puisque mon frère et moi sommes allés à l’école communale. Nos copains étaient à la fois français non juifs et français juifs. Il y avait dès cette époque une double culture, une manière d’être à la fois juif et français. Parmi mes copains juifs, la plupart sortait d’un milieu yiddhishophone. Nous habitions le XVIIIe arrondissement, derrière la butte Montmartre, où était réunie une grande communauté juive immigrée d’extraction ouvrière. Mon père était ouvrier tailleur, par la suite il est devenu coupeur modéliste. C’était un milieu imprégné de la yiddishkeit. Cela a été mon premier contact, un contact un peu confus mais bien réel, avec le judaïsme et le yiddish. »

OCCUPATION

« Et puis est arrivée la guerre. Mon père a été arrêté, déporté à Auschwitz où il est mort. Nous avons vécu cachés. À part une interruption de quelques mois, j’ai passé toute la guerre à Paris. J’ai participé à la libération de Paris, mais cela c’est moins important. C’est à ce moment-là que naît le désir d’un retour vers un judaïsme réel. Une culture que je ne connaissais en rien, puisque j’avais grandi dans un milieu très laïc. La première fois que j’entends parler de synagogue, c’est en 1940 quand un attentat détruit une partie de celle qui était en bas de chez nous rue Sainte-Isaure.

L’occupation a constitué un choc provoquant un retour vers ma judaïté. Ce retour s’affirmait à chaque fois que s’affichait l’antisémitisme de la presse d’occupation. Je dis juif, et pas israélite, parce que je ne confondais pas avec les Juifs français qui étaient assimilés et pour qui le yiddish était un jargon qu’ils préféraient oublier. Pour moi, il s’agissait d’un retour aux racines. Parce que je m’étais posé la question, pourquoi les nazis avaient-ils voulu me tuer ? Cette question était une raison de plus pour affirmer son origine et son identité juives. »

YIDDISH ET ENGAGEMENT POLITIQUE

« À ce moment, je ne parle pas yiddish, disons que je l’ai à l’oreille, que les sonorités sont pour moi familières. À la Libération, avec des copains, je m’implique dans un mouvement socialiste juif, le mouvement des jeunesses du Bund. Depuis l’occupation, je militais clandestinement à la S.F.I.O. Probablement me serais-je complètement assimilé s’il n’y avait pas eu la guerre, mais Hitler en a décidé autrement. Avec la guerre, je m’étais imbibé de judaïsme. J’avais perdu mon père et la plupart des membres de ma famille qui habitaient Varsovie avaient été exterminés ou étaient morts du typhus dans le ghetto. C’est pour cela que je me suis senti pour la première fois juif. Le coup de pouce, ça a été mes amitiés, mes copains. C’est ainsi que je suis devenu à la fois juif, socialiste et bundiste. J’étais loin du sionisme. Je considérais qu’habiter en France et être juif était conciliable. Qu’il était possible de vivre dans ce pays qui m’avait vu naître. Et puis j’avais confiance en l’humanité. Vous voyez, le genre « les lendemains qui chantent ». Socialistes, on était tous plus ou moins internationalistes. C’était le vent de l’époque. Je n’avais donc aucune envie de partir pour Israël. Tout en considérant que ceux qui partaient avaient des motivations tout à fait valables puisqu’ils voulaient totalement rompre avec l’Europe, avec ce qui s’y était passé, toutes ces horreurs qu’on avait traversées.

Il ne s’agissait pas de se prétendre simplement juif. Ce n’était pas un label. Il fallait retourner aux sources, retrouver ses racines. Et pour moi, ces racines étaient toutes trouvées : il s’agissait de revenir au yiddish, d’apprendre un yiddish qui était jusqu’alors entendu pour devenir un yiddish lu et écrit. C’est comme cela que j’ai vraiment appris le yiddish après-guerre. J’avais déjà une vingtaine d’années. Puis j’ai épousé ma femme qui venait d’un milieu très bundiste, très yiddishiste. Il faut faire la différence : parler yiddish et être yiddishiste, ce sont deux choses différentes. Être yid- dishiste, c’est avoir une volonté de connaître la culture yiddish. Il y a un mot pour cela, on parle de yiddishkeit. J’ai perfectionné mon yiddish suffisamment pour déchiffrer les bouquins qui m’intéressent.

