Vacarme 89 / Habiter Marseille

carte sensible, parcours de vie : Katia, quartier de La Cabucelle

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Katia milite dans le collectif La Cabucelle. À l’occasion d’une promenade dans les quartiers Nord où elle a toujours vécu, elle parle de son action politique contre le logement insalubre et des élections municipales de mars 2020.

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En noir : les lieux vus pendant la promenade et présents dans le récit.

En bistre : les lieux et souvenirs évoqués dans le récit mais non-présents physiquement dans la promenade. Certains de ces souvenirs sont représentés bas de la carte. Évoqués au début du récit, comme un voyage statique et immobile dans le salon de Katia, ces souvenirs du passé s’enracinent dans le présent. La carte part de là et y revient.

En jaune : le parcours qui relie les lieux où Katia a habité.

En bleu : l’insalubrité, la pollution sonore.

En vert : la nature en ville, vue dans la lumière de fin de journée.

En gris : les moments de doute, une histoire difficile à raconter.


Katia a 31 ans. Elle habite dans le quartier de la Cabucelle (15e arrondissement) où elle me donne rendez-vous à 15 heures, un samedi 21 décembre. Je la rejoins chez elle (au milieu, à droite), au 4e étage d’un petit immeuble sur les hauteurs du quartier où elle vit avec ses deux enfants et son mari. Cette promenade est une histoire difficile à raconter pour Katia qui a vécu dans des logements insalubres jusqu’à il y a peu. Elle n’en a d’ailleurs presque aucun souvenir. Rien que l’idée de cette promenade l’émeut, imaginer parcourir ce quartier en repensant à tout ça lui met les larmes aux yeux. Cette promenade ouvre une boîte de Pandore dont elle ne connaît pas réellement le fond. Cette boîte représente les différents lieux où elle a habité. À cette heure, elle ne sait même pas si elle réussira à y retourner…

Voyage d’abord statique et imaginaire dans son salon, Katia raconte les débuts de sa vie professionnelle. Elle aujourd’hui conseillère en économie sociale et familiale dans le 15e arrondissement de Marseille. « J’ai essayé de me détacher de cette histoire, de quitter le quartier, je voulais aller ailleurs mais c’est moi qui suis finalement revenue à elle ».

Après trois ans d’études à l’université Aix-Marseille en biologie pour devenir laborantine, elle est contrainte d’arrêter. Ses parents ayant peu de ressources et ne se retrouvant pas complètement dans cette voie, elle décide de faire une année de césure et commence à travailler en tant qu’animatrice dans son quartier. À cette époque, elle ne sait plus trop où elle en est. Son travail lui plaît, et elle réalise qu’elle préfère finalement consacrer son temps à aider les gens de ce quartier qu’elle a pourtant voulu fuir. Elle réalise qu’elle veut être travailleuse sociale. Elle travaille en même temps qu’elle étudie, car ses parents vivent dans la pauvreté et ne peuvent pas payer. Après deux nouvelles années d’étude dans ce domaine, elle réussit son diplôme de conseillère en économie sociale et solidaire et obtient très rapidement son premier emploi. Aujourd’hui Katia s’occupe des affaires des personnes qui touchent le RSA, elle fait de l’éducation économique, les aide dans leurs papiers de santé, leur apporte son soutien dans de multiples aspects de la vie courante, la gestion du foyer, l’éducation par exemple.

Katia me parle ensuite du contexte politique de son quartier dans lequel elle s’investit, un quartier recensé comme l’un des plus pauvres d’Europe. Elle milite sur un problème de santé publique, contre la prolifération des punaises de lit avec le collectif La Cabucelle (douze écoles ont été infestées dans les quartiers nord et partout dans Marseille, une caserne de pompier, des hôpitaux, La Timone, par exemple, des résidences étudiantes, ainsi que de nombreux habitants). L’invasion est massive et le phénomène très difficile à éradiquer, avec un coût exorbitant des interventions (environ 1 000 euros) que les habitants des quartiers populaires ne peuvent pas se payer. L’action militante du collectif consiste à informer les gens et à essayer de faire entendre auprès de la mairie à travers des pétitions, recours, blocages. La mairie centrale et la mairie de secteur se renvoient la balle et refusent d’informer la population et de s’atteler à une gestion globale du problème.

