la fresque aux icônes à propos de « Dreadful Details » d’Éric Baudelaire

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Que peut une image de guerre ? Proposition de réponse avec le diptyque photographique Dreadful Details composé par Éric Baudelaire. Cette composition, « grande machine » sur la forme moderne des conflits, revisite toutes les images de guerre qui nous hantent. Elle renoue aussi un échange souterrain avec Gilles Deleuze. On comprend alors comment une belle image photographique peut dans un même mouvement réapprendre à voir et réaffirmer la persistance sacrée de l’humain.

Éric Baudelaire est allé photographier la seconde (ou la troisième) guerre d’Irak à Hollywood, dans les décors des séries télévisées qui se tournent actuellement, Over Thereen tête. L’œuvre qui en est ressortie apparaît à la fois comme une critique radicale et comme une apologie feuilletée des clichés qui hantent nos âmes, nos écrans et nos livres. Essayons de comprendre comment l’apologie peut ainsi se tisser dans la critique jusqu’à mettre en abîme et les images de guerre et leurs justifications traditionnelles.

C’est une vaste fresque, de 209 sur 375 cm, emplie de héros et de souffrances, de sang, de fumée, de contrastes saisissants (d’un côté les gravats, les éclats de pastèque, les jambes étales de l’avant-plan ; d’un autre la tranquillité apparente des collines à l’arrière-plan). Son sens obvie saute aux yeux : c’est une fresque symbolisant la forme moderne des guerres, à savoir ni les grandes batailles conventionnelles, ni la guérilla des maquis de partisans ou des focos guévaristes, mais la guérilla urbaine où se mêlent troupes conventionnelles, supplétifs locaux et civils. C’est donc apparemment une « grande machine » au sens que pouvait lui donner Delacroix : une grande œuvre, extrêmement composée, valant à la fois par la puissance de son mouvement d’ensemble et le soin apporté aux détails, tentant de restituer le plus fortement possible la grandeur tragique (La mort de Sardanapale) ou bestiale mais triomphante (l’Attila de la coupole de l’Assemblée) d’un grand événement.

Celle-ci semble toutefois produite pour fonctionner à l’envers. L’image est d’abord fracturée en son centre : il n’y a qu’un seul photogramme mais il est présenté en diptyque, brisant ainsi d’avance toute promesse d’unité et de mouvement d’ensemble. Plus encore, ce mouvement apparaît vite à la fois figé et découpé en zones de visibilité et de sens presque hermétiques les unes aux autres. Très vite on s’aperçoit qu’il n’y a en fait pas d’action ni de mouvement d’ensemble spontané ; les personnages sont des acteurs qui prennent la pose, hiératique ou faussement naturelle. Et un peu moins vite, on comprend que chaque zone de visibilité ne vaut primordialement que pour elle-même et ne se compose avec les autres que par un double artifice : l’unité de carton-pâte des décors et la prise unique de la photo¬graphie. Enfin, cette fresque s’intitule Dreadful Details, mais à y regarder de près, on n’observe précisément aucun détail « effroyable » ou « insupportable » : l’enfant dans les bras de sa mère, vraisemblablement mort, ne porte nulle trace de sang, les autres morts, quand ils ne sont pas dissi¬mulés sous une couverture, ne portent ni mutilation, ni blessure éprouvante, on n’entend nul cri de désespoir, on ne voit aucune bestialité en acte. En vérité, il n’y a pas davantage d’effets de réel des détails que de la composition d’ensemble. Sa vérité est à mi-chemin, dans des motifs ou des saynètes juxtaposés. C’est une anti-fresque.