Le point de repère religieux ne pouvait exister puisque je n’étais pas croyant. Il me restait l’autre repère, le repère linguistique, qui a servi de substitution, est devenu une forme de judaïsme. Pour les bundistes et pour tous ceux pour qui la langue a été un substitut de territoire, dans la mesure où grâce à elle existaient une histoire commune et une littérature yiddish. »

DIASPORA

« Le yiddish a subi le destin d’une langue diasporique. Parce qu’une langue qui s’appuie sur la structure d’un État comme l’hébreu en Israël a plus de possibilités de se défendre et de perdurer. En ce qui concerne une langue forgée par des Juifs disséminés dans le monde entier, il y a beaucoup plus de vulnérabilité. Mais, à la limite, c’est un faux problème. Parce que la vulnérabilité n’empêche pas une langue de résister pendant des siècles. Prenez le judéo-espagnol, la langue parlée par les Juifs d’Espagne avant qu’ils ne soient chassés de la péninsule en 1492. Et bien en cette fin de XXe siècle, il subsiste des îlots où des communautés parlent encore cette langue.  »

LA TRAGEDIE

« Il ne faut pas négliger que le yiddish fut une langue importante, parlée par une grande majorité de la population juive d’Europe. En 1939, on évalue à 11 millions le nombre de yiddishophones pour une population juive qui à travers le monde avoisinait 16 à 17 millions de personnes. Le yiddish n’a pas connu un échec, il a été victime d’une tragédie. Ou plutôt de trois tragédies qu’il ne faut pas mettre sur un même plan. La première, c’est tout simplement la Shoah, l’extermination de cinq millions de yiddishophones. La deuxième tragédie se déroule en Union Soviétique. Avant, pendant et après la Shoah, le yiddish a subi un véritable génocide intellectuel. À partir de 1936/1937, dans le cadre de la doctrine soviétique qui vouait à l’anéantissement toute pensée minoritaire, une grande partie des locuteurs du yiddish et toute son intelligentsia sont laminées. Le troisième événement est très différent et concerne la création d’Israël qui choisit de faire de l’hébreu la langue officielle du nouvel État. L’hébreu, après tout pourquoi pas, c’était la langue multiséculaire du peuple juif qui, même s’il ne le parlait pas, l’étudiait dans les livres. Il s’agissait à la fois d’un choix politique et d’un choix linguistique. Tous les Juifs ne parlaient pas yiddish... Ne serait-ce que les Séfarades. La raison politique, c’est que les sionistes ont considéré à tort ou à raison que le yiddish était plutôt la langue de la diaspora alors que le rassemblement des exilés en Palestine devait être fondé sur une langue fédérative : l’hébreu. »

CULTURE ET POLITIQUE

« Beaucoup d’autres raisons expliqueraient l’érosion de la langue yiddish. Dans l’immédiat après-guerre s’est produite une fugace mais réelle renaissance du yiddish. Beaucoup de gens se sont mis à raconter la guerre. Il a existé une littérature autour de l’holocauste. Il y a une renaissance de la presse et le désir de jeunes gens — comme moi alors — de renouer avec leurs racines. Ce désir est surtout culturel. Mais il est difficile de parler de culture en faisant mine d’oublier le politique. Les choses sont indissolublement liées. Dès l’instant où vous vous intéressez au yiddish, il y a engagement politique. La symbiose est naturelle. Après-guerre, j’ai pu reprendre des études supérieures interrompues par la guerre. Je me suis intéressé à la culture yiddish et plus tard à Vilno, la Vilnius d’aujourd’hui [1]. J’ai cherché à comprendre pourquoi c’était là qu’était né le mouvement bundiste, pourquoi Vilno avait été le grand centre de la culture yiddish, pourquoi parler yiddish était un honneur et non pas une honte dans cette ville. »

INFAILLIBLE DETERMINATION D’UNE JEUNE MONITRICE DEVENUE MILITANTE COURAGE

Jacqueline Gluckstein a grandi dans une famille très attachée au mouvement bundiste. Au lendemain de la guerre, elle est monitrice dans des camps de vacances où elle enseigne le yiddish à des enfants dont beaucoup ont vu leurs parents déportés. Elle raconte cette initiation politique et les raisons de son attachement au yiddish.

