pour une langue bègue cinq rêveries autour du yiddish

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I. Le jargon des bonnes femmes

Cela se passe d’abord en Allemagne, puis en Pologne, en Lituanie, en Galicie, en Biélorussie ; on est à la fin du XVIIIe siècle, ou au début du XIXe. Des lettrés ont engagé un combat pour la « régénération » de la société juive. Par là, ils entendent la sortie spirituelle et matérielle du ghetto. Ce sont des rationalistes militants, qui se réclament des Lumières. Le nom qu’on donne à leur mouvement en est la traduction hébraïque littérale : la Haskalah. On les appelle les Maskilim.

Les Maskilim savent que la question des langues est au cœur de l’expérience juive. Il y a la langue du pays où l’on vit, mais c’est la langue de ceux qui ne veulent pas des Juifs : elle est le plus souvent mal comprise et mal maîtrisée par des communautés dépourvues de droits. Il y a l’hébreu, qui est la langue sacrée, mais elle est restée figée dans les origines, totalement exclue de l’expression quotidienne : c’est une langue qu’on ne parle pas. Et puis il y a le yiddish, la langue maternelle, parlée par plusieurs millions de personnes. À rebours du réel, les Maskilim estiment pourtant qu’elle ne saurait être la langue du peuple juif. Ils en ont fait un cheval de bataille.

À rebours du réel ? C’est trop vite dire. Les Maskilim connaissent d’expérience les effets de la discrimination linguistique. Ils pensent avec Rousseau, que « toute langue avec laquelle on ne peut se faire entendre au peuple assemblé est une langue servile ; il est impossible qu’un peuple demeure libre et qu’il parle cette langue là ». Leur réflexion est de part en part politique, qui attribue la servilité du peuple à la langue elle-même. Elle l’est aussi quand la pensée de la langue emprunte chez eux des termes explicitement esthétiques et éthiques. En 1860, on peut lire, en russe, dans Racviet, un journal juif issu de la Haskalah, que le yiddish est « un jargon plein de déchets qui sonne désagréablement ». Quatre-vingts ans plus tôt, Mendelssohn parlait d’un « langage de bègues, corrompu et déformé, répulsif aux yeux de ceux qui sont capables de parler d’une façon élégante et ordonnée ». Wessely reprenait à son compte la métaphore : « Nous sommes des bègues ; nous avons mélangé la langue des nations. » Lefin l’explicitait par la catégorisation sociale — le yiddish est « la langue des concubines et des domestiques » — et Levinsohn par la description morale — c’est une langue « totalement dépravée car il s’y mêle des mots estropiés tirés de l’hébreu, du russe, du français, du polonais, tant et si bien que les mots allemands originels sont clairsemés et écorchés ».

Les déclarations des Maskilim sur le yiddish font jouer les métaphores, en glissant indifféremment de la référence à ceux qui parlent dans la langue à la description de la langue elle-même : la langue des bègues est une langue qui bégaie ; la langue de la racaille est une langue corrompue. Leur pensée procède d’une caractérologie de la langue. Mais ils dressent aussi un étonnant décor de cour des miracles : des parias et des putains, des estropiés, des malades, des domestiques — tout un programme pour la rubrique des minorités de Vacarme.

Jacob Glastein était un poète juif immigré dans les premières années du XXe siècle à New York. En 1921, il consacre au yiddish un de ses textes, qui reprend à son compte en la retournant joyeusement la description dégradée des Maskilim : « Notre langue de brouhaha / Triste bric à brac et fatras / Notre fracas notre tracas / Notre lettonique et lituanique / Jargonino. » Langue vacarme, langue minoritaire d’une minorité, voilà le yiddish « jargonino ». Le suffixe mime cette aptitude de la langue à cuisiner des mots empruntés, à les soumettre à sa propre flexion. Avant le suffixe, il y a l’autre nom du yiddish, celui qu’on lui donne pour le récuser : le jargon — l’argot de la pègre, des gueux et des mendiants. Les définitions qu’en donne le Robert condensent à elles seules tout le procès que fait au yiddish la Haskalah : « Langage corrompu, déformé, fait d’éléments disparates / Langue artificielle employée par les membres d’un groupe désireux de n’être pas compris des non-initiés. »