Katia était hier à Coco Velten (lieu d’occupation temporaire institutionnalisée géré par le collectif Yes We Camp près de la Porte d’Aix) pour une réunion du Pacte démocratique. Elle me raconte que la lutte pour l’union de la gauche au point mort au moment où nous parlons. Le PS a voulu créer le Printemps marseillais un mouvement rassembleur avec les écologistes et La France Insoumise (LFI) avec une assemblée de citoyens principalement composée de leurs électeurs, absolument pas représentatives des quartiers de Marseille. Pour Katia, c’est significatif du mépris qui est celui de l’ensemble de la classe politique de la gauche marseillaise à l’égard des classes populaires, et révélateur de l’absence de prise en compte de la parole des habitants des arrondissements les plus pauvres contre laquelle elle lutte. C’est pourquoi une partie de LFI s’est investi dans le Pacte démocratique s’appuyant sur une base militante, avec des citoyens engagés, des associations. Katia en fait partie. Elle se dit prête à se proposer sur les listes des municipales. Prendre la mairie du 15e avec des acteurs du quartier en première ligne, elle sait que pour cette élection c’est foutu, en grande partie à cause du PS et du PC, mais la prochaine ?

Une cheminée majestueuse, briques orange clair en bas, rouge et brunes au sommet. Katia dit avoir « presque vécu » dans cette cheminée.

La promenade se poursuit en mouvement. Descente des quelques étages de l’immeuble, on arrive boulevard Delmandolx. Katia engage le parcours, on descend vers le chemin de la Madrague. La vue du parking donne sur les hauteurs de Marseille, vers le nord. On aperçoit les collines, en plans successifs, un terrain de sport, une voie ferrée et au loin une longue barre d’immeubles rose. De l’herbe fraîche, ça sent la campagne en pleine ville. Tout de suite en face, la maison d’une amie d’enfance. C’était la maison de ses rêves à l’époque, son amie avait sa propre chambre. Aujourd’hui Katia habite à côté et cela ne la fait pas vraiment rêver… La promenade dira peut-être pourquoi.

Arrivée sur le chemin de la Madrague, les voitures roulent vite. Il n’y a pas grand monde dehors. On traverse en direction de son école maternelle à l’entrée d’une petite rue donnant sur le boulevard. École maternelle « La Cabucelle ». C’est une grande entrée très haute, l’encadrement est blanc paré de petits ornements en faïence colorée. Katia me parle de ses parents qui sont venus d’Algérie, depuis la Kabylie, pour des raisons de santé. Quand les parents de Katia ont réussi à en avoir un enfant, « manque de chance, c’était une fille ». En Algérie les héritages s’opèrent par le masculin. Cette naissance a donné lieu à un conflit entre ses parents, sa mère voulant rester, son père préférant partir. En même temps, il y avait des difficultés familiales au pays et les relations étaient déjà difficiles avec la famille paternelle. Ils ont décidé de rester et d’accueillir cette naissance comme un cadeau.

Katia garde un bon souvenir de l’école mais elle ne parlait pas bien le français au début, ce qui a été à l’origine de beaucoup de moqueries à son égard. Ça a été dur mais ce n’est plus qu’un souvenir, les enfants peuvent être méchants.

En quittant l’école maternelle, Katia me raconte comment elle a appris à parler français, avec ses poupées quand elle avait quatre ans, et avec Georgette chez qui ils habitaient, une femme gentille qui lui donnait souvent des bonbons mais qui leur louait un logement insalubre. Du chemin de la Madrague, on tourne rapidement dans une rue sur la gauche. Il n’y a personne, on marche tranquillement au milieu de la chaussée. Quelques hangars, entrepôts, les murs se succèdent. Une grande cheminée en brique. Haute de plusieurs mètres, elle détonne dans le paysage. À côté, un entrepôt en métal orange flambant neuf et un arbre aux branches longues comme des bras. La cheminée est majestueuse, briques orange clair en bas, rouge et brunes au sommet. Katia dit avoir « presque vécu » dans cette cheminée. Enfant, elle imaginait avec ses amis qu’il y avait ici un passage vers un autre monde, une maison avec plein de gens à l’intérieur, une caverne avec un trésor… Les paysages et architectures variées de La Cabucelle irriguaient leurs imaginaires.

