La possibilité d’une possibilité, entretien avec Pierre Trividic
D’autres mondes sont ici, au cœur du nôtre. La fiction est l’instrument qui permet de les rendre visibles, de les explorer et de les actualiser. Elle contribue à accroître les possibilités de vivre sa vie en renonçant à ses propres contours. Ces idées, les films de Pierre Trividic et Patrick Mario Bernard ne cessent de les mettre au travail et en jeu. C’est dire ce qu’il y a d’exigence dans le fait d’inventer des fictions, et ce qu’il y a d’espérance dans leur fréquentation. Entretien avec un raconteur et un spectateur d’histoires.
Dancing et Une Famille parfaite sont traversés par un personnage récurrent, spécialiste des univers parallèles. Or vos films ne cessent de faire résonner les éclaircissements théoriques auxquels ils se livrent…
Mais oui, nous n’en finissons pas de déplier cette question, qui est la source d’un vertige à la fois inquiétant et délicieux. Le personnage dont vous parlez apparaît pour la première fois dans Dancing. Il expose sa conception des mondes parallèles pour en préciser la géométrie : il ne faut pas imaginer ces mondes comme des réalités juxtaposées, sans rapport les unes avec les autres, mais plutôt comme un ensemble de mondes emboîtés les uns dans les autres. Autrement dit, il suffit de déplacer un peu son point de vue sur le monde actuel pour apercevoir les mondes parallèles qu’il contient. L’exemple qu’il donne est celui de la situation de l’Europe d’après la Seconde Guerre mondiale. Nous croyons vivre dans un monde et dans une histoire où le IIIe Reich a perdu la partie. Mais qu’on déplace un peu son regard, on discerne un monde où les nazis ont gagné la guerre et assis leur domination : dans notre monde l’entreprise de chimie qui produisait le Zyklon-B est cotée en bourse, on écoute les enregistrements de Karajan, on roule en Mercedes... Cette théorie de l’emboîtement est prise assez au sérieux par les spécialistes des multivers. Ce qui nous intéresse là-dedans, c’est que, du coup, nous appartenons tous à plusieurs mondes, sans même le savoir. Et qu’il suffit – je dis suffit mais ça peut être coton – de changer un tant soit peu de point de vue pour l’entrevoir. Pour que des choses invisibles prennent visage et corps. Et se mettent à compter dans un monde, alors qu’un autre monde, voisin, les ignore.
« Mondes parallèles » viendrait donc nommer votre conception de la fiction ?
Oui, en un sens. Raconter, c’est trouver un point de vue, chercher et gagner une position depuis laquelle il devient possible de nommer ce qui n’avait pas de nom depuis les points de vue antérieurs, et donc de le rendre visible. Cela repose sur un credo assez enfantin, la conviction que nommer une chose, c’est commencer à la rendre possible. Nous nous sommes passionnés, Patrick Mario et moi, pendant que nous travaillions sur Dancing, pour les thèses énoncées par Karl Popper dans Un univers de propensions. Popper adopte un point de vue probabiliste sur la réalité. Pour lui, le monde ne se limite pas à ce qui est, par comparaison à ce qui n’existe pas. Il y a des degrés intermédiaires d’existence. Il y a des choses qui n’existent pas à 100%, et qui pourtant ne sont pas absentes à 100%. Ces choses, qui pourraient bien arriver, qui sont sur le point d’exister, elles existent un peu, quelque part. Elles sont virtuelles, mettons. Peut-être qu’elles n’arriveront pas. Elles sont un champ de forces en attente d’actualisation. Les nommer, par la fiction par exemple, c’est peut-être intervenir dans ce champ de forces et leur donner le coup de pouce nécessaire pour les faire passer du côté de l’actuel. Si cela est vrai, et je l’espère vivement – c’est bien d’un credo que je parle – alors raconter est un geste qui tire à conséquence. Il devient important de ne pas raconter n’importe quoi.
Comment les fictions affectent-elles le réel qu’elles reconfigurent ?