Entre éthique et linguistique

Dire d’une langue qu’elle est corrompue, c’est supposer qu’il est des langues pures, et situer dans le même temps la pureté du côté de l’origine. Au cœur de la question des langues est tapi le rêve du paradis, de ce temps fermé d’avant Babel où le mot coïnciderait avec la chose, où le discours de chacun serait immédiatement et intimement entendu par tous. Maurice Olender a bien montré comment se constituait, entre le XVIIIe et le XIXe siècle, un couple gémellaire antinomique fait de l’hébreu et du sanscrit (qu’on dira aussi aryen, indo-germain, indo-européen), chacune de deux langues se disputant le privilège de l’origine. La pensée des langues de l’intelligentsia juive allemande de la Haskalah incarne peut-être plus intimement que toute autre ce conflit. Les termes par lesquels Mendelssohn décrit la langue allemande reprennent, par un effet de spécularité troublante, ceux qu’il emploie à propos de l’hébreu : toutes deux sont langues de l’« ordre », de la « rigueur » et de la « régularité ». Mais c’est précisément parce qu’elles diffèrent radicalement qu’elles peuvent prétendre se mesurer à la même aune. Toutes deux, elles ne ressemblent qu’à elles-mêmes : elles sont « pures de tout mélange ». Elles dessinent, en creux, la malédiction du yiddish : langue « manteau d’Arlequin » qui ressemble à la fois trop à l’hébreu et trop à l’allemand, elle semble renvoyer à chaque « grande » langue son image grotesque et déformée — le yiddish abîme le vrai allemand comme il écorche le pur hébreu. Il fait la tambouille, comme on dit qu’il y a un latin de cuisine.

Cette pensée de la langue est strictement idéologique. Par une de ces perversions dont regorge l’histoire des sciences, c’est à la germanistique du XIXe siècle qu’on doit l’ébauche d’une philologie du yiddish : une génération de savants qui considère le yiddish comme une langue « semi-bestiale » l’aborde comme l’archive dégradée du vieil allemand. C’est une erreur : dès l’origine, le yiddish diffère de l’allemand par sa grammaire et son lexique. Mais cette erreur fonctionne comme une légitimation scientifique du mépris de la langue, c’est-à-dire avant tout de ceux qui la parlent.

Sans doute, le yiddish emprunte à toutes les langues parlées dans les pays traversés par un peuple en diaspora. Mais parler d’emprunt, c’est déjà verser dans la métaphore : non loin de l’emprunt, le vol. Dans son Discours sur la langue yiddish, Kafka reprend l’image pour la valoriser : le yiddish « ne se compose que de vocables étrangers, mais ceux-ci ne sont pas immobiles au sein de la langue, ils conservent la vivacité et la hâte avec laquelle ils furent dérobés ». L’image demeure néanmoins, et inscrit le yiddish dans une longue histoire du forfait. De la langue voleuse, il n’y a qu’un pas à la langue des voleurs, par un de ces effets de glissement métaphorique qu’on a vus plus haut. Tel criminologiste de Lubeck édite, entre 1860 et 1880, deux ouvrages comprenant un lexique, une grammaire et des textes yiddish à l’intention des juges et des policiers. C’est que la corruption langagière est une corruption morale : l’argumentation est parfaitement circulaire, puisque les prémisses sont aussi les conclusions. Cette langue a toujours à voir avec de l’autre, du dehors. D’elle, on voudra croire, à tort, qu’elle est dépourvue de grammaire. C’est une langue sans règle parlée par des irréguliers — ce qu’il fallait démontrer.

C‘est dans ce contexte qu’il faut aussi entendre l’hostilité des Maskilim à l’égard du yiddish : il est la trace de leur destin diasporique, le signe de leur exclusion. Parce qu’il n’y a pas de fatalité à cette exclusion, il faut se débarrasser de la langue qui fait obstacle à toute espèce de participation sociale. Certains reprochent aujourd’hui aux Lumières juives d’avoir conduit à l’assimilation. Ils ne la voulaient pas totale, sans doute : ils préconisaient un recours à l’hébreu, « seul lien capable d’assurer sa cohésion à la maison d’Israël répandue en différents pays » (Wessely). Mais le mouvement qu’ils lancèrent les dépassa, quand l’intelligentsia, en quelques années, se retrouva monolingue, coupée de la réalité linguistique des masses juives.

II. « En danger les langues trop belles »

En pleine guerre, Hannah Arendt a rédigé un petit texte intitulé « We refugees ». Elle y fait le portrait d’un Juif assimilé qui aura été résolument allemand, résolument viennois, résolument français, et qui finit par faire la constatation désolée qu’« on ne parvient pas deux fois ». Alors, écrit-elle, « l’histoire n’est plus pour lui un livre fermé, et la politique cesse d’être le privilège des Gentils. Il sait que la mise au ban du peuple juif en Europe a été immédiatement suivie de celle de la majeure partie des peuples européens. Les réfugiés chassés de pays en pays représentent l’avant-garde de leur peuple. »

À moi, le démon de l’analogie. Et si le débat sur le yiddish permettait d’éclairer, avec plus d’un siècle d’avance, la question des langues en général. Et si cette langue apparemment marginale méritait d’être considérée comme une figure centrale de notre histoire linguistique et politique. Corrélativement : et si le yiddish lui-même, comme langue carrefour, langue de fusion, langue essentiellement nomade, pouvait être envisagé comme une avant-garde des langues — au sens où elle éclairerait ce que les mythologies linguistiques s’efforcent de masquer : il n’y a pas de dénaturation des langues, parce qu’il n’y a pas davantage de « nature » et que toute langue est sa propre histoire. À l’instar du yiddish, toute langue fait jaillir sa consistance de l’hétérogénéité, du frottement avec d’autres langues et de la rencontre avec autrui. Ce que dit Henri Michaux dans Poteaux d’angle  : « Des langues se font, se détachent. [...] En danger les langues trop belles. Lente et sourde, la guerre des langues. Présentement, elle reprend autrement. »

