Vacarme 07
hiver 1999
À nos lectrices et lecteurs
Ce numéro, Vacarme 07 (hiver 1999), est désormais archivé et tous ses articles sont accessibles dans leur intégralité. Vacarme aime la gratuité, mais une revue existe grâce à ces abonné·es.
chroniques
descendre est une ascension
par François Rosset
« [...]
toutes les fois où je me suis rétamé à San Francisco au cours de mes longues aventures nerveuses et dingues et qu’à vrai dire je me suis fait payer à boire avec une régularité si exemplaire... » Jack Kerouac fait dans Big Sur le récit de l’un de ses passages dans cette ville et sur la côte pacifique. Le énième retour là-bas se voulait tout d’abord un séjour au désert : une cabane non loin de l’Océan, contempler la mer et ne pas boire. De fait, le livre expose l’inéluctable montée (…)
Lire →
magie napolitaine
par Suzanne Doppelt
le monde numéroté
Le lotto, funeste pour le peuple napolitain selon certains, sa drogue, son alcool, ou pour d’autres son baume, est introduit dans la ville en 1682. Aussitôt, l’Église tente de l’interdire. Elle l’accuse d’être une machine de guerre contre le travail, d’entretenir l’oisiveté, la misère, le mensonge, d’encourager les ravages matériels et moraux et surtout de tisser des liens incontrôlés avec le surnaturel. En vain, le lotto est devenu une religion populaire, un drame (…)
Lire →
les cafés
par Jean-François Poirier
Je reviens sur une vieille histoire, qui remonte au début des années soixante-dix au moins mais qui ne laisse pas de faire encore sentir ses effets dans la vie parisienne. Je veux parler de la destruction systématique des cafés parisiens par leurs propriétaires ou par leur repreneurs. On était prévenu depuis longtemps que la forme d’une ville change plus vite que le cœur d’un mortel mais on ne s’attendait tout de même pas à ce que l’institution parisienne par excellence, le bistrot, décline (…) Lire →
pour une france qui perd
par Fred Poulet
Un certain nombre d’objets ne quitteront plus la mémoire d’une génération.
Quatre incisives dispersées — peut-être fichées par la racine — sur un carré d’herbe sévillan en 1982. Un segment de bois de 7,32 m que les Écossais, par un goût tout insulaire pour l’anachronisme, ont conservé obstinément parallélépipédique jusqu’en 1976. Quelques coupes de champagne sur un plateau à Paris en 1993... On m’accusera d’être aveuglé par le chauvinisme, mais je ne vois pas quelle nation peut nous (…)
Lire →
souris au lait
par Anne Portugal
je suis pointue princesse de très haute farine mon nom simple Nadine a sur la terre un petit frère c’est Bernardin que j’épouserai dans le pré aux poires DANS LE PRÉAU ! POIRE ! DANS LE PRÉAU ! POIRE ! je suis le chevalier de carreau cassé mon épée laser traîne dans la poussière j’ai une armure très dure un heaume en fil de fer c’est la guerre ! c’est l’enfer ! SELLE EN FER ! SELLE EN FER ! je suis duc du clou de girofle mon parc à huître ma tulipe en kit mon pot de café mon tact encyclo (…) Lire →
feu de camp
par Frédérique Ildefonse
Il y a des lignes de plongée, dangereuses, même mortelles. Un espace de dominos, de craie écrasée, comme le dessin à la craie qui reproduit le contour du cadavre que l’on a trouvé et qui demeure sur le sol, une fois que la police a emmené le corps et posé les scellés. Il y a des zones, comme cela, dont on délimite le périmètre.
J’ai choisi le camp des bohémiens. Avec ce que cela implique. On croit qu’à un moment le pic à glace vous reviendra dans la tête. C’est un peu excessif.