La question fait peur, parce qu’elle est très vaste. Je ne suis pas sûr d’être équipé pour y répondre. D’abord, fréquenter des fictions, comme lecteur ou comme spectateur, c’est multiplier son expérience. Si l’on admet qu’il n’y a pas de situation qui se résume à ses aspects actuels, et que l’actuel transporte avec lui un nuage de possibilités virtuelles, les fictions peuvent donner un tant soit peu d’existence à ces possibilités, en les nommant et en les figurant. Les romans d’Amadis de Gaule font de Don Quichotte un fou accroché à une Rossinante déglinguée. Le roman a agi dans le réel décrit par la fiction. Mais Cervantès a aussi agi dans le monde, hors de la fiction, notamment en rendant visible une chose qui ne l’était pas avant lui, et qu’on appelle le donquichottisme. Bref, les fictions nous transforment, parce qu’elles augmentent et font varier les possibles en suspension pour chacun d’entre nous dans la situation qui est la nôtre.
Pour le jeune homosexuel provincial que j’ai été, Pasolini, Visconti, mais aussi Minnelli, Kenneth Anger et d’autres ont été d’une importance décisive. Je parle d’une perspective dans laquelle tout se trouve malheureusement et heureusement confondu : la forme comme les contenus, les enjeux politiques comme les questions intimes. Ils ont compté pour moi comme un élargissement et une réinstallation du monde. Élargissement parce qu’ils me montraient que je n’étais pas le seul de mon espèce. Réinstallation parce qu’ils me disaient aussi que ce que tout me poussait, dans cette vie provinciale assez solitaire, à voir comme un fardeau, le méchant petit secret, ne méritait pas d’être placé au centre de ma vie. Devant les images de Gilbert et George, impossible de ne pas se rendre compte qu’on ne se résume pas à une identité sexuelle. Il me semble qu’à un moment de ma vie, cela l’a rendue vivable. Evidemment, c’était un peu tarte, d’aller voir les films qui parlaient d’homosexualité au prétexte qu’ils en parlaient. Je sais comme tout le monde que ce n’est pas parce qu’on aime les pommes qu’on s’intéresse à Cézanne. Mais justement, quand il s’agit d’œuvres importantes, elles se chargent elles-mêmes de vous libérer de l’objet, ici l’homosexualité, pour ce qui me concernait alors. Mais cette libération a un préalable, qui est la figuration, et son incorporation à un ensemble de relations et de significations originales. Je pense aussi aux films de Fassbinder. Il va de soi que, dans ses aspects les plus intéressants, une fiction amoureuse se moque bien de savoir si les transports ont lieu suivant des canaux hétérosexuels ou homosexuels. Cela dit, pour en revenir à l’objet, aux matières et aux corps, la place et le poids de l’objet représenté sont presque toujours minorés par le discours sur l’art.
En quoi cette conception affecte-t-elle les histoires que vous racontez ?
Je crois que Patrick et moi tournons toujours plus ou moins autour du visible, ou alors de l’invisible. C’est plus qu’un peu pompeux, dit comme ça, mais il n’empêche. Il se peut que notre affaire, celle que nous n’arrivons ni à dénouer ni à abandonner, soit le passage de l’un à l’autre, du visible à l’invisible, l’apparition ou la disparition. Apparition et disparition, à la lumière de ce que nous venons dire, ce sont les effets du découpage en quoi consiste la fiction. En nommant la chose sans nom, en redécoupant le sensible, la fiction fait apparaître et disparaître. Mais je serais bien en peine de dire si c’est cette idée de la fiction qui nous a tournés vers ces formes de l’apparition et de la disparition, ou le contraire. Ce que nous attendons d’une histoire, quand nous nous mettons à y travailler, c’est qu’elle finisse par nous dire quelque chose à quoi nous ne nous attendions pas. La plupart du temps, hélas, cela ne marche pas, et nous nous retrouvons avec de vieux pots et de vieilles soupes. Mais il arrive que l’hypothèse de départ nous conduise dans un endroit inconnu, pas radicalement sans doute, mais tout de même. Quand on regarde bien, on constate que la lumière a changé, que les objets ont été déplacés, que les portes ne sont pas au même endroit. Sur un plan pratique, et avec des conséquences parfois considérables, cela rend impossible toute stratégie : il est pratiquement impossible de se dire qu’on va raconter ceci ou cela, puisque raconter revient à attendre l’inattendu.
