Opération sabotage littéraire
Protocole expérimental
par Sophie Rabau
Il y a un an presque jour pour jour (à un mois près), notre correspondante s’est livrée au péril de sa vie à une expérience d’immersion dans le monde impitoyable du marketing en ligne. Elle accepte aujourd’hui de livrer à Vacarme le journal qu’elle a tenu alors.
Confinée dans l’espace réduit d’un pauvre laboratoire où je suis seule face à une machine, avec pour seul soutien l’espoir d’un monde meilleur, j’inaugure aujourd’hui, une grande entreprise de sabotage littéraire sur un réseau que l’on me dit social.
Le principe en est simple et repose sur la plus élémentaire technique de contre-espionnage : puisque les algorithmeurs des réseaux que j’ai dits utilisent mes données pour m’adresser aimablement de la publicité ciblée sélectionnée à ma seule intention, je dois pouvoir fournir des données, fausses ou tout au moins non marketinguement pertinentes, et décider moi-même de la publicité qui va apparaître sur mon écran.
Pour corser le jeu, je fais le pari risqué qu’à raison de trois citations littéraires par jour je dois pouvoir faire apparaître dans l’ordre :
1) Des publicités pour propriétaires d’animaux
2) Des publicités pour l’immobilier
3) Des publicités pour parents de jeunes enfants
4) Des publicités pour site de rencontres
5) Et enfin – le jeu se corse - des publicités pour passionnés de sport nautiques
Je tenterai de faire un rapport honnête et régulier du résultat de mes efforts, car on ne saurait saboter sans contribuer positivement aux progrès de la Science et de la Vérité.
Tel est le sens de mon entreprise, que je débute en tremblant, prête à me battre à mains nues contre nos ennemis, sans jamais perdre de vue le perfectionnement de la Connaissance.