Des (…)
Lire →
le principe de l’axolotl
par Gilles A. Tiberghien
« Je crois avoir un but bien défini. — Si je l’atteignais jamais, il s’expliquerait de lui-même ; si je ne dois pas l’atteindre, à quoi bon te l’exposer ici ? — Admets seulement que j’aime passionnément le bleu, et qu’il y a deux choses que je brûle de revoir : le ciel sans nuages, au dessus du désert sans ombres. » Eugène Fromentin Un été dans le Sahara
On part en voyage. Mais partir n’a jamais permis d’aller nulle part. De sorte que dans l’imaginaire des voyageurs, partir c’est toujours (…)
Lire →
un menu pour tout recommencer
par Michel Celse
Comme les amants, les années se suivent mais ne se ressemblent fort heureusement pas. Il y a tout juste un an, réveillon rimait avec déréliction. En 1998, les fées qui veillent sur vous ont été bonnes filles et ont décidé de renverser la vapeur, et/ou de remettre du vent dans vos voiles, selon ce à quoi vous marchez. Quelques bons amants, un nouveau mari, les gens que vous aimez qui vont beaucoup mieux, VACARME qui reparaît : autant de raisons objectives de vous sentir à nouveau d’humeur (…) Lire →
météo d’hirondelles
par Ariane Chottin-Burger
en hommage à Guy Jarry du Muséum d’Histoire Naturelle
Une hirondelle ne fait pas le printemps, et pourtant lorsqu’en mars le ciel encore tendu retentit brusquement du babil de l’une de ces voyageuses au long cours, le printemps s’engouffre par les fenêtres. Corsetée de noir, ailes finement biseautées, queue échancrée en V, dos lustré comme l’acier, ventre blanc, l’élégante aborde son nid de l’année précédente et, s’il se trouve à l’intérieur d’une étable, elle se lance dans un bavardage (…)
Lire →
wach-arme
par Daniel Deshays
L’ANNONCE
Le vacarme est annonciateur, le son nous avertit de loin, hors de la portée de l’œil. Tremblements de terre ou simple orage, il annonce l’événement. Il dit aussi que l’événement a déjà eu lieu, car le son est lent dans son déplacement.
Le vacarme est d’abord signifiant comme somme, ensemble d’éléments chargés, de bruits dans leur expérience inconséquente.
LA MATIÈRE
Il n’est de son que comme produit de frottements ou de chocs, inclus les voix et le vent.
Mis hors de la (…)
Lire →
la vie rêvée des jambes
par Grégoire Hespel
L’histoire est simple et laisse rêveur. En décembre 1878, le magazine La Nature publie une série de planches du photographe britannique Eadweard Muybridge représentant, entre autres, les différentes étapes de la course d’un cheval au galop.
Nous savons que la rétine humaine est incapable de décomposer ce mouvement trop rapide et, jusqu’alors, le peintre représentait systématiquement l’allure du galop, antérieurs et postérieurs parallèles, comme ici dans ce tableau de George Stubbs, datant (…)
Lire →
le portrait de Jennie
par Ariane Chottin-Burger
« Si pour vous la pensée d’une mort subite se charge d’une terreur toute particulière à l’idée qu’elle puisse se produire dans un théâtre, alors soyez sûr que pour vous le théâtre est nocif, quelque inoffensif qu’il soit pour d’autres ; et que vous courez un risque mortel à vous y rendre. Soyez convaincu que la règle la plus sûre est de ne pas oser vivre en un lieu où l’on n’oserait pas mourir. » – Lewis Carroll, Sylvie et Bruno, Éditions du Seuil, 1972.
C‘’est l’histoire d’un peintre (…)
Lire →
intersignes : le dernier jour
par Christine Desrousseaux
À la fin du siècle dernier, Anatole Le Braz a recueilli une multitude de témoignages en Armor et en Argoat sur le thème de la mort, des noyés, des revenants, des villes englouties, du peuple des âmes et de la figure de l’Ankou, l’ouvrier de la mort. Ces récits, fidèlement traduits du breton en français par l’auteur, ont donné lieu à un livre intitulé La légende de la mort.
Le premier chapitre de cette œuvre est consacré aux « intersignes » : ces signes, qui s’adressent rarement à ceux (…)
Lire →