Au bout de la rue un immeuble orange. À l’époque, il était complètement décati et très abîmé, lézardé de partout. Katia passait souvent devant, il y avait un vieux monsieur qui restait assis toute la journée devant. Il faisait l’objet de tout un tas de rumeurs dans le quartier. Elle lui disait toujours bonjour poliment chaque matin, mais elle était morte de trouille dès qu’elle l’apercevait. Virage à droite dans une petite rue qui monte bordée de petites maisons d’époques différentes. Sur la gauche, une résidence. Katia raconte comment c’était avant, magnifique, avec de beaux arbres. Maintenant les grilles sont rouillées ça n’a pas été entretenu. « C’est triste à voir » dit Katia.

Sans prévenir, nos pas nous mènent à un pont au-dessus de la voie ferrée. Nous nous arrêtons. On regarde en bas, le ravin est profond. Katia évoque le souvenir d’une pièce de cinq francs qu’elle a perdu ici. Très attristée de cette perte qui représentait beaucoup pour elle à l’époque, elle en a rêvé de nombreuses fois et a tout imaginé pour essayer de la retrouver. Cette pièce est sans doute encore là.

La voie ferrée sans doute désaffectée est parsemée de choses jetées par dessus bord. Le grillage a des trous, rapiécé par endroits et bouché à d’autres par des plaques de métal. Ce n’était pas dans cet état là quand elle était petite, Katia raconte que le quartier s’est beaucoup dégradé en quelques années. À droite, une série de hauts immeubles de plusieurs étages a été construite récemment. Auparavant il y avait là à la place, un terrain de boules où les habitants venaient très souvent.

La rue se rétrécit. La voie serpente bordée de petites maisons de plain-pied. L’ambiance est celle d’un faubourg paisible, on entend les oiseaux chanter. « C’est ici ! » crie Katia. On arrive chez Georgette, son premier lieu d’habitation, rue Alexandre Meradou. Trois enfants d’une dizaine d’année bavardent sur le pas de la porte. Le silence s’impose, naturellement. Lentement, on dévisage ensemble ce lieu. Les enfants nous regardent un peu étonnés. Katia leur explique qu’elle a habité ici, leur raconte comment c’était avant. Il y avait une épicerie tenue par Georgette, la maison devant avec une petite porte et une fenêtre bleue. Juste à côté, la porte bleue en métal était en bois. Elle menait par un petit couloir vers son logement. Katia demande si on peut entrer et voir à l’intérieur. Les enfants, amusés, nous autorisent à entrer. Le locataire actuel, leur oncle, est absent. Au bout du couloir, descendre l’escalier dans une minuscule cours, située un niveau en-dessous de la route, en rez-de jardin. L’endroit a été refait mais le logement enclavé semble toujours souffrir de l’humidité. Murs en crépis blanc, le carrelage du couloir est à motifs orientaux. Nous apercevons en hauteur les jardins des maisons d’à côté. Une ambiance plus paisible que dans les souvenirs qui reviennent à la mémoire de Katia. Elle se souvient d’une cave, d’un espace insalubre et peu aménagé. Il y avait de l’électricité mais pas de chauffage, pas d’eau chaude, pas de salle de bain, pas de cuisine. On faisait à manger sur un réchaud.