Il paraît — on le dit beaucoup — que la langue française est en danger. En danger d’anglicisation ; en danger de dénaturation ; fragilisée, en tous cas, par une domination politique, économique et culturelle qui viendrait d’ailleurs. Il y en a sans doute qui ricanent, dans les provinces françaises, dont les grands-parents leur ont raconté le sabot qu’on mettait autour du cou des écoliers de la IIIe République pris en flagrant délit d’usage de leur « patois ». En Bretagne, un panneau indiquait à l’entrée des lieux publics qu’il était interdit « de cracher et de parler breton ». En danger, donc, la langue française.

La « maladie » de la langue

Encore faut-il identifier les fauteurs de trouble. Le français a son armée du crime, qui n’a de cesse de le « dénaturer ». La liste est longue, au cours du siècle, de ceux qui récrivent ad libitum le scénario catastrophe. 1900, Rémy de Gourmont, dans Esthétique de la langue française, prophétise : « La langue française sera un crachoir international. » La faute en est aux « barbares ». Le mot, déjà, ne dit rien d’autre que la guerre des langues : car le barbare, pour les anciens Grecs, est celui qui émet des sons incompréhensibles : « bar... bar... ». Il en va de même de tous ceux qui baragouinent : en breton, bara veut dire « pain » et gwin« vin » — le baragouin, pour ceux qui ne sont pas d’« ici », le terroir du seigle et du sarrasin ; la langue de l’autre.

A l’autre bout du siècle, Maurice Druon, ministre des Affaires culturelles sous Pompidou, reprend en 1994 la même antienne : « Aujourd’hui, les seuls vrais ennemis de la langue française sont en France »  ; ces « pollueurs » sont « ceux qui informent et ceux qui forment ». Ce que disent aussi, dans un dossier du Figaro« sur la langue française » daté de 1996, Jacqueline de Romilly et Hélène Carrère d’Encausse : l’origine de « la corruption de la langue française aujourd’hui » est à chercher dans « les méthodes de l’enseignement ». Michel Serres est de la partie, qui écrivait récemment dans Le Monde de l’éducation, sous le titre un peu pathétique de « La langue française souffre » que ceux qui cèdent à la facilité de l’anglicisme sont des « collabos », parce qu’ils « imitent les puissants ».

Leur défense de la langue française est une langue de bois. À trop confondre la civilisation avec l’imparfait du subjonctif, on en vient à voir de la décadence partout. En 1906, Lanson leur répondait d’avance que « chaque génération s’est élevée contre la corruption du langage ». Car le français n’est pas mort des vagues successives d’anglicismes qu’il connaît depuis le XVIIIe siècle. Il n’a pas davantage succombé à la mode italianiste que stigmatise Henri Estienne : « Le grand désordre qui est en nostre langage procède pour la plus part, de ce que Messieurs les Courtisans se donnent le privilège de légitimer les mots françois bastards, et naturalizer les estrangers. » On est en 1566, déjà.

Ce qu’on dit de la langue est aussi ce qu’on pense du social : crainte du métissage, méfiance à l’égard de l’étranger, envisagé sous les auspices du danger ; et mépris du vulgaire, qui dénature le « génie » de la langue.

Ce faisant, on feint d’ignorer que la langue ne se réduit pas à la grammaire. On oublie qu’une langue n’existe que de son usage et de ses pratiques. On ignore surtout qu’il est impropre de parler de « langue en crise », puisque la crise est la condition même de la langue : son régime et son existence.

Faut-il le rappeler ? Le yiddish aujourd’hui ne doit pas sa fragilité à sa trop grande surface d’accueil. Pour qu’il soit moins parlé aujourd’hui, il fallait qu’il y eût mort d’hommes : cinq millions de yiddishophones sont assassinés dans les camps. Cela n’a rien à voir avec le génie de la langue. Le yiddish n’en a pas, sans doute. Et ceux qui parlent du génie pour certaines langues prennent l’histoire pour le destin.

III. Des langues en guerre

« Quelle est donc ma langue, enfin ? Quelle est la langue du Juif ? On peut déclarer la question vaine, je le sais bien, insoluble et mal posée. »

A. Memmi, La Libération du Juif

J‘ignore si la question de Memmi est vaine ou mal posée. Je ne suis pas juif ; je ne suis pas davantage né dans un pays dont la langue majoritaire n’était pas ma langue maternelle ; et je n’ai pas eu à souffrir de discriminations liées à l’usage de ce que je tiens pour « ma » langue.