Quel est alors pour vous le point de départ de la fiction ?
Nous commençons toujours par une hypothèse. Ce n’est pas une idée ; c’est un bout d’histoire, un début, ou un personnage, ou un phénomène. Pour Dancing, nous nous sommes servi de deux figures de l’histoire du music-hall, les Bernard Brothers, qui ont existé. Ils sont les inventeurs du play-back. Nous nous sommes d’abord intéressés à eux comme à une curiosité historique. Et puis nous nous sommes intéressés à notre intérêt pour eux, quand nous avons pris conscience que nous les imitions de plus en plus souvent, et avec de plus en plus de plaisir, dans notre vie quotidienne. L’idée de départ s’est formée comme ça : deux personnages, assez sérieux et pondérés, prennent conscience qu’ils sont hantés par deux comiques disparus. Tout se passe comme si nous partions d’une réponse, trouvée presque par hasard – les Bernard Brothers, nous ne les avons pas recherchés, ils étaient en photo dans le journal, et ils nous ont plu – et que le travail consistait à remonter de cette réponse orpheline vers la question, jamais posée, inconnue, à laquelle elle répond. Ce processus n’est pas un dispositif qui permet vraiment de contrôler la direction. Pendant très longtemps, nous ne savons pas de quoi nous parlons.
Vos personnages ont souvent affaire à des extensions fictionnelles d’eux-mêmes. Dans L’Autre, Anne-Marie répète à plusieurs reprises qu’elle entend vivre sa vie. Or vivre sa vie, ce sera accueillir son autre. Il y a dans vos films une sorte de morale de l’accueil : laisser venir ses monstres, accueillir ses fictions.
On pourrait dire, en effet, qu’il y a là quelque chose comme une proposition : c’est au moment où l’on renonce à vivre sa vie qu’on la vit, et que surviennent des possibilités accrues et étendues d’être soi-même ; c’est quand on renonce enfin à l’idée d’être soi-même et pas un autre que la chose est là et que, comme dans un poème de Wallace Stevens, le renard sort de son trou et les raisins sont plus beaux. Cette question, nous l’avons laissée résonner dans Dancing avec les questions d’immigration. Non sans grands tremblements, d’ailleurs. En fait, pour Dancing, notre petit chantier était plutôt celui de la représentation du réel. Il nous avait semblé que, pour poser la présence de quelque chose, il fallait l’accompagner de la présence parallèle – présence fantomatique, mais jusqu’à quel point ? – de son double. Exactement comme si, pour exposer le réel, c’est-à-dire ce qui est sans double, pour reprendre la définition de Clément Rosset, il fallait en passer par son opposé le plus manifeste, à savoir sa duplication. Ça nous a laissés pantois, pour ne rien vous cacher.
Vous opposez souvent fiction et discours. La fiction, ce serait donc du sens impossible à rabattre sur un discours ?
Oui, je crois bien. Sauf que le discours est partout chez lui, et qu’il peut bien s’emparer des choses comme ça lui chante. Du point de vue de la fabrication, tout invite à distinguer clairement les procédures discursives et narratives. Les premières s’organisent selon la logique, les secondes selon une logique aussi, mais qui est celle de la forme. Du point de vue de la réception, le discours peut parfois très efficacement se mesurer à la forme, et en dégager un sens. Un sens qui ne sera jamais celui de l’œuvre cependant, puisque le sens de Moby Dick, c’est Moby Dick, chaque page et toutes les pages. Je n’oppose donc discours et fiction que parce que je suis bien triste de ne pouvoir organiser mes efforts suivant des schémas discursifs un peu plus clairs. Il n’y a aucune misologie dans mes prises de distance à l’égard du discours. Ça me va, de penser que la fiction a fondamentalement les mêmes visées que les discours constitués de la science ou de la philosophie. J’inclus, sans savoir bien quoi en faire, l’idée qu’elle a partie liée avec la vérité. La fiction a pour elle de ne pas être soumise à validation. Et elle a contre elle de devoir composer avec des mystères, des choses qu’aucun glossaire ne peut unifier, et de ne se baser sur aucun socle d’expériences reproductibles.