UNE CERTAINE IDEE DE LA FRANCE

« Il n’y a pas eu de prise de conscience du rôle et de l’importance du yiddish. Je n’ai pas été attirée, à un moment ou à un autre, par la langue puisque j’étais née dedans. Il n’y a jamais eu de choix. Bien que je sois née à Paris, le yiddish est ma langue maternelle, bien avant le français que je découvre à la maternelle. Mes parents sont arrivés à Paris en 1925. Quand on demandait à mon père s’il était polonais, ses yeux exprimaient la révolte : il était Juif venu de Pologne. Il ne parlait pas polonais mais yiddish, c’était sa langue. Mes parents ne sont pas arrivés en France par hasard, c’est le pays qu’ils avaient choisi. Ils avaient en tête l’idée d’une certaine France, celle des Lumières, de Zola, d’Anatole France. Ils sont venus avec une authentique volonté d’intégration. D’intégration, pas d’assimilation : l’école de la IIIe République, c’était important pour eux, mais le yiddish, c’était le pain que l’on mange tous les jours... »

ENFANTS DU S.K.I.F.

« Dès 1946, quand je deviens monitrice et que j’enseigne le yiddish aux enfants, j’ai le net sentiment de chercher à sauver quelque chose. Qu’il faut faire quelque chose et le faire vite.

Après-guerre, nos parents nous inscrivent au S.K.I.F. où nous parlons également yiddish. Le Sotsialistischer Kinder Farband, l’Union des enfants socialistes juifs, est un mouvement créé en 1926 destiné aux enfants de six à quatorze ans. Il est affilié à la Fédération internationale des Faucons Rouges, les enfants socialistes de tous les pays. Nous y apprenons les principes de solidarité, de responsabilité et de fraternité. On y apprend à écrire, à lire en yiddish à travers des chansons ou de petites pièces de théâtre. Dès août 1945, le S.K.I.F. organise à nouveau des camps de jeunesse.

Mouvement créé par les immigrants bundistes venus d’Europe orientale, cette organisation était politisée. Politisée, ça voulait dire socialiste, juive, yiddishisante, laïque — et diasporique après la création d’Israël. Il y avait surtout la mixité. C’était très important en 1945.

Ces camps rassemblaient des enfants de tous les pays. Nous, nous étions français, mais représentions les enfants juifs du monde entier. Nous arrivions dans les camps en entonnant des chants en yiddish, même si notre langue était déjà le français. Cette expérience nous a persuadés assez jeunes qu’il fallait défendre cette langue qui était la nôtre. Bien sûr, la question ne se posait pas dans les termes d’aujourd’hui, mais il était déjà évident qu’il fallait défendre la langue. Une langue assassinée, parce que la Seconde Guerre mondiale signifie d’abord un génocide, puis un ethnocide. On a tué des individus qui parlaient yiddish. On a assassiné dans l’œuf nombre de créateurs.

Après-guerre, je deviens monitrice à mon tour. Entre 1945 et 1950, il n’y a pas besoin d’enseigner le yiddish aux enfants. Une grande partie d’entre eux ont eu leurs parents déportés et exterminés ; ils avaient entendu parler yiddish à la maison, mais ne l’entendaient plus. Nous enseignons alors la lecture et l’écriture. Dans les années soixante, ce sont des petits enfants de yiddishophones qui arrivent dans les organisations. Ils peuvent encore chanter une chanson en yiddish, mais ne comprennent plus la langue... »