Je sais en revanche que j’ai beaucoup rencontré cette question, depuis que l’idée d’un dossier sur le yiddish s’est imposée. Régine Robin, dans Le Cheval blanc de Lénine : « Ce qui me gênait dans le sionisme, même de gauche, c’était la dépossession de soi qu’il impliquait — il fallait apprendre une langue étrangère — l’hébreu. » Kafka, dans une lettre fameuse à Max Brod, à propos des écrivains juifs de Prague : « Ils vivaient entre trois impossibilités (que je nomme par hasard des impossibilités de langage, c’est plus simple, mais on pourrait aussi les appeler tout autrement) : l’impossibilité de ne pas écrire, l’impossibilité d’écrire en allemand, l’impossibilité d’écrire autrement, à quoi on pourrait presque ajouter une quatrième impossibilité : l’impossibilité d’écrire. » Kafka encore, qui note dans son journal : « Je dors véritablement à côté de moi. »

Quelle langue pour les Juifs ? L’hébreu est dépassé et le yiddish est vulgaire. Reste la langue du pays, et il est significatif que l’intelligentsia juive du XIXe siècle ait, dans le sillage de la Haskalah, opté d’abord dans sa majorité pour la langue de l’assimilation. Dans un premier temps, en tous cas. Car le renouveau du yiddish dans la seconde moitié du XIXe siècle tient pour une large part à la conjonction de deux approches de la question de la langue, également traversées par la problématique identitaire : le champ littéraire et l’espace politique.

Shalom Jacob Abrahmowitsch avait écrit des romans en hébreu. Dans son autobiographie, il dit le risque que représentait le fait de tenter une littérature dans une langue illégitime : « Cette question — « pour qui je travaille » — ne m’a pas laissé en repos, parce qu’à mon époque la langue yiddish était un tonneau vide. » À partir de 1864, Abrahmowitsch écrira en yiddish sous un pseudonyme qui est à lui seul une déclaration d’intention : Mendele Mokher Seforim — Mendel le Colporteurs de Livres. Après lui peuvent venir Shalom Aleichem, et surtout I. L. Peretz.

À côté de la littérature, avec elle peut-être, la question de la légitimité de la langue yiddish fait son entrée dans un champ explicitement politique. Il faudrait raconter l’histoire en détails. Je la résumerai à grands traits, en renvoyant au livre magnifique de Régine Robin, L’Amour du Yiddish, auquel cet article doit beaucoup — auquel le passage qui suit doit tout.

Une brève histoire

En (très) gros, il y eut deux mouvements, qui prennent forme exactement au même moment : août 1897, le premier congrès constitutif de l’Organisation sioniste mondiale se réunit à Bâle ; septembre 1897, l’Union générale des ouvriers juifs de Pologne et Russie, dite le Bund, est créée à Vilna. La coïncidence des dates n’en est une qu’à moitié : ces deux mouvements marquent une égale rupture avec le judaïsme traditionnel. Ils sont intimement liés à la décomposition de l’ancienne communauté juive telle qu’elle était organisée dans le Shtetl, sous le coup des grandes poussées migratoires et de l’industrialisation ; mais ils tirent surtout leur exigence de la violence des pogroms des années 1880, qui semblent condamner la tentation assimilationniste des Maskilim. Deux issues contemporaines radicalement opposées sont alors inventées : le sionisme, produit du nationalisme moderne ; le Bund, issu de la pensée socialiste en milieu ouvrier.

Du point de vue strictement linguistique, les sionistes de stricte obédience s’inscrivent dans la lignée de la Haskalah : le yiddish est un jargon qui n’appartient pas « en propre » aux Juifs ; il est la marque d’une aliénation dont ils ne pourront se défaire que par la promotion de l’hébreu. Nous seuls, disent-ils en substance, ne connaissons pas l’amour de la langue maternelle, car elle n’est pas nôtre : elle est la tache, en nous, de la diaspora. Elle est le signe pour un peuple qui n’est pas né d’hier de l’oubli de sa propre culture. C’est pourquoi il faut développer le « besoin » de langue de ce peuple, tant il est vrai qu’une langue nationale doit être le véhicule de « l’expression nationale à travers les âges ».

La radicalité de la posture linguistique des sionistes se heurte cependant à deux problèmes : parce qu’il n’est pas parlé dans le peuple, l’usage de l’hébreu fait obstacle à une diffusion massive de l’idée sioniste. Surtout, l’hébreu est une langue encore inadaptée à la modernité.