C’est quand l’on parvient à un tel regard que commence véritablement la mise en abîme. Celle des clichés sur la guerre et de leur justification. Il faut prendre au sérieux ici cette notion de cliché, c’est-à-dire d’images toute faites, sans affect car toujours bien connues et digérées d’avance, présentes autant en nous (sous forme de souvenirs à la fois flous et envahissants) que hors de nous (sous forme d’illustra¬tions éculées de magazines ou de publicité), et rendant donc essentiellement obsolète toute distinction entre intérieur et extérieur, esprit et monde, comme entre eux et nous, acteurs et spectateurs. C’est notamment là une notion essentielle de l’esthétique moderniste deleuzienne : dans un monde submergé d’images, il n’y aura encore des images d’art dignes de ce nom que par une lutte sans pitié avec les clichés. Plus précisément, si l’on croyait pleinement dans la valeur intempestive de sa philosophie, on pourrait dire que Deleuze a consacré au moins deux textes à Dreadful Details d’Éric Baudelaire. Le premier porte sur la crise de ce que Deleuze appelle « l’image-action », c’est-à-dire l’image capable d’incarner sous une « grande forme » des rapports entre des milieux et des comportements. Il y écrit notamment ceci s’inspirant de Godard (in L’Image-mouvement, chap. 12, p. 289) :

« Si les images sont devenues des clichés, à l’intérieur comme à l’extérieur, comment dégager de tous ces clichés une Image, « juste une image », une image mentale autonome ? De l’ensemble des clichés, doit sortir une image... Avec quelle politique et quelles conséquences ? Qu’est-ce qu’une image qui ne serait pas un cliché ? Où finit le cliché et où commence l’image ? »

Difficile de ne pas lire ici le programme même que s’est donné Éric Baudelaire : exprimer d’abord la crise de l’image-action, souligner combien l’image de guerre ne parvient plus à restituer la moindre « grande forme » mais seulement à multiplier des clichés empoisonnants ; et ensuite devoir « dégager de tous ces clichés une image ». Car tout ici est cliché ou référence aux clichés. Cliché du cadavre de sniper, à qui l’on a fait prendre la pose avant de le photographier, comme l’avait fait Alexander Gardner avec sa photo Home of a Rebel Sharpshooterlors de la guerre de Sécession. Le mort, en arrière-plan et contre le mur, à gauche du panneau droit, en est une quasi-citation et le titre même, Dreadful Details, provient de la légende d’une photographie du livre publié par Timothy O’Sullivan et Mathew Brady sur cette guerre, Gardner’s Photography Sketchbook of the war, 1865-1866. Cliché du photo-journalisme plus récent : comment ne pas se sentir au Vietnam à la gauche du panneau de gauche, entre cette femme qui ouvre les bras face au soldat qui la met en joue et cet homme accroupi, fusil posé au sol, derrière un écran de fumée ? Cliché encore de la peinture de guerre elle-même : à droite du panneau de droite, avec ces soldats prêts à faire feu et ce suppliant qui ouvre les bras, comment ne pas se sentir en Espagne, le 3 mai 1808, sous le regard de Goya ? Plus encore, avec cet officier à l’air indifférent qui se tient légèrement à l’écart, on n’est plus seulement chez Goya et en Espagne, mais tout autant chez Manet et au Mexique, à propos de l’exécution de Maximilien. Dans sa dernière version, Manet avait prêté à l’officier les traits de Napoléon : ici, on ne reconnaît personne, même l’ultime dénonciation s’efface dans l’indifférence. Et clichés derechef, cette fois au sens le plus commun, que ceux que prennent les deux civils au balcon. Ils les prennent avec leur téléphone portable, comme en une référence implicite aux images « amateurs » d’Abou Ghraïb ; et ils les prennent en surplomb d’un journaliste télé qui est encore en train de régler sa caméra, comme en une allusion tout aussi implicite à l’explosion des images d’anonymes, notam¬ment grâce à Internet. Bref, toute image de guerre fait résonner temporellement toutes les guerres passées, et on est effectivement bien proche de cette « image mentale » que recherchait Deleuze chez Welles ou chez Godard, au-delà de la crise de l’image-action, c’est-à-dire de l’image qui prétendait encore exprimer un rapport cohérent entre un milieu et des comportements ; image mentale qui ne serait donc plus une « image-mouvement » mais une « image-temps », superposant des strates de temps à l’état pur et donnant ainsi autant à penser qu’à voir, pour échapper aux clichés qui eux ne se jouent qu’au présent et effacent donc toute idée sous leur affect mort, neutre, anesthésiant.