Pour distinguer entre les fictions qui vous intéressent et celles que nous n’aimez pas, avez-vous des critères ?
J’ai un critère personnel, intime, qui n’a peut-être pas sa place ici. Mais puisque vous m’interrogez sur ce que j’aime, allons-y. J’aime ce que je ne comprends pas, à condition que ce soit l’effet d’une obscurité naturelle et que tout ait été fait pour tirer l’affaire au clair. À ce compte-là, qu’il demeure un peu d’ombre, comme la petite flaque d’ombre qui reste, même à midi, même en plein été, même sous le plus éclatant des soleils, au pied des arbres, n’est pas fait pour me déplaire. Au contraire, cela prouve l’honnêteté de la tentative pour faire toute la lumière, tentative qui ne saurait être entièrement couronnée de succès si on s’est attaqué à un mystère digne de ce nom. Cela dit, il existe une autre obscurité, exécrable, elle. Celle du rébus ou de l’énigme. Elle apparaît lorsque la forme est guidée par un discours dont on a effacé les traces, et qui s’impose indirectement au lecteur ou au spectateur sous la forme d’un rébus. C’est le résultat d’une posture que je n’aime pas : celle du savant devant l’ignorant, celle de la société secrète, celle du manipulateur. Cette obscurité-là, qui est comme le double ténébreux de l’académisme, m’exaspère. L’académisme produit des œuvres entièrement épuisables par le discours, et c’est aussi le cas de ces rébus, à la seule différence près que la clef du discours est restée cachée. Mais ce n’est pas celle de 2001 de Kubrick, ce n’est pas non plus celle de Marienbad de Resnais. Dans 2001 ou Marienbad, je sais que ma place de spectateur a été faite. Je crois en fait que j’aime une chose dès qu’elle rend possible que je me remette au travail ; je suis intéressé par toutes les œuvres qui rendent possibles d’autres œuvres qui ne seraient pas leur répétition. Je suppose que je retombe dans l’ornière des possibles et de leur déploiement.
Peut-on traduire cette position sur les fictions en termes politiques ?
S’il faut absolument répondre à cette question, je dirais qu’une fiction qui m’importe politiquement est une fiction où il y a de la place : une fiction où une place a été creusée pour vivre dans la chose montrée. Fabriquer une fiction, cela doit donc être creuser cette place. Et c’est pourquoi une fiction qui m’importe politiquement ne me laisse pas dans le même état qu’auparavant. Une porte a été ouverte, je n’en ai peut-être pas même franchi le seuil, mais j’ai senti l’air passer sur mon visage, je sais que c’est par là. Tout y est peut-être obscur, tout n’est sans doute pas dit, mais je peux y aller par moi-même. C’est donc qu’il y a « un autre monde possible », un monde dont je peux faire l’expérience. Une fiction politique, ce serait cela : la possibilité d’une possibilité.