C‘est pourquoi les bundistes ne peuvent opter pour l’hébreu, que méconnaissent largement les masses juives. Reste que leur position est, du moins au départ, plus pragmatique. D’abord assimilationniste sur le plan linguistique, parce que la lutte des classes doit l’emporter sur la logique nationalitaire, le Bund va devenir, sous la pression des nécessités de la diffusion des idées socialistes, champion de la promotion du yiddish comme langue politique, culturelle et nationale. La politique systématique d’alphabétisation, de formation et de traduction qu’il mène précède en ce sens toutes ses prises de position théoriques quant au statut du yiddish. Ce faisant, il contribue à créer une véritable tradition culturelle yiddish : en 1907, dans un article intitulé « L’Espoir » (Di Hofenung), un militant du Bund peut écrire qu’« il n’y a pas si longtemps, un débat furieux faisait rage, opposant la maîtresse (la langue sacrée) et la domestique (le jargon). [...] Aujourd’hui, tout ce débat fait sourire. Le yiddish n’a plus besoin d’avocat. Mais il ne se satisfait pas de cela pour autant : il réclame ses droits, non seulement dans la littérature, mais dans les écoles. »

Une brève mention de la pensée linguistique d’un Zhitlowsky s’impose ici. Zhitlowsky reproche au Bund de n’être pas assez nationaliste, et au sionisme de rester indifférent à l’existence des masses juives en diaspora. Il est, à ce titre, l’un des leaders de ce qu’on a pu appeler le « nationalisme de la diaspora ». Il a traduit le Manifeste du parti communisteen yiddish, et rédigé une série d’articles qui auront un énorme retentissement. Le peuple juif diasporique, explique-t-il, a le yiddish pour territoire. Il montre encore que le rejet du peuple et celui de la langue sont intimement corrélés : parce qu’on leur dénie le droit à constituer une nation, les Juifs sont « des gens en vrac » ; parce qu’on ne reconnaît pas leur langue comme une langue, elle n’est considérée que comme « un tas de mots ». Mais le yiddish est une langue, dit-il, qui possède une grammaire à défaut de grammairiens. Il est la langue du peuple juif de l’Europe orientale, là où l’hébreu n’est celle que d’une partie de son intelligentsia. Il est cette langue que le peuple s’est approprié comme il s’est approprié le sol : langue étrangère au départ, qu’il a dotée, pour la faire sienne, d’un esprit nouveau, et d’inflexions qui lui sont propres.

« L’hébreu est notre langue nationale du passé ; le yiddish est notre langue nationale du présent. »

La phrase est prononcée par le linguiste M. Mieses, à l’occasion de la conférence sur le yiddish qui se tient à Czernowitz entre le 30 août et le 4 septembre 1908.

Il y a là l’écrivain déjà classique I. L. Peretz, qui proclame qu’après avoir été la langue des illettrés, puis celle des femmes et enfin celle du prolétariat, le yiddish doit maintenant devenir une langue de la conscience nationale à l’égal des autres langues.

Il y a aussi des représentants du Bund, qui se battent pour que le yiddish soit reconnu comme « la seule langue nationale du peuple juif » : « L’hébreu n’a qu’une importance historique et penser revivifier la langue n’est qu’une utopie. »

Il y a bien sûr Zhitlowsky, qui fera adopter une résolution de compromis après des débats sévères : « La première conférence sur le yiddish reconnaît le yiddish comme unelangue nationale du peuple juif et demande son égalité politique et culturelle. »

IV. Une langue contre l’État

Mythologies de la langue. Chacun la sienne, selon l’époque et le tempérament. Après Babel, on peut rêver d’un retour à une langue originelle — par là universelle. Mais sous le masque de la pacification linguistique se dissimulent un racisme linguistique, un impérialisme symbolique, une autre guerre — celle qui autorise à décrire le yiddish comme une non-langue : une guerre du mythe contre l’historicité.

À l’opposé, il y a un autre mythe, un rêve de Facteur Cheval : celui de la paix perpétuelle par la fusion des langues. Zamenhof publie une ébauche de langue internationale sous le pseudonyme de Dr Espéranto — le docteur qui espère. Mais cet avenir est un rêve du passé, une prophétie des origines. Et cette langue, un ersatz velléitaire. Il faut peut-être envisager l’espéranto dans le miroir du yiddish : il en est l’image glacée. Quatre ans à peine avant la conférence de Czernowitz, un premier Congrès réunit à Calais cent quatre-vingts espérantistes. Zamenhof est un Juif de Bialystok : « Personne ne peut ressentir la nécessité d’une langue humainement neutre et anationale aussi fort qu’un Juif du ghetto, qui est obligé de prier Dieu dans une langue morte depuis longtemps, qui reçoit son éducation et son instruction dans la langue d’un peuple qui le rejette, et qui a des compagnons de souffrance sur toute la terre avec lesquels il ne peut se comprendre. » Comme le yiddish, l’espéranto emprunte et rassemble ; comme lui, il adopte des mots étrangers en les pliant à sa propre flexion. Pas plus que lui, il n’a d’assise politique et économique. Proximité ambiguë : l’espéranto, à l’inverse du yiddish, est une langue sans peuple, c’est-à-dire aussi sans histoire. L’utopie dont il procède ne tient qu’à la condition de l’invariance de sa forme. Les contempteurs du yiddish lui reprochaient d’être une langue sans grammaire ; l’espéranto est pure grammaire. D’un côté, l’équivoque comme morale (ou immoralité, c’est selon) linguistique ; de l’autre, une langue sans malentendu, où le multiple est rabattu sur la règle.

