chronique
par Yves Pagès
Petits rats d’opérette en retraite précipitée, formateurs mercenaires de mercenaires formateurs, masseuses de cinq à sept, afficheurs sauvages de publicité, recenseurs de taux de fécondité, crieurs de mauvaises nouvelles sur papier journal, graffitistes pour murs aveugles, esclaves compressibles d’ateliers clandestins, chômeurs défigurés dans germinal, mitrons enfarinés dès minuit, bac + 9 sans emploi avouable, buralistes mobiles en stocks d’opiacés, nègres pour littérateurs mal inspirés, plagistes pour aoûtiens solarisés, aides-soignants à domicile non fixe, vacataires sans faculté particulière, goalsvolants jamais titularisés, plongeurs éphémères d’arrière-cuisine, photographes jetables, call-girls sur boîte vocale, cyclistes anabolisés dès trente ans, travestis Pluie, que rien à Marne-la-Vallée, pions d’échec scolaire, vendangeurs à la petite semaine, filles aux pères made in thailand, promeneurs de clebs au grand air, stagiaires à tous les étages, vidéastes d’interludes déprogrammés, déménageurs à dos d’âne, vigiles fiévreux du samedi soir, sondeurs porte à porte d’opinions, cdd d’aujourd’hui, dcd de demain, videurs hebdomadaires de greniers, ex-psychiatrisés en rééducation taylorienne, retourneurs de crêpes en hiver, cracheurs de whitespirit, fleuristes itinérantes, licenciés en sociologie du licenciement, yogi à grande flexibilité horaire, pigistes pigeonnés sous presse, junkies sevrés à la tâche chez le patriarche, télémateurs en formation cathodique, maîtres très auxiliaires, diplômés mécanos en voies de garage, ouvreuses de cinémascope le week-end, sculpteurs sans statut, caissières en flux tendus, peintres de papa noël sur vitrines, applaudimétristes de jeux / télévisés, lampistes pour salles d’art et d’essai, bidasses en soldes monstres, deuguistes sous contrat bénévole, serveuses avec mensurations idoines, sous-fifres pour orchestre philharmonique, ouvriers toujours agricoles, énièmes assistants du metteur en scène, dames-pipi en cas de besoin, traducteurs pour deux francs six sous, empileurs éphémères de têtes de gondole, jeunes hommes-sandwich à rosny-2, petites mains dégriffées du prêt-à-porter, taulards corvéables à mi-temps, mannequins catalogués pour sous-vêtements par correspondance, grand-frère à la ratp, thésards recyclés en notes de bas de page, musiciens badgés de la dernière rame, voyantes ni vues ni connues sur minitel, gardiens de phare à la sécurité routière, externes d’urgences inhospitalières, couchettistes d’aller sans retour, cachetonneurs pharmaceutiques, objecteurs consciencieux, liftiers d’ascenseur social, meneuses surmenées de revues légères, accordeurs de demi-queue, choristes remerciés par johnny halliday, titulaires suppléants perpétuels, veilleurs d’une nuit sur deux, agents de surface illimitée, coursiers alimentaires, hardeuses à mateurs sans tain, juristes en fin de droits, poètes en mécompte d’auteur, contrefacteurs d’euros chez un copiste rank xerox, saisonniers petits fruits, stars à durée déterminée, dactylos délocalisées d’outremer, doublures lumière...
NOUS SOMMES TOUS DES INTER-MUTANTS DU SPECTACLE
Mille excuses à tous ceux qui manquent encore à l’appel. Ceci n’est pas une pétition. Surtout pas, juste l’inverse.
D’abord la liste des signataires. Ensuite leur mot d’ordre édifiant : « Artistes ou pas, nous sommes des millions à souhaiter la mort de l’ancien salariat. D’ici là, faute de mieux, exigeons l’extension du statut des intermittents du spectacle à l’ensemble des précaires, stagiaires, intérimaires, saisonniers et autres travailleurs-chômeurs... »