tenue correcte exigée une équipe de France fermée aux « Arabes » ?
France, Euro 2016. Alors que les Bleus sont souvent présentés comme le modèle même de « l’intégration » française, une généalogie de l’équipe de France dévoile une toute autre réalité. Comme le remarque ici Emmanuel Blanchard, l’équipe de France n’a jamais été aussi « Black-Blanc-Beur » qu’on a voulu le dire.
La liste des 23 sélectionnés pour l’Euro 2016 rendue publique le 12 mai dernier ne comportait aucun joueur dont les origines familiales s’ancrent dans l’émigration d’Afrique du Nord [1] : la liste annoncée par Didier Deschamps fait ainsi l’impasse sur les Hatem Ben Arfa [2], Karim Benzema ou Nabil Fekir, pour ne citer que quelques-uns de ces joueurs qui auraient pu fouler les terrains de l’Euro 2016. Certes, Fekir revient tout juste de blessure tandis que Benzema a été écarté pour des raisons extra-sportives, mais cette configuration troublante n’est cependant pas inédite et était déjà celle de la coupe du monde 2010. Après l’écrivain François Bégaudeau, il est donc possible de demander « où sont passés les petits génies arabes [3] » qui foulent les pelouses des plus basses divisions de la Fédération française à celles de la Ligue 1.
Sans revenir aux plus récentes polémiques racistes sur la composition d’une équipe de France pas assez blanche au goût de nombreux commentateurs politiques et sportifs [4], les « Bleus » sont depuis des décennies décrits par certains de leurs adversaires comme « une formation de naturalisés et d’étrangers [5] » : dans les années 1950, étaient ainsi particulièrement visés les Italiens et les Polonais. Mais, dès les années 1930, le onze national a été ouvert à des joueurs alors dits « de couleur », avec la première sélection de Raoul Diagne (fils du député du Sénégal — alors sous domination française — Blaise Diagne) [6]. En 1936, Ali Benouna fut le premier « arabe » (en l’occurrence, « indigène d’Algérie » selon les catégories coloniales de l’époque) à jouer en équipe de France, avant que Larbi Ben Barek, la « perle noire », ne connut sa première sélection en 1938. La carrière en bleu de ce dernier, qui détient toujours le record de la longévitésportive en équipe de France, fut à la fois chaotique et emblématique. En 16 ans (1938-1954), le natif de Casablanca ne fut sélectionné qu’à 17 reprises alors même qu’il fut un des meilleurs joueurs de son époque et « la première vedette maghrébine du football français [7] ». Ce parcours erratique en équipe de France tint aux conflagrations politiques (l’interruption des compétitions internationales pendant la Seconde Guerre mondiale), aux péripéties sportives (la France ne se qualifia pas pour la première coupe du monde de l’après-guerre, en 1950) et à ses choix de carrière (il joua à l’Atletico de Madrid entre 1948 et 1953 et ne fut alors plus appelé en équipe de France). Cette trajectoire est surtout emblématique du « trouble national » d’un joueur qui était certes sélectionnable mais conserva toute sa vie la nationalité marocaine et resta un simple « protégé français [8] ». Cette expérience d’« identité plurielle », racialisée et suspectée, reste aujourd’hui celle de nombreux joueurs bi-nationaux, en particulier les « Franco-Algériens », sur lesquels je m’arrêterai plus particulièrement.