Quel peuple ?

Une langue sans peuple. Le yiddish, quant à lui, n’a que cela : un peuple, et il faut entendre le terme dans sa double acception paradoxale — communauté de traditions et de culture et menu fretin, exclu du pouvoir politique : ceux qu’on appelait en d’autres temps les misérables.

C‘est un mythe, romantique celui-là : la langue-peuple, qui est aussi la langue du peuple, où elle se ressource. Cette langue est « maternelle » : elle est donc ce que le peuple a de plus intime et de plus singulier. Un lieu commun, sans doute ; mais ceux qui ont pris le parti du yiddish en ont sans doute éprouvé la nécessité d’une façon plus tragique que pour d’autres langues.

Ce mythe a ses revers : de la langue que parle le peuple, on glisse à l’identification « naturelle » entre le peuple et la langue. La facilité analogique n’est pas toujours sympathique, qui suggère que la langue est partie prenante de la psychologie des peuples. Rivarol affirmait qu’une « pensée quelconque, filtrée par l’esprit français, rec[evait] de ce fait ordre et clarté ». Pour frémir, on peut imaginer les caractères qu’il aurait prêtés au yiddish.

Il faut se méfier de cette notion de peuple, si floue qu’elle peut circuler à des titres divers dans des imaginaires inconciliables. Partant du peuple, on arrive vite à l’invocation d’un corps politique intégral, par là titulaire exclusif de la souveraineté ; on verse alors dans une mystique du peuple qui ne trouve à se définir que par l’exclusion de ceux qui n’en sont pas. Avec le peuple viennent la nation et l’État, qui forment une chaîne irréfragable : unpeuple, une nation, unÉtat ; à quoi il faut ajouter un territoire et une langue pour que le tout tienne ensemble.

Toutes les langues juives se heurtent à cette question. Ce fut le cas en France, quand la Révolution entreprit de fonder l’unité indivisible de l’État sur l’unification linguistique. Cette politique trouva son plus fervent défenseur en la personne de l’abbé Grégoire, qui s’était penché sur la question du yiddish en 1788, quand la Société royale des sciences et des arts de Metz avait mis au concours la question de savoir s’il était « des moyens de rendre les Juifs plus heureux et plus utiles en France ». Grégoire invoquait alors la nécessité « d’extirper cette espèce d’argot, ce jargon tudesco-hébraïco-rabbinique dont se servent les Juifs allemands, qui n’est intelligible que pour eux et ne sert qu’à épaissir l’ignorance ou à masquer la fourberie ». Il étendait alors sa réflexion à l’ensemble des « patois », dont « l’anéantissement import[ait] à l’exécution facile des lois, au bonheur national et à la tranquillité politique ».

Il fallait donc une guerre civile des langues. On voulait que le particularisme linguistique fût consubstantiel à la contre-révolution fédéraliste. C’est ce que disait Barère, dans le sillage de l’abbé Grégoire : « Le fédéralisme et la superstition parlent bas-breton, l’émigration et la haine de la République parlent allemand, la contre-révolution parle italien et le fanatisme parle basque. Cassons ces instruments de dommage et d’erreur. » Et l’abbé de conclure : « Pour fondre tous les citoyens dans la masse nationale et faciliter le jeu de la machine politique, il faut identité de langage. » Qu’im-porte le peuple si c’est pour le Peuple.

Une langue en diaspora

Penser la question des langues depuis le yiddish, c’est briser en un point la chaîne Langue-Territoire-État-Nation — ce quatuor qui gouverne pour une large part notre imaginaire linguistique et politique. Le yiddish est une langue sans territoire, au point qu’il en tient lieu dans bon nombre de propos de yiddishophones sur leur propre langue. Le yiddish est nomade et transétatique. Les tenants de l’État-nation unitaire le lui font bien voir : quand Israël se constitue en État-nation, on réactualise l’hébreu, langue purement culturelle, au détriment de toutes les langues dialectales de la diaspora.