Quelle serait alors l’idée ? Justement la mise en abîme des justifications de l’image de guerre après la mort du héros et des grandes fresques censées lui rendre justice. On peut en effet en retrouver au moins quatre : héroïser, à la manière de Goya, non plus le combattant en action mais la victime, le civil ou l’occupé, dût-il être membre des troupes auxiliaires de l’occupant (et l’on remarquera que l’on ne voit aucun soldat américain mort sinon, et encore peut-être, celui sous la couverture) ; ou dénoncer, à la manière justement de Gardner et O’Sullivan (« Such a picture conveys a useful moral : it shows the blank horror and reality of war, in opposition of its pageantry. Here are the dreadful details ! Let them aid in preventing such another calamity falling upon the nation » [1] dit la légende entière d’une photo de Gardner, A Harvest of Death), ou encore à la manière de Picasso ou des films sur la guerre du Vietnam (et les deux y sont), l’horreur brutale de la guerre ; ou, à la manière d’un art plus directement militant, inquiéter le spectateur, l’impliquer dans l’image ou la scène, « makes something happen » comme ne disait pas Auden, ou briser le « quatrième mur » comme disait Brecht (et, à droite, les soldats comme leur victime le font deux fois : les uns nous visent, l’autre nous implore) ; ou encore s’y retrouver, ¬offrir dans l’image même de la guerre le reflet de nos plus intimes désastres ou de nos doutes les plus criants (et l’on remarquera, tout à gauche, l’homme plutôt occidentalisé et intellectuel, qui regarde et semble ne rien comprendre ; et symétriquement, tout à droite, l’homme calme, sceptique, qui semble retenir le suppliant comme pour lui dire : « à quoi bon ? »). Bref, la première réponse de Dreadful Details à l’apogée d’une immense mise en abîme s’apparente à la fois à une synthèse et à un renversement de toutes nos questions spontanées sur la guerre : après avoir si longtemps tenté de justifier l’image par le discours ne devons-nous pas encore tenter de justifier les discours par l’image, de justifier les justifications et ainsi d’apprendre à revoir en image ce qui ne peut plus s’entendre ? C’est une sorte de réponse éthique : c’est justement là où il y a trop d’images aveuglantes, de clichés, que nous devons faire advenir une image capable de nous réapprendre à voir.

Le second texte de Deleuze sur Éric Baudelaire est celui qui, au chapitre XI de Logique de la sensation, tente de montrer combien, dans la lutte contre les clichés, la peinture sera à jamais irremplaçable par la photographie. Il écrit notamment ceci à propos des photos :

« Elles peuvent donc faire valoir des prétentions esthétiques et rivaliser avec la peinture : Bacon n’y croit guère, parce qu’il pense que la photo tend à écraser la sensation sur un seul niveau, et reste impuissante à mettre dans la sensation la différence de niveau constitutive. Mais y arriverait-elle, comme dans les images-cinéma d’Eisenstein ou dans les images-photo de Muybridge, ce ne serait qu’à force de transformer le cliché, ou, comme disait Lawrence, de malmener l’image. Cela ne ferait pas une déformation comme l’art en produit (sauf dans des miracles comme celui d’Eisenstein). Bref, même quand la photo cesse d’être figurative, elle cesse d’être figurative à titre de donnée, à titre de « chose vue » — le contraire de la peinture. »