l’arbre Zidane
L’équipe vainqueur de la coupe du monde 1998 était communément présentée comme « Black-Blanc-Beur ». Or, dans la liste des vingt-deux joueurs sélectionnés par Aimé Jacquet, Zinedine Zidane était le seul descendant d’émigrés du Maghreb. Ce constat n’est pas conjoncturel : sur la longue durée, l’icône Zidane est bien l’arbre qui cache la forêt de la quasi-absence des enfants d’immigrés algériens dans les équipes de France successives. En fait, entre 1962 (année de l’indépendance algérienne) et 1994 (première sélection de Zidane), un seul enfant d’immigré algérien a revêtu le maillot de l’équipe de France : Omar Sahnoun, le « footballeur harki », surnom donné en référence au passé militaire de son père et à ses propres prises de parole, sélectionné à six reprises en 1977-1978. Sur l’ensemble de la période 1962-2016, jusqu’à la récente première sélection de Nabil Fekir (mars 2015), ils ne sont ainsi qu’une demi-douzaine à avoir été sélectionnés en équipe de France. Même si, faute de données disponibles, il est impossible de mettre au jour une « sous-représentation » au sens statistique du terme, ces effectifs squelettiques peuvent être mis en perspective de différentes manières.
Ainsi, pendant la période coloniale, à une période où les « Français musulmans d’Algérie » étaient largement discriminés dans l’accès aux meilleures équipes des départements français d’Algérie, une douzaine d’entre eux revêtirent le maillot frappé du coq entre 1936 et 1961 (Mahi Khennane est le dernier originaire d’Algérie à avoir joué pour l’équipe de France avant de rejoindre celle de l’Algérie indépendante) [9]. De plus, alors qu’au contraire d’autres enfants d’immigrés, les enfants d’Algériens naissaient Français par l’effet du double-droit du sol [10], d’autres immigrations semblent avoir été proportionnellement plus représentées en équipe de France. On peut ainsi relever qu’au cours de la seule année 1962, six descendants de Polonais ont été sélectionnés en équipe de France. Plus troublant encore, lors du Mondial 1982, la France fut demi-finaliste avec une équipe dans laquelle on comptait de nombreux enfants de l’immigration italienne (Bernard Genghini, Michel Platini) et espagnole (Manuel Amoros, Jean-François Larios, Christian Lopez, Gérard Soler) mais aucun de l’immigration algérienne. Les trois derniers joueurs cités étaient même nés en Afrique du Nord, au Maroc et en Algérie.
legs coloniaux
Pendant des années, le passé colonial de la France en Afrique du Nord fut donc incarné par les seuls fils de « rapatriés ». Il est vrai que lors de la coupe du monde 1982, plusieurs enfants de l’immigration algérienne foulèrent les terrains. Ainsi Mustapha Dahleb (arrivé dans les Ardennes à deux ans, première grande star du PSG au tournant des années 1980), Nordine Kourrichi (né dans le Nord), Faouzi Mansouri (né en Tunisie, arrivé en France à l’âge de trois ans), Abdelmajid Bourebbou (né dans les Aurès, arrivé enfant dans la région rouennaise) ou Karim Maroc (né en 1958, formé dans les clubs de Charentes) jouèrent-ils pour la légendaire équipe algérienne entrée dans l’histoire avec sa victoire contre la RFA le 16 juin 1982. Bien que les professionnels évoluant en Europe eurent quasiment été bannis de la sélection nationale tout au long des années 1970, les « Franco-Algériens » ont été incomparablement plus nombreux à rejoindre « les Fennecs » que « les Bleus » : au total, entre 1968 et 2002, sous l’action notamment de l’Amicale des Algériens en Europe et des tournées d’équipes d’enfants d’émigrés organisées au pays, une quarantaine d’entre eux revêtirentle maillot de l’équipe nationale algérienne [11]. En mars 1990, l’un de ces « Algériens de France », Chérif Oudjani, donna même à l’Algérie sa seule victoire en coupe d’Afrique des Nations, en marquant l’unique but de la finale remportée contre le Nigeria.