C‘est pourquoi le yiddish peut nous rappeler deux ou trois choses très simples, mais qu’on oublie d’autant plus volontiers qu’on ne reconnaît de dignité à une langue que lorsqu’elle est portée par une vocation étatique et territoriale. Il y a bien des langues parlées sur des territoires dispersés — le français en est une. Il y a des États où l’on parle plusieurs langues — l’Espagne est un modèle. Il y a nombre de langues dont le « rayonnement », comme on dit, ne coïncide pas avec la nation. On s’en accommode très bien. C’est donc que le problème est ailleurs. Le problème est dans l’existence diasporique d’un peuple qui ne coïncide pas exactement avec un État, mais qui ne veut pas pour autant sacrifier la dimension nationalitaire de son existence collective. Aux Juifs d’aujourd’hui, il semble qu’on ne concède d’alternative qu’entre l’État d’Israël — et sa langue nationale, l’hébreu — et l’assimilation totale dans le pays où ils vivent — et sa langue, également nationale. À ce prix, des langues peuvent disparaître sans dommage apparent.

Sur tous ces points, le débat qui oppose au début du siècle Lénine et les dirigeants du Bund est passionnant et fondateur. Le Bund propose de rompre la chaîne « État-Territoire-Langue-Nation », en raison de l’extraterritorialité de la question nationale. « La nation », dit Medem, « est comme la somme des individus qui appartiennent à un groupe historico-culturel donné, indépendamment de son implantation régionale. » C’est pourquoi le Bund porte la question de la langue, et plus généralement de la « nation » au sens où il l’entend, devant le Parti ouvrier socialiste démocratique de Russie, dont il réclame la réorganisation en « association » fédérative des partis socialistes démocrates de toutes les nations à l’intérieur des frontières de l’État russe. Il exige également l’autonomie culturelle de chaque nation, indépendamment du territoire où vivent actuellement ses ressortissants. Il échoue et quitte en 1903 le POSDR.

En face, il y a Lénine. Ce dernier reconnaît au Bund d’avoir été la première formation prolétarienne véritablement organisée en Russie. Mais il n’admet pas que ses bases fussent à la fois sociales et ethniques. Quand certains des dirigeants du Bund tentaient d’obtenir des partis prolétariens la garantie de la survie des Juifs en tant que nation, Lénine estimait en retour que ce « nationalisme latent » suscitait « des tendances séparatistes dans la masse ouvrière juive ».

Lénine maintient l’alternative binaire de l’assimilation ou du particularisme. Dans une série d’articles rédigés en 1903, il considère qu’il n’y a qu’une alternative valable : le nationalisme sioniste, « manifestement réaction-naire » ; ou l’idée d’un mouvement ouvrier mondial indépendant de tout caractère national. La voie fédérative proposée par le Bund est un cumul contradictoire, une chimère politique. Dix ans plus tard, dans ses Notes critiques sur la question nationale, il propose une analyse symptomatique de la culture juive. D’un côté, les ghettos, qui « maintiennent les Juifs par la contraintedans la situation d’une caste » ; de l’autre, « les nobles traits universellement progressistes de la culture juive », en particulier son internationalisme.

Au Bund, on répond en invoquant l’expérience des masses juives. Selon Kossovski, l’un des pères fondateurs, Lénine ignore délibérément que l’antisémitisme n’est pas seulement un phénomène bourgeois, mais que les rangs prolétariens en sont également imprégnés. On ne décrète pas la fin de l’antisémitisme, pas plus qu’on ne peut croire que la révolution prolétarienne débarrassera magiquement les masses ouvrières russes de la haine du Juif. Le prolétariat juif ne se sent pas russe. Il vit, parle et pense en yiddish. Il aspire à selibérer par l’épanouissement de la qualité nationale ; pas à êtreémancipé par l’abdication de cette qualité.

V. Des politiques linguistiques

Il n’y a pas de langues vivantes ou de langues mortes. La métaphore biologique fait obstacle à la diversité des statuts : les langues des textes dits sacrés ne sont pas des langues mortes, bien qu’elles ne soient pas parlées. Les œuvres restent, même après que la langue n’est plus parlée : un présent du passé.

S‘il n’y a pas de langues mortes, on ne dira pas non plus qu’il y a des langues assassinées. C’est une vérité triviale : on n’assassine pas une langue, mais ceux qui la parlent.

L‘histoire du yiddish au XXe siècle, qui est d’abord celle des yiddishophones, croise deux des événements majeurs du siècle : la Shoah, les liquidations staliniennes. On connaît des langues qui ont eu une histoire plus tranquille. Cinquante ans seulement après que le yiddish eut été reconnu comme langue nationale par des personnalités du peuple juif d’Europe de l’Est, la langue avait perdu 80 % de ses locuteurs.

Crispations francophones

En 1992, Jacques Toubon, alors ministre de la Culture et de la Francophonie, fait inscrire dans la constitution que : « la langue de la République est le français ». Dans L’Institution du français, Renée Balibar reprend un exercice trouvé dans un cahier d’écolier de 1882, qui résume le projet de la nouvelle école laïque de Jules Ferry : « La grammaire nous apprend à bien parler la langue de notre pays et l’histoire de France élève notre patriotisme. » Drôle de résonance entre l’écolier de la IIIe République et le ministre de la Ve, qui donne à l’article II de la constitution une allure spécialement crispée. À la même époque, Jacques Toubon s’attache, conformément à sa fonction, à soutenir les minorités qui, dans d’autres États, restent attachées à l’usage du français. La contradiction n’effraie pas Jacques Toubon, qui fait de l’unilinguisme national un tabou constitutionnel.

