Vacarme 20 / Vacarme 20

The times they are changing.
– Bob Dylan

Lisons.

La violence est en l’homme. Sauf à se complaire dans l’utopie ou à verser dans le totalitarisme, on ne peut former l’espoir de sa suppression. Un monde sans conflits, sans contestations, sans “marginaux” n’est que chimère. Croire étouffer la violence sous la force n’est que changer le sens des mots.

Mais la violence menace notre société. Tantôt sournoise, tantôt brutale, elle risque d’en être le ferment de désagrégation. Et notre société, inquiète, de s’interroger sur son avenir. Elle prend conscience de ses responsabilités. Elle devine que pour faire échec à la violence, elle doit accepter de se remettre elle-même en cause.

Car la violence aux multiples visages se découvre comme une réalité unique à affronter en commun. La prévenir n’est pas seulement œuvre de spécialistes, mais exige l’effort de tous. Au-delà de recommandations forcément limitées, y répondre appelle un changement des mentalités.

Que, dans un dialogue retrouvé, chacun accepte l’autre ; que, dans le respect des intérêts collectifs, se préserve l’autonomie de l’individu ; que, dans une vie plus complète, s’affirme la personnalité de chacun. Une société où se renouerait la communication, où demeurerait souple la contrainte des règles nécessaires, où l’homme serait pris constamment en considération, une telle société refuserait la violence.

Du défi ainsi relevé, peut naître un monde non point sans violence, mais apaisé.

Ces lignes, conclusives, sont extraites d’un rapport rédigé en 1977, et intitulé Réponses à la violence. Le rapport émanait d’une commission dont le président, deux ans plus tard, appela à la fermeture du dernier centre de détention fermé pour mineurs. Le lieu, sis à Juvisy, s’appelait « Juvénile ». L’homme fut entendu, le centre fut fermé. Être ainsi obéi ne constitua pas un bien grand prodige ; de président de commission, notre homme était entre-temps devenu Garde des Sceaux.

Il s’appelait Alain Peyrefitte.

On le connaît aussi, surtout, pour avoir, par une loi du 5 février 1981 dite « loi sécurité-liberté », accru les peines encourues pour les atteintes aux personnes et aux biens, allongé la durée des gardes à vue, instauré la possibilité des contrôles d’identité préventifs, avec contrainte par corps. On connaît Alain Peyrefitte comme on connaît « la France a peur », comme on connaît la geste d’une gauche s’élevant, à l’Assemblée, contre cette loi liberticide, puis l’abrogeant : Badinter. Peyrefitte reste ce profil sombre qui fait les bonnes histoires.

On ne réhabilitera pas Peyrefitte - nous dévalons encore, et de plus en plus vite, le sillon qu’il creusa comme du bout de l’ongle. Mais on notera que les paroles auxquelles un ministre de droite était alors contraint semblent aujourd’hui ressortir d’une langue étrangère : littéralement, nous n’y comprenons rien. La police, on ne l’aimait qu’en se cachant un peu ; il fallait parler de l’homme. On avait même perdu le goût des colonies pénitentiaires.

À entendre certains, nous nous croirions revenus, ces jours-ci, au tournant des 70’s et à Roger Gicquel.

À la vérité, ce temps-là s’est évanoui depuis longtemps dans le rétroviseur.

Devant, la route est toute noire.