Au cours d’une d’intervention au centre Pompidou consacrée au sida, en 2007, vous disiez que cette catastrophe avait radicalement bouleversé la façon dont vous vous représentez les histoires ; que le réel historique, parfois, pouvait périmer certaines histoires…
Cette idée s’est d’abord imposé à moi comme une réaction. Il nous a été donné de vivre l’irruption de l’épidémie de sida. Nous étions tous embarqués, nous nous disions : qu’est-ce qui se passe ? Mais sur le plan des histoires, rien ne semblait changer. Avant le sida, les histoires de désir ou d’amour homosexuels conduisaient plus ou moins invariablement à la destruction et à la mort. La mort, la mort, la mort, voilà en gros le résumé de cette esthétique. Et voici que la réalité se mettait à parler – d’une voix terrible et neuve –, et que le sida frappait à tort et à travers. Mais rien ne changeait. Tout se passait comme si on avait trouvé une nouvelle étiquette – sida – qui relançait considérablement l’intérêt et les ventes, et puis c’est tout. Alors quoi ? Il aurait suffit de poser ce nouveau nom et continuer à raconter les mêmes histoires ? Cela m’a paru scandaleux mais aussi éclairant. Si les courtiers du néant, les tenants du désir funèbre et de la pulsion de mort n’étaient capables de voir dans l’événement qu’une confirmation de ce qu’ils savaient depuis toujours, alors c’est qu’ils le loupaient purement et simplement, qu’ils ne savaient pas, n’avaient jamais su de quoi ils parlaient. Ou peut-être qu’ils étaient eux-mêmes déjà morts, et depuis longtemps.
C’est plus tard, dans un livre de W.-G. Sebald intitulé De la Destruction comme élément de l’histoire naturelle, que j’ai retrouvé, formulée d’une façon lumineuse, cette idée d’une péremption des formes fictionnelles. Le propos de Sebald est de montrer à quel point ont été débiles et vains les efforts des écrivains allemands d’après-guerre pour faire face à l’événement inouï qu’a constitué la destruction de Hambourg ou de Dresde, résultat de méthodes toutes nouvelles, et très raffinées, de la part des stratèges alliés, en continuant à travailler suivant les techniques narratives et littéraires d’avant. En face de cette production romanesque, qui continue à chercher son pathos dans le lyrisme de la catastrophe, il place la description très concise et méthodique de plusieurs corps par un médecin de Hambourg. Ces corps sont les cadavres d’une famille qui a essayé d’échapper aux bombes en se réfugiant dans sa cave, voisine de la réserve de charbon. Le charbon prend feu, et la famille est cuite à l’étuvée. Le médecin qui héritera de ces corps les décrira avec minutie, et seulement pour relever comment ils ont gonflé, ou rétréci, quelles modifications cette cuisson affreuse a produit sur les tissus. Voilà, dit Sebald, c’est ce document-là, cette archive médicale qui est à la hauteur, pas la littérature des écrivains. Il me semble que le même point de vue peut être opposé, à propos du sida, à ceux qui ont continué à chanter « la mort, la mort, la mort » comme si de rien n’était. Les formes meurent.
Quelles répercussions concrètes cette question a-t-elle eu sur vos propres histoires ?
J’ai pris la décision plus ou moins consciente de faire sans la mort dans mes histoires. C’était sans doute une façon de me prémunir du risque de tomber dans la vieille manière d’en parler. Pour être sûr de ne pas lui devoir le sens. Bref, je suis contre la mort. Or si je suis encore aujourd’hui sur cette position, c’est parce qu’il me semble que, quand on enlève la mort, les questions sont rudement plus épineuses. Tout cela est très sérieux, et en même temps, aussi dérisoire qu’un jeu d’enfant : voyons ce qui reste du sens si on n’a plus recours à la mort. Je parle ici de la mort dans toutes ses représentations, du flingue aux raffinements métaphoriques les plus brillants. Le chic de la mort, c’est que ça donne un tombant impeccable ! Tous les efforts, dans Dancing, ont été guidés par le souci d’éviter cet écueil : fabriquer une fiction blanche, entièrement tournée vers le désir de signaler une présence, de restituer ce mystère simple et enthousiasmant : les choses y sont, les gens existent, leurs pieds touchent le sol, leurs mains sont chaudes quand on les serre. Il me semble que tout le monde continue de faire avec la mort. Et peut-être tout le monde a-t-il raison. D’un autre côté, c’est au moins rigolo d’essayer de faire sans. Comme quand on se dit : essayons sans les mains ! En tout cas, si le sens, c’est la mort, s’il n’y a pas d’autre sens que sacrificiel, alors je veux bien renoncer au sens.