Nous reprenons la route, qui continue de monter. Katia me raconte qu’à cause d’une question de logement, un jour, une dispute éclate avec son mari. Peu après leur mariage, celui-ci avait trouvé un appartement dans une des tours de Bougainville. Après la visite , elle me raconte que

« C’était horrible, tout était pourri, je ne voulais pas du tout habiter là-bas ». Son mari, lui, ne comprenait pas pourquoi et trouvait que c’était une bonne opportunité. « Il a fini par comprendre que ce n’était pas négociable pour moi, j’avais tellement galéré dans ma vie, ce n’était pas aujourd’hui que j’allais me retrouver encore dans un logement pourri. Autant rester chez mes parents ». Quelques mètres plus loin on tourne à droite, de petits immeubles sur un ou deux étages apparaissent. Tout d’un coup un immense immeuble qui semble tout juste sorti de terre. Un genre de grande résidence qui n’a pas de portes au niveau de la rue. Katia raconte qu’il y avait à la place un immense magasin où on trouvait tout où sa mère venait souvent pour approvisionner la maison. C’était le grand commerce de quartier. À la place celui-ci et deux autres immeubles ont poussé. Katia n’imaginait pas qu’il y ait autant de place ici pour installer des bâtiments aussi grands.

Un grand trou dans lequel les enfants imaginaient des squelettes humains, des chauve-souris.

Le parcours débouche sur la place Tarquin. Une place carrée avec au centre un aménagement qui ressemble à une aire de jeu sans jeux. Quelques voitures sont garées, deux hommes font de la mécanique. L’endroit ne ressemble en rien à ce qu’elle a connu. Katia y a de nombreux souvenirs joyeux, une amie habitait dans un des immeubles de la place, elle allait souvent chez elle. Avant, il y avait des jeux pour les enfants dans un kiosque ouvert dessiné par une armature en métal jaune surmontée d’arceaux arrondis qui ont rouillé avec le temps. Il y avait des gens assis sur les bancs qui venaient discuter, un peu comme les femmes qui sont assises en ce moment de l’autre côté de la place. Il n’y a plus rien de tout ça. L’une des femmes nous interpelle, Katia discute en kabyle avec l’une d’elles. Coïncidence, il y a peut-être vingt ans, elle avait discuté avec son mari qui, à l’époque, venait d’arriver en France. Elle lui avait dit : « Allez accroche toi, tu viens d’arriver, tu vas trouver du travail et faire ta place ici ». L’ayant recroisé récemment, son mari l’a remerciée de son soutien. « Merci pour votre conseil, vous aviez raison, je suis toujours là » lui a-t il répliqué vingt ans plus tard. Ébahie de cette rétro-action inattendue, la vieille dame raconte à Katia combien elle est heureuse pour lui et Katia sourit.

Nous continuons notre ascension par une petite rue au bout de la place. À l’angle, une grande maison bourgeoise avec un jardin, encore une maison comme elle en rêvait étant petite.

En haut de la côte, on aperçoit le massif de l’étoile et ses antennes au sommet. Katia me fait part de son attachement aux paysages variés de ce quartier baignés d’une chaleureuse lumière du soir au moment où nous les traversons. Enfant, ce paysage avec ces architectures variées avaient place dans ses imaginaires de jeux. Des maisons du quartier comme le manoir que nous apercevons au loin pouvaient constituer le point de départ des histoires qu’elle se racontait.

Rue de la Butineuse. Ambiance résidentielle, la voie s’élargit un peu. D’un côté comme de l’autre les maisons en rez-de-chaussée et en pierre de taille pour certaines, sont alignées. Au coin d’une rue, un petit immeuble sur un étage recouvert d’un vieux crépi beige. Le bâtiment paraît fermé et possède peu de fenêtres. Il y a quelques années la mère d’un ami a été retrouvée morte ici dans son appartement, assassinée pour de l’argent que sa propriétaire lui réclamait et qu’elle n’avait pas. Ladite propriétaire était en fait une membre de sa belle-famille, une femme déséquilibrée psychologiquement. La personne âgée a reçu plusieurs coups de couteau avant d’être ligotée et bâillonnée pour ne pas alerter les voisins. La victime décédée bien après le départ de la meurtrière a souffert un long calvaire. Son fils parti en vacances au sport d’hiver, sans nouvelles a fini par faire intervenir les pompiers qui l’ont retrouvé quelques jours plus tard. Cela a été un traumatisme pour Katia qui était présente à quelques pas d’ici et n’a rien pu faire pour sauver cette femme.