L’histoire de la famille Oudjani illustre particulièrement les méandres de la relation footballistique franco-algérienne [12]. Le père, Ahmed, était un joueur adulé des supporters lensois alors même qu’entre 1959 et 1962, à la suite de certains de ses glorieux aînés (notamment Rachid Mekhloulfi, Abdelaziz Ben Tifour et Mustapha Zitouni, trois joueurs de l’équipe de France présélectionnés pour la coupe du monde de 1958), il déserta son club pour rejoindre clandestinement la « glorieuse équipe du FLN [13] ». Depuis le coup d’éclat de sa fondation en avril 1958, elle participait par ses tournées internationales de la stratégie de légitimation de l’indépendance algérienne. À peine celle-ci fut-elle proclamée, qu’à l’instar des meilleurs joueurs algériens de l’époque (tel Rachid Mekhloufi à Saint-Etienne), Ahmed Oudjani rejoint le club qu’il avait quitté quelques années plus tôt. Vingt ans plus tard, son fils Chérif, né à Lens en 1964, lui succède à la pointe de l’attaque des « Sang et Or », frappe aux portes de l’équipe de France Espoirs, avant de rejoindre l’équipe d’Algérie pour une quinzaine de sélections.
Chérif Oudjani fait partie de ces double nationaux indubitablement enracinés sur les deux rives de la Méditerranée (son père est rentré quelques années en Algérie à la fin des années 1960) et dont le choix d’une équipe nationale dépendait de considérations sportives et affectives inextricablement mêlées. Au regard de sa carrière, il est logique qu’il n’ait pas été appelé en équipe de France avant ses 23 ans, âge auquel il opta pour la sélection algérienne. Son histoire s’inscrit cependant aussi dans celle de la cohorte des excellents joueurs, nés pendant ou dans les années qui ont suivi la guerre d’indépendance algérienne, pour qui il était très difficile d’envisager de jouer pour l’équipe de France (pour ceux nés en France tel Alim Ben Mabrouk) ou d’acquérir la nationalité française (pour ceux arrivés enfants tel Mustapha Dahleb). La possibilité de choisir la sélection française se posait alors d’autant moins que l’équipe d’Algérie vivait alors son « âge d’or » (qualification aux coupes du monde 1982 et 1986, victoire de la coupe d’Afrique des nations en 1990) avant de plonger dans la « décennie noire » de la guerre civile.
nationalités sportives
Les années 2000 constituèrent un tournant majeur, alors qu’arrivaient à maturité sportive de très nombreux descendants d’Algériens nés en France, parfois de parents eux-mêmes nés en France. L’adoption par la FIFA de nouvelles règles sur les possibilités de sélection des binationaux ouvrit la possibilité d’être retenu dans l’équipe d’un pays après avoir joué en sélections de jeunes pour une autre nation. Ces réformes de 2004 (possibilité pour les binationaux de changer d’équipe nationale avant l’âge de 21 ans) et 2009 (abolition de la limite d’âge mais avec l’impossibilité de changer d’équipe nationale après une première sélection en A) obéissaient à une triple logique : limiter les cas de naturalisations opportunistes et enraciner la « nationalité sportive » dans l’histoire des personnes ; favoriser les changements d’équipe nationale pour les binationaux, à condition qu’un même joueur n’évolue pas pour plusieurs équipes A ; répondre aux revendications des dirigeants africains, notamment ceux de la Fédération algérienne de football (FAF), désireux de pouvoir sélectionner des jeunes nés en Europe (en particulier en France), retenus en équipes jeunes mais n’ayant jamais été appelés en senior.
Dans un contexte qui était aussi celui de l’assouplissement des règles d’obtention du passeport algérien (suite à l’ordonnance du 27 février 2005), l’équipe d’Algérie changea de visage. Au mondial 2010, 17 des 23 sélectionnés étaient nés en France ou titulaires de la nationalité française. Cette proportion de joueurs « issus de l’émigration » (selon l’expression employée dans la presse algérienne francophone) était la même, quatre ans plus tard, lors du mondial brésilien. Une partie de la presse algérienne, critique de leur méconnaissance du pays et de ses langues, n’hésita d’ailleurs pas à surnommer l’équipe nationale algérienne « l’équipe [de France] B ». Des anciennes gloires (Rachid Mekhloufi, Rabah Madjer) firent aussi savoir qu’elles ne souhaitaient pas voir le onze algérien trop investi par des « garçons formés à l’extérieur ». Du point de vue français, le vivier représenté par des jeunes dont les aïeux sont parfois en France depuis trois générations, pose une double question : ces jeunes hommes avaient-ils le niveau footballistique pour prétendre à jouer dans l’équipe de France des années 2010 ? Ont-ils été barrés pour d’autres raisons que leur niveau footballistique ?
