Vacarme 02
printemps 1997
À nos lectrices et lecteurs
Ce numéro, Vacarme 02 (printemps 1997), est désormais archivé et tous ses articles sont accessibles dans leur intégralité. Vacarme aime la gratuité, mais une revue existe grâce à ces abonné·es.
Minorités
des sourds et des mal entendus
prologue
par Thomas Doustaly & Philippe Mangeot
« Les Sourds en Colère, c’est du 100% sourd. »
C’est l’un des points qui les distingue dans le paysage associatif : toutes les associations nées dans les années 1970 et 1980 croient au contraire dans les vertus de la « mixité » et de l’échange, et rassemblent des sourds et des entendants, des professionnels et des parents. Cette homogénéité revendiquée ne prétend pas dissimuler des expériences singulières. Sophie n’est pas née sourde ; Bachir est fils d’entendants ; chez Delphine, on est (…)
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traduction trahison
par Thomas Doustaly & Philippe Mangeot
C‘est d’abord une histoire d’interprète. Quand nous avons contacté les Sourds en Colère, nous avons proposé que notre entretien soit traduit par une amie commune, Sophie Russel, qui a accompagné l’association depuis sa création. Nous ne savions pas encore si elle serait disponible._Nous avons donc demandé s’ils avaient d’autres idées. Nous n’avons pas obtenu de réponse. Bachir s’en est expliqué au début de notre rencontre : « L’interprète, c’est votre problème, pas le nôtre. C’est dans cet (…) Lire →
de l’eau dans ma bouche
par Thomas Doustaly & Philippe Mangeot
entretien avec Bachir Saïfi, Delphine Cantin, et Sophie Coron Lire →
les professeurs et les navires à voile
par François Buton
L’intégration des sourds dans l’enseignement est une idée plus ancienne qu’il n’y paraît. Leur exclusion, une affaire plus récente.
« Les sourds-muets [sont] doués de toutes les facultés morales et intellectuelles dont sont pourvus les autres hommes, et quelque défectueuse que [soit] leur organisation physique, il [est] possible de les instruire, à l’aide d’un moyen de communication destiné par la nature à remplacer la parole, nécessairement perdue par suite de la perte de l’ouïe. Ainsi (…)
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l’oralisme, une demande des parents ?
par Alix Bernard
L’histoire de l’éducation des sourds est ponctuée de mouvements polémiques entre partisans de la langue orale et tenants de la langue des signes. Les arguments pour défendre l’option oraliste n’ayant cessé de se répéter, on veut s’intéresser ici à ce qui les sous-tend.
Une grande part des résistances à l’égard de l’éducation par les signes a pu être attribuée à la supériorité des langues orales, vécues comme facteur d’intégration, mais aussi à une quasi répulsion du geste, situé alors du (…)
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la croisade de l’enseignement
par Alix Bernard, François Buton & Bernard Mottez
L’histoire de l’éducation des sourds de naissance laisse un sentiment mêlé de tristesse et de rage. Elle raconte d’abord le temps perdu, entre 1880, où s’impose le principe d’une éducation exclusivement oraliste, et la fin des années 1970, où le dogme oraliste commence à être battu en brèche. Elle montre comment on a privé les sourds d’une langue qui s’était pourtant largement développée entre le XVIIIe et le XIXe siècle, c’est-à-dire aussi de leur culture et de leur histoire. Elle rappelle (…) Lire →
la scène des sourds
par Laurence Potte-Bonneville
Créé il y a vingt ans par un groupe de jeunes adultes sourds, l’International Visual Theatre n’est pas une scène de plus. C’est à la fois un acte politique fondateur pour la culture sourde et un laboratoire où se dessinent des dictionnaires, où se crée une pédagogie, où s’invente une écriture.
Ils sont quatre sur scène, en collants et tee-shirts. Des danseurs. Plantés debout, ils se mettent à crier, à crier à pleins poumons. Pas de mots, des sons, des beuglements, des vociférations. À (…)
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juste un peu dur d’oreille
par Isabelle Crozet
« – Homme petit, barbiche, chapeau, petites lunettes. Vous pas vu lui ? – No Se. – No Se, no Se ! Ils n’ont que ce mot à la bouche, ces bougres de crème d’emplâtre à la graisse de hérisson. »
Sourd ? Mais bien sûr ! Il n’y a qu’un sourd pour supporter le perroquet de Bianca Castafiore, la voix de Bianca Castafiore. Seul un sourd peut faire fleurir des roses blanches pour Bianca Castafiore.
Sourd ? Vous plaisantez ? L’inventeur du Super Trifonar, précurseur de la télé « écran plat, coins (…)
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Un démon dans les oreilles
par Bernard Sève
Beethoven était sourd. C’est pourtant encore lui qui nous apprend à entendre, si nous voulons bien lui prêter l’oreille.
Que peut-il arriver de pire à un musicien, à un pianiste, à un compositeur, que de devenir sourd ? Cette image pesante et un peu ridicule du « musicien sourd », c’est celle que Beethoven eut un temps de lui-même : « Je ne peux pas dire aux gens « je suis sourd » ! » (1801, il a trente ans). La surdité de l’homme des sons est un extrême, un comble : le pathétique en est (…)
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être sourd en philosophie
par Bernard Morin
Hantée par le dialogue et le discours, la philosophie ne sait trop que faire de ceux qui n’entendent pas. Imaginons ce qu’ils pourraient lui apprendre.
C’est seulement avec le début de l’empirisme moderne et de la science expérimentale, notamment dans la France et l’Angleterre des XVIIe et XVIIIe siècles, que la philosophie commence à s’intéresser aux déficiences sensitives, notamment à la cécité et à la surdité de naissance. Quand commence à se dissiper l’anathème évangélique, « avoir des (…)
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Avant-propos
le dossier qui suit contrariera sans doute tous ceux qui pensent que le langage naît dans les oreilles et qui le confondent avec la phonétique. il heurtera peut-être ceux qui entendent « muets » quand on parle de « sourds ».
Lire sur les lèvres, comprendre à moitié, parler à demi, d’une voix qu’on n’entend et qu’on ne contrôle pas — d’une voix presque toujours mal placée —, c’est ce qu’on a longtemps demandé aux sourds, c’est ce qu’on demande encore à beaucoup d’entre eux. Cela sollicite (…)
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