Ç‘en est un, en effet : en 1996, une signature française éventuelle de la Charte du Conseil de l’Europe sur les langues nationales et les cultures minoritaires, qui vise à défendre et à promouvoir l’enseignement des langues régionales, est déclarée inconstitutionnelle, du fait de l’article Toubon. Il faudra donc que le gouvernement Jospin invente un tour de passe-passe pour ratifier cette charte, comme il l’a promis en octobre dernier. Quoi qu’il en soit, cette charte ne prend pas en considération les minorités linguistiques immigrées. L’enseignement de l’arabe dialectal, inexistant jusqu’au milieu des années 1980, reste aujourd’hui le parent pauvre de l’enseignement des langues dans l’Éducation nationale. Cette langue est pourtant parlée dans la majorité des familles immigrées d’origine maghrébine.

Pendant ce temps, on parle d’une Europe qu’on voudrait multilingue ; mais on ne consent que du bout des lèvres à l’existence, même exsangue, d’un multilinguisme en France. Si le français finit par céder le pas à la suprématie de l’anglais, on pourra dire au moins que le serpent s’est mordu la queue.

Une langue contre le peuple

Le 5 juillet dernier, à l’occasion de la fête de l’indépendance, la loi de généralisation de la langue arabe est entrée en vigueur en Algérie — une façon comme une autre de dire à la minorité kabyle berbérophone le cas qu’on fait d’elle.

Le projet d’arabisation de l’Algérie est un serpent de mer depuis la déclaration d’indépendance. Il s’accélère avec le Président-Colonel Boumédiène, qui met au point une politique linguistique de promotion de l’idiome coranique — l’arabe classique — qu’aucun algérien à l’époque n’utilise comme langue du quotidien. Cette opération s’inscrit dans le courant nationaliste moderne qui veut que la nation soit nécessairement unifiée autour de la langue de l’élite gouvernante. En outre, le choix de l’arabe classique lie une politique linguistique à une islamisation implicite. Taleb Al-Ibrahimi, ministre de l’Éducation de Boumédiène, qui introduit l’arabisation dans le système éducatif, pouvait alors déclarer : « Cela ne marchera pas, mais il faut le faire. » Cela n’a pas marché, en dépit d’efforts répétés des gouvernants. En avril 1990, 100 000 personnes manifestaient à l’appel du FIS « contre le bilinguisme et pour la chari’a ». Huit mois plus tard, la loi de généralisation de la langue arabe est votée à une immense majorité. Le lendemain, 500 000 personnes défilent dans Alger en signe de protestation.

Deux ans plus tard, quand Mohamed Boudiaf prend le pouvoir, il est le seul président à parler aux Algériens dans l’un des idiomes du terroir : l’arabe algérien. Il gèle la loi d’arabisation juste avant son assassinat en juin 1992. Ce gel est confirmé par décret un mois plus tard.

En 1994, de nombreuses manifestations ont lieu pour que soient reconnues la culture berbère et sa langue, la tamazight. De septembre 1994 à avril 1995, les berbérophones boycottent l’école. Ils obtiennent du nouveau chef de l’État, Yamine Zéroual, le droit à la généralisation du berbère dans l’enseignement et l’État. Très vite, le pouvoir fait marche arrière : le berbère ne sera pas reconnu comme langue nationale ; dans la Constitution de novembre 1996, il est toutefois considéré comme « une composante fondamentale de l’identité nationale ». Dans le même temps, la loi d’arabisation est relancée. Une nouvelle loi est votée à l’unanimité en décembre 1996. Elle impose l’arabe classique comme unique langue de communication dans les médias, conférences, déclarations, correspondances avec l’étranger etc.. Elle prévoit des amendes sévères pour toute infraction, qu’elle émane d’organismes publics ou privés. Elle est aujourd’hui appliquée.

L‘arabe classique est lu par 10 % environ de la population algérienne. Il est très peu parlé au quotidien. L’Algérie est un pays multiculturel et plurilingue : l’arabe algérien et le tamazight y sont pratiqués, ainsi que le français.

L‘arabisation revient à nier la citoyenneté de l’immense majorité du pays.

De toute évidence, le pouvoir algérien ignore que le peuple algérien est algérien.

Envoi

Ces affaires d’État ont-elles quelque chose à faire avec le yiddish ? Non, sans doute, diront ceux qui savent, à raison, que c’est-toujours-plus-compliqué-que-cela.

Toute analogie impromptue, tout court-circuit sauvage, toute correspondance rêveuse, ne serait-ce que le temps de se rendre compte que cela n’a évidemment rien à voir, est toutefois ardemment recommandée.