À la première question, il est incontestablement possible de répondre par l’affirmative pour quelques individualités (Hassane Yebda, Sofiane Feghouli, Yacine Brahimi...) qui ont parcouru le cursus honorum des meilleurs clubs formateurs de l’hexagone et des équipes de France de jeunes au cours des années 2000. Sollicités très jeunes par les recruteurs algériens, ils ont connu leurs premières sélections en équipe d’Algérie à « l’âge des possibles » (entre 23 et 25 ans), à un moment où il leur était demandé d’être « patients » pour prétendre à l’équipe de France. Cela dans un contexte d’hyper-concurrence où l’immense majorité des sélectionnés chez les « bleuets » ne connaît jamais les honneurs du « maillot bleu ». Le choix de l’Algérie n’est donc pas forcément politique a priori mais est souvent d’autant plus politisé a posteriori que la légitimité de ces joueurs est mise en cause par les « Algériens d’Algérie ». Les dernières déclarations de Sofiane Feghouli (né en banlieue parisienne en 1989, longtemps hésitant sur son choix de sélection nationale, actuel capitaine de la sélection algérienne) en témoignent : « Dans cette société française, on n’est pas acceptés. Faut pas se mentir, c’est difficile pour nous, nos parents, ce sont des Algériens (...) Si j’ai un conseil à donner à ces nouveaux jeunes, c’est de ne pas hésiter d’opter pour le pays de leurs parents, c’est un principe à ne pas discuter. Il ne faut pas oublier l’histoire entre la France et l’Algérie, où il y a eu des choses très graves qui se sont produites par le passé. Juste pour ça, je leur demande de jouer pour l’Algérie [14]. »
Si ces propos rencontrent un véritable écho dans le monde footballistique, c’est notamment parce qu’une part importante des binationaux sélectionnés en équipe d’Algérie n’ont pas vu leurs qualités reconnues par la « formation à la française » ou ont dû s’expatrier très jeunes pour trouver du « temps de jeu ». L’exemple de Riyad Mahrez est emblématique : né à Sarcelles, de nationalité française (mais aussi algérienne et marocaine), récemment désigné meilleur joueur de Premier League (le plus renommé et le plus internationalisé des championnats) pour l’année 2016, il n’a jamais revêtu le maillot de l’équipe de France, pas même dans les sélections de jeunes. N’ayant jamais pu intégrer un centre de formation, repêché par le peu prestigieux club de Quimper avant d’éclore au Havre, il fait partie de ces très nombreux footballeurs de la banlieue parisienne qui n’ont jamais été repérés par le PSG, ni par les instances fédérales. Dans ses interviews, Mahrez rappelle ses années de « galère ». Il insiste sur le fait « qu’en France, il y a beaucoup de joueurs qui sont passés entre les mailles du filet » et, plus généralement, « qu’il y a quelque chose qui ne va pas (...) je n’ai pas envie de revenir en France, la France ne me dit rien du tout [15] ». Certes, le propos vise avant tout un système de formation (celui du football avec, pendant des années, le primat donné à la précocité et à la puissance physiques) mais comment ne pas y avoir aussi du désabusement vis-à-vis de mécanismes de sélection dont le caractère défavorable aux « jeunes de banlieue » est loin d’être propre au monde du football ?
suspicion
Il est certes impossible de mettre au jour des mécanismes de discrimination. Non seulement, la très grande sélectivité du processus de formation conduit à ce qu’être éliminé relève de la règle, alors même que l’immense majorité des joueurs sont très proches en termes de niveau physique et technique. Mais le manque d’intérêt des sociologues empêche d’analyser finement ces mécanismes de sélection en fonction de l’origine des joueurs. Les quelques enquêtes disponibles suggèrent ainsi qu’une partie des joueurs franco-algériens pourraient pâtir de leurs origines sociales (les joueurs qui vont au bout de la formation sont majoritairement issus des fractions supérieures des classes populaires) mais sont jusqu’alors restées aveugles aux données ethno-raciales [16].