Quelques centaines de mètres plus loin, Katia me montre, émue, « son premier vrai appartement ». Les trois fenêtres au premier étage à l’angle du chemin de la Madrague et de la rue Michel. C’est le logement qu’ils avaient fini par trouver après la fameuse dispute. Katia regarde l’interphone, comme si on allait entrer. Cet appartement est le premier logement « normal » qu’elle a eu dans sa vie. Il y avait du chauffage, de l’eau chaude, ils n’avaient pas froid l’hiver. Il y avait juste le problème du bruit car la route en face est très passante avec des voitures qui circulent toute la journée, mais « à choisir le bruit au moins, on peut vivre avec ». Katia et son mari ont quitté l’immeuble au moment d’avoir leur premier enfant. Elle ne voulait pas que ça recommence. Elle avait tellement rêvé d’avoir une chambre étant enfant, elle tenait absolument à ce que son enfant en ait une, ce n’était pas possible autrement.

De retour sur le chemin de la Madrague, on commence la descente. On retrouve en marchant pas à pas le paysage du début de la promenade. À gauche une grande parcelle en friche recouverte d’herbes hautes et sèches. Katia me montre un grand socle de béton qui accueillait autrefois une autre grande cheminée en brique comme celle du boulevard Marie-Joseph. On tourne à droite dans une rue parallèle. À l’angle, le Bar chic avec son enseigne rose et noire, il y a toujours du monde dit Katia.

En s’avançant dans la rue Katia évoque un grand trou dans cette rue dans lequel elle jouait avec d’autres enfants. Ils imaginaient des squelettes humains, des chauve-souris, mais il n’y avait que des pigeons morts et quelques détritus. Sa mère trouvait cet endroit dangereux. Ce lieu faisait également peur à Katia mais la fascinait en même temps. Un peu plus loin, Katia me montre un grand portail vert, c’était la maison de ses voisins. Ils avaient des poules, des animaux, elle a beaucoup appris en venant souvent ici.

Quelques mètres après, nous entrons dans une cour intérieure. Katia me montre l’appartement où elle a vécu pendant des années après chez Georgette, ses parents y vivent encore actuellement mais ont depuis changé d’habitation de l’autre côté de la cour. Elle était tellement contente le jour où elle est arrivée, elle avait une vraie chambre rien qu’à elle à l’étage. Habiter ici, c’était un progrès mais les conditions de vie restaient difficiles. Ils se chauffaient au poêle à bois, il n’y avait pas d’eau chaude. Il y faisait très froid l’hiver et très chaud l’été, c’était mal isolé. Les conditions se sont un peu améliorées depuis mais ces logements restent dégradés. Il y a eu des travaux il y a quelques années. Katia se souvient des terribles conditions de ce chantier. De très grands tas de terre partout au milieu de la cour, aucun passage aménagé pour passer, des replâtrages à la va-vite. Et surtout, ils ont coupé l’arbre. Si elle avait pu, Katia se serait enchaîné à lui pour les en empêcher. Un arbre splendide qui apportait de la douceur dans ce lieu, donnait de l’ombre l’été, abritait en hiver. Il n’en reste qu’une souche, encore visible.

Au collège, Katia a subi du harcèlement dont elle garde un souvenir fortement attaché à ce lieu. En face du bâtiment, une rangée de cabanons servait à stocker du bois pendant l’hiver. Certains qui savaient qu’elle habitait là la suivaient et l’épiaient répandaient de fausses rumeurs disant qu’elle habitait dans ces cabanons ce qui bien sûr était faux. Katia en souffrait mais s’en fichait pas mal. Après cette expérience Katia s’est toujours promis de lutter contre ces stigmates et pour le droit à un logement décent. Elle le fait d’ailleurs aujourd’hui au quotidien dans son travail de conseillère en économie sociale et familiale. Les gens éprouvent de la honte à habiter dans des taudis mais c’est plutôt à la ville, à la mairie que revient cette indignité. Ceux qui sont vulnérables et pauvres n’ont pas le choix, il faut bien habiter quelque part. Ceux qui ont le pouvoir doivent faire respecter et appliquer le droit au logement dans l’intérêt de tous. Au bout de cette même rue, pourtant : la mairie du 15e.

Retour sur le chemin de la Madrague. Panneau bleu, arrêt de bus, Demandolx, ligne 70, la promenade s’achève ici.