À l’aune de ce texte, ce n’est plus de congruence programmatique qu’il s’agit, mais d’un défi à relever. Si, la photo peut rivaliser avec la peinture, semble promettre la fresque d’Éric Baudelaire ; ou au moins, elle peut tout particulièrement rivaliser avec la peinture sur la question de la guerre. Et ce, pour une raison précise : parce que sur ce terrain, il y a une indéniable précellence visuelle de la photographie — la peinture n’a jamais su peindre la guerre, mais seulement des batailles, des triomphes ou des défaites (sauf, pour parodier Deleuze, dans des miracles comme celui de Goya) ; seule la photographie a su la saisir pour ce qu’elle est : toujours hors-champ, toujours en préparatifs ou en bilans, toujours multiple et décomposée dans ses motifs (le soldat apeuré, le soldat cruel, le soldat hébété, le mort, le vaincu, le témoin hagard), toujours inscrite dans des images qui l’ont préparée, accompagnée, réalisée mais sans jamais la saisir complètement, sans jamais permettre d’en ériger une essence ou « un » art (aux deux sens du terme). Autrement dit, la photographie peut aussi bien, sinon mieux, que la peinture exprimer la vérité non de la guerre, mais de notre relation à la guerre, parce qu’elle seule, à la fois par son réalisme technique et par son caractère résolument commun (tout le monde peut prendre des photos), exprime spontanément la transcendance radicale de son expérience : la guerre ne peut pas être ressentie par ceux qui ne l’ont pas vécue, et ne peut pas être nommée par ceux qui l’ont vécue.

Plus précisément, Éric Baudelaire semble relever de deux manières le défi posé par Deleuze. Premièrement, en prenant la notion deleuzienne de clichés en son sens précis, c’est-à-dire en rappelant que le véritable cliché qu’il s’agit de déformer et de traverser n’est pas le cliché photographique comme chez Bacon, mais l’image éteinte indistinctement en soi et hors de soi. Dès lors, tout l’enjeu n’est pas de « malmener l’image » pour parvenir coûte que coûte à « ne pas écraser la sensation sur un seul niveau », mais à l’opposé de la rallumer, de la redresser dans sa force initiale, pour montrer combien d’emblée se jouent en elle au moins deux niveaux de sensations radicalement transcendants ou incommunicables : la sensation de celui qui a connu la guerre dans son corps par-delà toute image et tout discours, et la sensation de celui qui ne l’a connue que par des images. De ce point de vue, la photographie d’art conserve intacte toute sa puissance de déformation afin, non pas d’étager la sensation, mais de montrer combien, quoi que l’on ressente, il y aura toujours une sensation qui nous échappera, celle justement des protagonistes. Par exemple, à droite du panneau droit, les soldats du 3 mai 1808 et leur victime solaire ont pivoté de 90 degrés. Ce n’est plus celle-ci que ceux-là menacent, ce ne sont plus ceux-là que celle-ci supplie, mais nous-mêmes. La sensation du spectateur est donc entièrement différente. Mais celles des protagonistes ont-elles changé ? Peut-être que non : on y voit les mêmes gestes, la même concentration terrible des soldats, la même peine sur le visage de la victime. Mais peut-être que oui : la victime héroïque n’est plus centrale et solaire mais décentrée, assombrie, et peut-être devenue folle (ce n’est plus elle qui est menacée, un autre civil semble le lui rappeler) ; et les soldats ne portent plus les uniformes bigarrés des armées napoléoniennes et semblent autrement plus professionnalisés, homogénéisés, sans affect sinon la peur. On ne sait pas, on ne pourra jamais savoir : les sensations du réel passeront à jamais sous l’image.