Or, aussi bien dans les clubs que jusqu’au plus haut niveau de la FFF, les apparences et les stéréotypes raciaux informent largement les perceptions des « qualités physiques », du « style de jeu » et de « l’état d’esprit » des joueurs. Attendre d’eux qu’ils soient « puissants », « intelligents », « collectifs » ou « bien éduqués » ne renvoie pas à des qualités racialement neutres dans les représentations et les attentes d’entraîneurs et de décideurs eux-mêmes quasiment tous « blancs » [17]. La question se pose d’autant plus quand les joueurs ayant passé les différentes étapes d’une sélection féroce voient leur « patriotisme » mis en cause quand ils choisissent l’équipe de France.
Au cours de l’hiver 2014-2015, le « feuilleton Nabil Fekir » a mis en évidence les pressions auxquelles les Franco-Algériens promis à la gloire sportive sont soumis de par la conjugaison des évolutions du droit de la nationalité algérienne et des règles internes de la FIFA évoquées supra. Avant son premier match en bleu en mars 2015, il aurait d’abord donné son accord au sélectionneur algérien. Il suscita ainsi le courroux d’une partie de sa famille, de la fédération et de la presse algérienne... mais aussi d’une partie du public français. Accusé d’avoir cédé aux pressions de son club (qui vend plus cher un international français qu’algérien) et d’avoir favorisé ses intérêts matériels, il fut mis en cause dans une partie des médias et sifflé par de nombreux spectateurs lors de son entrée en jeu au stade de France. En septembre 2015, au cours de sa première titularisation en bleu, il se blessa gravement au genou, ce qui l’écarta des terrains pendant plus de six mois. Une partie de la presse algérienne fit alors de cette rupture des ligaments, le symbole des tiraillements auxquels étaient soumis des joueurs qui ne pourraient jamais trouver véritablement leur place en équipe de France.
La pression est en effet double sur les enfants d’immigrés algériens : d’un côté, la Fédération algérienne fait en sorte de leur proposer une nationalité sportive ouverte (dans le sens où elle n’est liée à aucune obligation en matière de formation en Algérie, à aucune connaissance préalable directe du pays...) ; de l’autre, la Fédération française est sous la pression d’élus qui exigent signature de « charte de bonne conduite », « exemplarité », « probité », connaissance de la Marseillaise et autres supposés indices de conformité à « l’identité nationale », sans lesquels les procès en patriotisme sont très vite instruits contre les footballeurs « racailles [18] ». Ainsi, en mars dernier, le ministre des sports puis Manuel Valls se sont-ils successivement chargés de faire passer publiquement le message selon lequel Karim Benzema, mis en cause dans l’affaire dite « de la sextape » mais toujours présumé innocent, ne réunissait pas les conditions nécessaires à sa sélection en équipe de France. Quelles que soient les suites judiciaires données à ce dossier, cela faisait en effet bien longtemps que ce joueur était le « coupable idéal » pour les très nombreux « entrepreneurs de morale nationale [19] ». Il est difficile de savoir si leur audience grandissante coûtera quelques buts aux « Bleus » dans les mois et les années à venir, mais il est sûr que ces mises à l’écart des « Beurs » se paient dans des enceintes autrement plus cruciales que celles des joutes footballistiques.
Post-scriptum
Emmanuel Blanchard est maître de conférences en science politique à l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines et membre du Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales. Il travaille sur le fait colonial et notamment sur la place des Algériens en France. Il a publié La police parisienne et les Algériens, 1944-1962.
