Vacarme 06
hiver 1998

À nos lectrices et lecteurs
Ce numéro, Vacarme 06 (hiver 1998), est désormais archivé et tous ses articles sont accessibles dans leur intégralité. Vacarme aime la gratuité, mais une revue existe grâce à ces abonné·es.
résister, inventer, produire
enfermé
par Frédérique Ildefonse
Enfermé tout déplacement : pieds joints, volte-face, sanglots.
À chaque tour complet, se heurter la tête contre les murs, (« Ravage, crie, 1, 2, 3
-- retour ») ;
de tout côté exploré, par un saut, sur deux pieds, bien serrés : un mur. Finalement abandonner cette manœuvre, et ne plus avancer qu’à déplacements comptés, félins, allongés, resserrés (« je me contorsionne, je me coule ») — se savoir enfermé sans pour autant que tout mouvement soit exclu, juste resserré, pas massif, pas tout le (…)
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« Voir comme on ne voit jamais »
Dialogue entre Pierre Bourdieu et Toni Morrison. Lire →
un menu de fête pour un Noël pas très joyeux
par Michel Celse
Ce n’est décidément pas la joie dans les familles, en tout cas pas dans la vôtre ni dans celle de votre meilleur ami.
Après les tristounettes déconvenues de l’été (VACARME n° 4/5), vous pensiez repartir gaiement d’un bon pied : par exemple vous remettre sérieusement à votre thèse, écrire plein de beaux articles pour VACARME, enfin et surtout faire beaucoup de bonne cuisine à l’occasion d’une nou-velle, belle, folle et romantique histoire d’amour que, pensiez-vous toujours, vous ne (…)
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l’intempérant
par François Rosset
Parce qu’il se présentait avec ces doigts rongés, ces lunules cerclées de rouge, nous surveillions sa figure. Elle se couvrirait de sueur après que dix minutes se soient écoulées en notre compagnie. Un ballet silencieux s’organisait alors autour de lui ; nos bonds, l’élan grâce auquel nous étions autant de flèches lancées contre le ciel, contenaient une leçon qu’il appartenait à notre ami de déchiffrer. Au lieu de cela, il se laissait aller à mordre de plus belle le bout de ses doigts. Nos (…) Lire →
un bon bain
par Mathieu Potte-Bonneville
Ces jours qui sont à nous si nous les déplions Pour entendre leur chuchotante rêverie, Ah c’est à peine si nous les reconnaissons Quelqu’un nous a changé toute la broderie. – Supervielle
Un jour vient où, sans que l’on voie en aucune manière ce qu’on pourrait faire d’autre, il ne suffit plus d’aller mieux que la veille, de se maintenir, petite forme mais. Un jour vient où les dépendances et tous ces arrangements négociés pied à pied avec soi-même, ces morceaux de journée occupés à (…)
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un chant pour seul territoire
par Ariane Chottin-Burger
Les blizzards soufflent sans trêve ; ils balaient l’Antarctique. Ils peuvent atteindre 250 km heure et charrier des blocs de glace. Les bises katabatiques déferlent de la calotte glaciaire. La température oscille entre -30° et -50°. Il fait nuit. La silhouette des manchots empereurs, debout, serrés les uns contre les autres par milliers, presque immobiles, dessine une masse sombre sur la banquise. Ils tournent le dos au vent, ploient leurs têtes, le bec calé sur le jabot...
S‘ils bougent (…)
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« de beaux lendemains », Atom Egoyan
par Ariane Chottin-Burger
Adaptation cinématographique du roman de Russel Banks De beaux lendemains, Harper Collins, New York, 1991, Actes Sud 1994 pour la traduction française.
La silhouette imposante des montagnes couvertes de neige envahit tout l’écran. La lumière froide et bleutée imprime un reflet laiteux sur les visages rougis. Le grain de l’image possède à la fois cette précision et cette fausseté que les films d’Atom Egoyan partagent avec ceux de Lynch : quelle qu’en soit la taille, nous sommes devant un (…)
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notule
par Pierre Alferi
La consécration critique a en général un train de retard ; pour la consécration des prix, c’est deux. Après la rumeur autour de Kids Return, Hana-Bi a reçu le Lion d’or, c’est dans l’ordre des choses et ce n’est que justice, Kitano étant l’un des cinéastes les plus curieux du moment. Tout de même, une loi se vérifie, qui veut qu’on ne prenne pas, pour les encenser, les artistes dans l’orbite de leur plus grande force, mais justement par le côté où ils se laissent un peu aller, comme s’il (…) Lire →
mais qu’est-ce qu’ils apprennent ?
par Ariadna de Oliveira-Gomes
La question se pose dans cette classe de collège zonarde (au delà de toute banlieue, en bordure de Mantes-la-peu-Jolie, dans ce collège craquelé au milieu d’un carrefour, dont les vitres seront achevées en fin d’année par les élèves à coups de pierre, et où la prorogation de la facture de chauffage impose, après un hiver de doigts gourds, la surchauffe de deux mois printaniers toutes fenêtres ouvertes sur la violence étincelante de la circulation), ou plus exactement, il se trouve quelqu’un (…) Lire →
accident
par Frédérique Ildefonse
D’abord c’est un simple carré de couleur vive. La lumière n’entre pas, elle s’approche d’une autre couleur. Ce sont d’autres lignes, d’autres formes, un triangle bleu, un chapeau. On entend, au-dessus des voix, des conversations en langue étrangère. Qu’on comprend tout de suite, sans les traduire, ou qu’on laisse échapper. Le rythme de ces voix ressemble au mouvement de la lumière qui emporte de plus en plus de couleurs. Mailles, nattes, cerceaux. Eux n’y prennent pas garde. Sur un bord (…) Lire →