Vacarme 89 / Habiter Marseille

une cité (pas) comme les autres

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« Ces enfants s’éveillent à la vie. Leurs yeux ne s’ouvriront-ils que sur l’univers de cauchemar des bidonvilles ? Non, car depuis plusieurs années, une lutte a été entreprise pour effacer cette lèpre urbaine et promouvoir socialement et professionnellement les populations qui y vivent ».
Légende et photos extraites de la revue Urbanisme no 117, 1970.

Bâtie entre 1960 et 1963, la cité Busserine est l’une des sept cités HLM de la ZUP no 1, comptant plus de 9 000 logements. Le programme de la première ZUP (zone d’urbanisation prioritaire) marseillaise est adopté dans l’urgence, pour permettre la résorption des bidonvilles de Saint-Barthélemy, Sainte-Marthe et Font-Vert, qui s’étalent sur plusieurs hectares et hébergent des milliers de familles. Cette ZUP no 1 doit aussi accueillir des familles d’ouvriers et d’employés mal logés dans le centre-ville et de petits fonctionnaires bénéficiant du 1 % salarial. Elle doit enfin loger une partie des rapatriés d’Algérie qui arrivent à Marseille entre 1958 et 1963.

Dès la fin des années 1970, le bâti et des conditions de vie des habitants se dégradent considérablement dans la cité Busserine. Entre les années 1980 et les années 2000, la diversité sociale qui caractérisait les grands ensembles se réduit comme peau de chagrin lorsque les employés et cadres moyens quittent les cités pour des résidences plus accueillantes ou pour accéder à la propriété. Ils sont remplacés par des ayants-droit au logement social, en situation de plus en plus précaire, comme en témoignent les indicateurs en 2009 : 86 % d’ouvriers et employés pour 3 % de cadres, 80 % des jeunes adultes sans baccalauréat pour seulement 3 % de diplômés de l’enseignement supérieur, 44 % de chômeurs et 38 % de bénéficiaires de la CMU (couverture maladie universelle), 16 % de ménages de plus de six personnes, et un revenu annuel médian de 5 373 € par unité de consommation (source Insee).

Une situation économique et sociale terrifiante, qui pourtant reflète mal le quartier : car Busserine c’est aussi la cité de tous les combats d’un militantisme social propre aux quartiers populaires, aimanté autour de son centre social et de ses associations locales.

Post-scriptum

Claire Duport est sociologue, chercheuse à Transverscité. Elle a publié Héro(s), au cœur de l’héroïne (Éditions Wildproject), et, avec Michel Péraldi et Michel Samson, Sociologie de Marseille (La Découverte).