RELEVE

« Tant que nos parents sont au Cercle Amical Vladimir Medem, nous n’en faisons pas partie. Même si nous essayons à un moment de faire naître un Cercle Amical de la jeunesse. À cette époque, nous sommes seulement des consommateurs des activités du Cercle Amical. Mais il y a une vingtaine d’années, nos aînés se sont sentis fatigués et nous ont demandé de prendre le relais. S’occuper du Cercle Amical n’était peut-être pas notre rêve, nous menions tous des vies très actives. Mais nous n’avons pas eu le choix finalement. Nous avons d’abord cohabité avec les aînés. Les réunions se font alors en yiddish parce que c’est leur langue et que leur français, après quarante ans passés en France, est toujours difficile à comprendre !

À côté du Cercle Amical, nous avons créé le Centre culturel Vladimir Medem qui, lui, fonctionne en français. Si on voulait continuer avec des plus jeunes, il fallait continuer en français. Sinon plus personne ne serait venu. Il y a eu alors cohabitation entre les plus âgés qui continuaient à se réunir en parlant yiddish et les jeunes qui utilisaient le français. »

ISRAËL

« Il y aurait pu avoir un espoir avec la naissance d’Israël. Mais l’hébreu fut choisi comme langue officielle. C’était un choix compréhensible puisque le yiddish n’était pas la langue de tous les Juifs. Cela étant, le yiddish aurait pu devenir une seconde langue de l’État juif. Mais l’ostracisme a été terrible. En 1970, il y avait encore beaucoup de gens dans la rue pour me demander de ne pas me servir du yiddish. Il y avait une sorte de vraie haine. Cela fait partie des raisons — en dehors des choix politiques — pour lesquelles je ne me reconnais pas du tout dans l’État hébreu. Quand on est diasporique, cela signifie quelque chose de précis : avoir choisi de vivre en France, notre pays, et lutter pour notre culture, notre identité de là où nous sommes. Si Israël avait choisi de faire du yiddish sa deuxième langue, le destin de cette langue aurait peut-être été différent. En l’occurrence, il s’est agi d’un nouvel assassinat de la langue. Israël a pris trop tard conscience de cette politique. Il existait la possibilité de mettre en place une politique différente. J’arrive à comprendre le choix de l’hébreu et la volonté d’imposer une seule langue, mais une telle politique a aidé à enterrer ma langue. »


« mon village »

Cela commence dans les années trente. Les premiers arrivés se font vieux. Alors ils pensent que ce serait bien de faire comme au shtetl, de se retrouver ensemble après la mort.

Jacqueline Gluckstein : « Les anciennes communautés villageoises d’Europe orientale se sont reconstituées à Paris pour mettre leurs économies en commun et acheter des caveaux collectifs dans le carré juif. À Bagneux par exemple. Des associations sont nées uniquement autour de ces caveaux. Des organisations juives se sont mises à leur tour à acheter des caveaux. Chaque année, elles organisaient un bal pour alimenter la caisse qui financerait le monument et la concession. Le Cercle Amical n’était pas né autour d’un tel projet, mais ses plus anciens militants ont ressenti la nécessité d’acheter un premier caveau. C’était en 1938. Il y avait aussi une raison économique parce qu’un caveau, cela coûtait très cher. Aujourd’hui, nous en sommes à notre quinzième caveau ! À Bagneux, nous avons également fait élever un monument pour ceux de nos camarades qui ont été déportés.

La plupart des membres du Arbete-Ring [2] qui ont survécu à la guerre sont enterrés dans nos caveaux. À quelques exceptions près... Parce que certains se sont retrouvés littéralement déchirés quand ils ont dû décider s’ils choisissaient d’être enterrés avec les gens de leur village natal ou avec les camarades du Bund. Voilà, ce n’était pas notre vocation, mais nous avons hérité de ces caveaux et nous nous en occupons. Pour moi, Bagneux, c’est là où se trouve mon village. »