De ce point de vue, c’est moins du côté de Muybridge et de ses décompositions photographiques qu’il faudrait chercher les sources d’Éric Baudelaire, mais du côté de Jeff Wall, et notamment de sa grande fresque sur la guerre en Afghanistan de 1992, Dead Troops Talk (A vision after an ambush of a red army patrol near Moqor, Afghanistan, Winter 1986). On y voit alors des soldats russes morts en train de se parler, mais qui ne nous disent absolument rien. À nous, ils n’ont rien à dire, on ne peut que les peindre. La guerre, dans ses souffrances et ses morts, ne se raconte pas, elle se tait et s’oublie sous l’image qui ne peut plus prétendre qu’à un hommage inaudible, figé et inquiet à leur jeunesse défaite. Éric Baudelaire semble reprendre sur ce point précis la démarche même de Jeff Wall : ce que l’image peut restituer de la guerre ne sera jamais la vérité de ses sensations, mais seulement le tremblement hiératique de leur transcendance, à la manière des icônes byzantines. Ce faisant, il semble toutefois pousser une telle logique beaucoup plus loin, et c’est sa seconde façon de relever le défi posé par Deleuze. Il s’agit d’assumer jusqu’au bout ce caractère irréductiblement iconique des images de guerre, de faire de la photographie d’art non seulement une fantaisie vaudou et picturale du réel, mais un espace sacré et un lieu d’accueil pour ses grandes icônes : les morts, les destructions et la souffrance comme l’anesthésie indicibles de tous ses protagonistes. Faire des clichés des icônes, au sens propre du terme : des variations indéfinies sur un même thème sacré, c’est-à-dire à jamais transcendant, à jamais par-delà tout jugement sinon celui, négatif, qui énonce l’impossibilité de le sentir et de le comprendre depuis la vie d’ici-bas ; et des variations ici en charge de relever l’effroyable, commune et stupéfiante beauté de cette part d’humanité qui échappe on ne sait comment aux désastres de la guerre. Remarquable à cet égard est tout le travail sur la piétà qui occupe seule presque le centre du photogramme original. C’est à la fois la piétà de Michel-Ange où la femme voilée si petite, si menue comparée aux autres personnages, semble, elle aussi, devenir la fille de son fils ; mais c’est autant la piétà de Guernica (elle était à gauche chez Picasso, elle passe à droite du panneau gauche ici) ; et c’est aussi, sans doute, la Madonne de Bentalha de Hocine Zaourardu qui a fait le tour du monde, et peut-être encore autre chose. Mais déjà celles-là, une sculpture, une peinture et une photographie de reporter : tous les arts de l’image, des plus grands aux plus communs et aux plus mercenaires, tournent toujours autour de la même icône que présente seule la photographie d’art pour ce qu’elle est, une icône dont la Figure transcendera toujours toutes ses incarnations plastiques.

Avec et contre Deleuze, contre aussi tout un certain mouvement de l’art contemporain qui ne voudrait plus entendre parler de beauté au nom justement du réel ou de la « vie nue », Éric Baudelaire rappelle ainsi que, au moins à la guerre, il y a une transcendance irréductible de tous les marqueurs de réalité (la sensation, la parole, la résistance, la surprise) qui oblige à ne jamais pouvoir la saisir qu’à travers le semblant des beautés icôniques, des beautés de clichés relevés en icônes, qu’on lui a toujours prêtées extérieurement. En ce sens, qu’on la pense comme témoignage, dénonciation, ou question, par-delà l’effroi, l’aveuglement, le dégoût, le scandale ou la honte, par-devers toute catharsis, jouissance ou naïve espérance pédagogique, une image de guerre nous obligera peut-être toujours à reconnaître ce même constat pénible : l’odieuse mais indéniable beauté et son pouvoir indivisible de fascination et de répulsion qui surnagent, ou ressurgissent sans cesse comme une hantise, des ruines, des gravats, des morts, des suppliciés et des suppliants. Éthiquement et politiquement, il y a quelque chose de presque insupportable à devoir reconnaître de telles beautés de la guerre et par la guerre, même si elles se montrent aussi malgré la guerre, et même si Éric Baudelaire prend garde de laisser hors champ toute allusion au point aveugle des guerres génocidaires (nulle citation des camps ici, nulle citation de ce qui est en un sens le photogramme de guerre le plus célèbre : ce jeune enfant du ghetto de Varsovie levant les bras en 1943). Mais il y a peut-être aussi là un pouvoir de consolation et de relève comparable à celui que l’on prêtait autrefois aux icônes religieuses. On pourrait l’appeler : l’affirmation de la persistance sacrée de l’humain.

Notes

[1« Une telle image porte une morale utile : elle montre l’horreur et la réalité crues de la guerre, et non son spectacle. Voici les détails effroyables ! Puissent-ils contribuer à empêcher qu’une telle catastrophe s’abatte à nouveau sur la nation. »