Article à paraître dans Vacarme 76 (été). Une première version a été publiée dans la revue Plein Droit (numéro 109, 2016), sous le titre « Bleus et Beurs ? ».
Notes
[1] Pour faire face au forfait de Raphaël Varane, blessé, Didier Deschamps a finalement rappelé Adil Rami, qui possède aussi la nationalité marocaine.
[2] Hatem Ben Arfa fait partie des sept « réservistes » appelés par Didier Deschamps. Il pourrait jouer l’Euro si un des attaquants sélectionnés se blessait avant le début de la compétition.
[3] Le Monde, 13 novembre 2014.
[4] Patrick Simon, « Le foot français, les noirs et les arabes », Mouvements, n° 78, 2014, p. 81-89.
[5] Raymod Kopa rapporte dans son autobiographie qu’à la veille d’un match contre l’Irlande en 1952, la presse locale écrivait : « L’équipe de France que vous allez voir n’est pas la véritable équipe de France, mais une formation de naturalisés et d’étrangers qui comprend des Polonais, des Hongrois ou des Italiens, comme Ruminski, Gianessi, Ujlaki, Kopazsewski, Ferry, Curyl, Piantoni ... N’hésitez pas à les siffler. Ce ne sont pas les vrais footballeurs français que nos joueurs vont charger. Sifflez-les ! ». Patrick Burchkalter, Raymond Kopa, Kopa par Raymond Kopa, éd. Javob-Duvernet, 2006, p. 88.
[6] À titre de comparaison, le premier joueur noir à évoluer en équipe d’Angleterre, Viv Anderson, ne fut sélectionné qu’en novembre 1978.
[7] Claude Boli, « Larbi Ben Barek : la première vedette maghrébine du football français », Migrance, n° 29, 2008, p. 11-17.
[8] Dans l’empire colonial français, les habitants des protectorats conservaient leur nationalité (marocaine par exemple) sur un plan interne mais relevaient de la protection diplomatique de la France.
[9] Yvan Gastaut, Sarah Clément (coord.), « Les footballeurs maghrébins de France au XXe siècle » (dossier), Migrance, n° 29, 2008.
[10] Puisqu’avant 1962 « l’Algérie c’était la France », tous les enfants nés en France de parents nés en Algérie avant l’indépendance, étaient Français de naissance.
[11] Stanislas Frenkiel, « Grandir et travailler en France. Jouer pour l’équipe nationale algérienne de football dès 1980 », Hommes et migrations, no 1289, 2011, p. 80‑91.
[12] Marion Fontaine, « Les Oudjani et le “club des Gueules Noires“. Parcours et représentations », Migrances, n°29, mai 2008, p. 89-95.
[13] Pierre Lanfranchi, « Mekloufi, un footballeur français dans la guerre d’Algérie », Actes de la recherche en sciences sociales, n° 103, 1994, p. 70-74.
[14] La leçon de patriotisme de Feghouli aux jeunes bi-nationaux Benzia et Ounas », La Gazette du Fennec, 3 février 2016. Voir aussi : Pascal Praud, « Sofiane Feghouli, les mots qui choquent ? », Le Point, 6 février 2016.
[15] « Paris, ne me fait pas rêver »,Onze Mondial, 27 avril 2016 ; « Mahrez, roi du Mahgreb », France Football, 13 janvier 2016.
[16] Julien Bertrand, La fabrique des footballeurs, La Dispute, 2012.
[17] Anne-Sophie Bourdet, « Pourquoi aussi peu d’entraîneurs noirs sur les bancs français ? », L’Equipe, 9 avril 2015.
[18] Stéphane Beaud, Philippe Guimard, Traitres à la nation ? Un autre regard sur la grève des Bleus en Afrique du Sud, La Découverte, 2011.
[19] Stéphane Beaud, Akim Oualhaci, « Sports populaires, sportifs impopulaires. L’“affaire Benzem” remise en perspective », La Vie des idées, 8 mars 2016.