Der Algemayner Yiddisher Arbeiterbund in Russland un Poyln

HISTOIRE DU BUND

Le congrès constitutif du Bund se tient à Vilna (Vilnius) — alors en Russie tsariste - du 7 au 9 octobre 1897. L’ambition du mouvement est de regrouper les travailleurs juifs dans une organisation unique destinée à combattre à la fois l’oppression capitaliste et les discriminations raciales et nationales. Les participants baptisent le mouvement Der Algemayner Yiddisher Arbeiterbund in Russland un Poyln, « l’Union générale des ouvriers juifs de Russie et de Pologne », auquel s’ajoutera le nom de la Lituanie en 1901. Le terme Bund qui signifie « union » ou « ligue » est préféré à celui de parti jugé moins mobilisateur parce que trop politique.

En quelques années, le mouvement connaît un développement spectaculaire. Des milices sont armées pour empêcher les pogroms et de nombreuses grèves emmenées par le Bund sont couronnées de succès. Inscrivant son action dans la sphère politique, le Bund offre pour la première fois une identité laïque au peuple juif. Mais ses positions sont vite décriées de tous bords : par les sionistes auxquels ils s’opposent directement, mais également par les mouvements religieux, les communistes, les libéraux. Le Bund traverse la tourmente des révolutions russes, celle de 1905, puis celle de 1917. Lénine s’acharne contre lui, l’accusant de séparatisme et de natio- nalisme. Pendant la Seconde Guerre mondiale, le Bund polonais prend une part active à l’insurrection du ghetto de Varsovie. En Europe de l’Est, ses derniers membres disparaissent dans les purges staliniennes. Le mouvement survit de manière marginale en Europe occidentale et en Amérique. Le Centre Medem est l’héritier du mouvement bundiste.

D’après Histoire générale du Bund - Un mouvement révolutionnaire juif, Henri Minczeles, éditions Austral, 1995.


Un triptyque communiste, socialiste et sioniste

La presse quotidienne yiddish en France

Après 1945 le yiddish connaît une brève renaissance avec l’arrivée d’une ultime vague d’immigration en provenance d’Europe orientale où 200 000 Juifs avaient survécu à la guerre et croupissaient dans des camps pour personnes déplacées. 30 000 d’entre eux arrivent alors en France. Dans ce contexte, la presse yiddishophone connaît un regain de dynamisme. À côté de plusieurs magazines, ce sont trois quotidiens yiddish qui coexistent à Paris durant une vingtaine d’années : Die Neue Presse, d’obédience communiste, qui existait déjà avant-guerre et redevient quotidien dans les années cinquante ; Undzer Wort — Notre Parole, d’inspiration sioniste, qui s’appelait Paris aujourd’hui avant 1940 ; enfin le quotidien bundiste, Undzer Shtime — Notre Voix. Mais les lectorats de ces trois quotidiens ne se renouvellent plus. Die Neue Pressedevient hebdomadaire, puis mensuel avant de disparaître. Puis c’est au tour de Undzer Shtime et enfin de Undzer Wort, au mois de juin 1996. Ce déclin progressif mais irrémédiable ne constitue pas une exception française. La plupart des communautés yiddishophones ont vu le nombre de leurs publications diminuer : Forverts (Forward), le grand quotidien yiddishophone nord-américain, voit ses lecteurs passer de 250 000 à moins de 15 000 aujourd’hui.

Notes

[1Vilna, Wilno, Vilnius : la Jérusalem de Lituanie, Henri Minczeles, éd. La Découverte, 1993.

[2« Ne vous inquiétez pas », s’amuse Jacqueline Gluckstein, « nous aussi avons du mal à nous repérer dans le dédale des associations hébergées par le Centre Medem. De toutes les manières, même le Cercle Amical n’est pas « cercle amical », puisque son nom officiel est Arbete Ring, ce qui veut dire « cercle des travailleurs ». Avant-guerre, il y avait beaucoup de cercles ouvriers, on a donc traduit Arbete Ring par Cercle Amical. Ce qui nous vaut parfois quelques déboires ! Mais quand on dit Medem, on sait que l’on parle de la même famille, une sorte d’appellation contrôlée. Et on ne change pas de nom par sentimentalisme. »